Interview faite par mail par E.L.P

Salut à toi Helmuth ! Merci de nous accorder ces quelques instants au milieu de toute l’activité faite autour de votre prochain album : "Conjuring The Dead" (Nuclear Blast) ! Je pense que Belphegor n’est plus vraiment de ces groupes que l’on présente après 20 longues années d’existence ! Comment pourrais-tu définir l’essence du groupe aujourd’hui, en 2014… ?
Helmuth (chant / guitare) : C’est tout simplement surréaliste de regarder en arrière aujourd’hui, de regarder mon groupe et ma carrière… J’ai souvent eu la chance de parcourir le monde et d’en visiter certains des plus beaux endroits tout en enchaînant avec des milliers de riffs et shreds posés pendant des centaines de concerts tous plus brutaux les uns que les autres mais aussi de rencontrer des tonnes de fans ou de personnes on ne peut plus intéressantes à travers toutes ces opportunités ! Le plus beau est de regarder ça aujourd’hui, et de me dire que j’ai pu jouer avec presque tous les groupes que je respecte énormément ! Quand je pose mes yeux sur notre discographie, je me dis, non sans fierté, que nous avons réussi à créer de très bons albums et créer de vibrants parallèles mélodiques dans nos musiques, rebondissant dans tous les recoins "extrêmes" du metal ! Il y a forcément des titres sur lesquels je me dis aujourd’hui "Tiens! Je pense que ça aurait été meilleur comme ci ou comme ça", c’est normal en tant qu’artiste, de réfléchir à son travail, mais je reste globalement très heureux et surtout fier de notre carrière. Ce qui caractérise BELPHEGOR aujourd’hui reste les bases posées au fil des années avec un line-up mature qui n’a que très peu été modifié, et un son que nous avons toujours voulu plus puissant, sans en changer les codes, tout en restant hermétique à tout caractère réellement commercial et "mainstream"… !

Dans quel état d’esprit êtes-vous tous à l’approche des premiers retours de la part de vos fans attendant avec impatience ce nouvel opus ?
J’ai vraiment hâte de commencer à recevoir les retours de cet album, qu’aussi bien internet que les boutiques se déchaînent ! La France pourra se le procurer dès le 11 Août ! Préparez-vous !… Nous voulions, au travers de "Conjuring The Dead", célébrer le death le plus diabolique qui soit. Nous voulions que l’auditeur ait l’impression, en en augmentant le volume, que nous jouons juste à coté de lui, dans la même pièce. C’est comme si deux mitrailleuses de gros calibres se mettaient à tirer à plein feu en même temps, nous avons mis une fois de plus toute la violence que nous avions en nous et avons vraiment hâte de savoir ce qu’il en sera de nos fans ! Une tempête se lève les amis !

Cet album sort, une nouvelle fois, sous Nuclear Blast Records. Que pourrais-tu nous dire à propos de cette relation que vous entretenez avec le label ? Il y a quelque chose de construit et d’intime qui semble s’être développé entre Belphegor et NBR.
Oui, Nuclear Blast a toujours été un incroyablement solide partenaire, c’est notre 5e album à leurs côtés ! Ils disposent d’un très bon réseau de distribution à travers le monde et surtout, ils nous laissent presque faire tout ce qui nous passe par la tête. La liberté musicale et artistique qu’ils nous offrent reste la chose la plus importante à mes yeux et je les en remercie !

Quelles seraient, pour revenir un peu dans le passé, les principales différences de création, d’approche ou même d’état d’esprit entre "Conjuring The Dead" et son prédécesseur, "Blood Magick Necromance" ?  
Je dirais que "Blood Magick Necromance" est véritablement l’album le plus épique que nous aillons jamais écrit, entre l’élaboration des arrangements, les orchestrations, les titres avoisinants les 6 minutes… etc. "Conjuring The Dead"», lui, est plus direct, plus brut… Plus primitif ! C’est le brutal du death que nous aimons voir représenté. Je pense que cet album est notre oeuvre la plus mature, complète et aboutie, mais je ne passe que très peu de temps à les comparer entre elles, il faut qu’elles se suffisent à elles-mêmes !

Pour rester sur cette rapide analyse des différences entre "Conjuring The Dead" et le reste de votre discographie, comment le visualisez-vous au coeur de celle-ci ? Comment cet album va-t-il y trouver sa place ?
Cet album prendra une place très spéciale notre notre travail global. Le fait que ce soit l’une de nos plus forte création en est la raison principale. Il nous fallait quelque chose qui parle aux amateurs de musique réellement agressive, quelque chose de puissant pour que le public saisisse la profonde approche Death de cet album. Je n’aime pas les répétitions, c’est aussi pour ça que nous sommes retournés aux sources, il était temps de retrouver ce concentré de brutalité !



Vous avez choisi, pour soutenir cette présentation de "Conjuring The Dead", de proposer le titre "Gasmask Terror" comme single. Pourquoi ce titre en particulier ? Qu’a-t-il de spécial pour vous, pour que vous décidiez d’en faire l’ambassadeur de votre nouvel opus ?
C’est assez simple, nous voulions un titre fort, rapide et emblématique du "son" BELPHEGOR. Ce titre rassemble tout ça ! Le second single sera la furie du monstrueux "Conjuring The Dead", totalement différent du premier. La création de ce disque nous a pris énormément de temps, nous y avons sué, saigné et crié, il est terriblement expressif. Je n’ai jamais travaillé aussi dur à la réalisation d’un album ! J’ai toujours gardé en tête la crainte que cet album soit notre dernier à cause de mes problèmes de santé, du coup, je me suis dit que, quitte à ce que ça le soit, autant faire les choses bien, sans compromis !

Ce premier titre a, justement, de fortes et incisives lignes, quelque chose de mordant apportant une dimension à la fois épique et mélodique au titre (comme sur l’outro de 'Rex Tremendae Majestatis'). Est-ce là ce que nous sommes en droit d’attendre du cru 2014 de Belphegor ? Un son qui écrasera l’auditeur sous une vague encore plus sombre d’epic / blackened-death metal autrichien ?
Je ne pense pas qu’il y ait de vraie nouvelle portée à nos titres au jour d’aujourd’hui… Nous avons toujours marché sous notre propre bannière mélangeant le black et le death, donc les genres nous importent peu ! Nous avons toujours suivi nos envies et nos ambitions, et c’est ce qui, je pense, nous a permis de survivre toutes ces années. Nous avons toujours expérimenté de nouvelles sonorités. Je t’en donne quelques exemples :
- Sur l’outro / épilogue de "Pactum In Aeternum" tout était joué sur des instruments 100% naturels, faits mains par Kramatach (un groupe aussi sombre qu’archaïque de chez nous) et souvent joués avec de vrais os (humains et animaux) pour apporter les sonorités menaçantes que nous voulions.
- Sur "Flesh, Bones And Blood", nous avons encore voulu explorer de nouveaux territoires au travers des sonorités à la fois industrielles, et du coté rituel et litanique présent dans les refrains. Aujourd’hui nous sommes revenus à ce qui fait l’essence de notre agressivité, la rapidité de titres comme "Black Winged Torment" et "Gasmask Terror". "Black Winged Torment" est, avec notre cher "Lucifer Incestus", le titre le plus rapide jamais écrit par le groupe! Nous avons vraiment hâte de le proposer en live, notre public ne s’en relèvera pas !

Pour continuer sur la création de "Conjuring The Dead", comment le groupe a-t-il partagé le travail de sur cet opus ? Avez-vous tous travaillé à parts égales ou alors l’un d’entre vous a-t-il été plus impliqué dans ce carnage rythmique ?
Tout s’est fait naturellement, au fil du travail en studio, aux cotés d’Erik Rutan en Floride. L’implication et la collaboration de toutes ces énergies se sont passées d’une bien meilleure façon que je ne l’aurais imaginé, Erik nous a motivé pour sortir le meilleur de nous même et le résultat nous a juste ébloui par sa justesse ! Pour ce qui est de l’écriture, c’est moi qui m’en occupe ainsi que de la composition des riffs et, puisque je m’occupe également du chant, je sais exactement dans quelle direction le morceau doit marcher. Après cette première création, nous nous retrouvons pour répéter, et notre bassiste, Serpenth, en vient toujours à modifier, ajouter ou supprimer des passages, pour que le titre soit le plus fin possible, tout en se basant essentiellement sur l’approche du titre à la batterie. Il lui faut un titre qui prend son temps, qui se développe puis explose ! Ce processus peut prendre des heures, des semaines ou même des années comme pour "Rex Tremendae Majestatis", et si jamais nous ne ressentons plus le titre, nous le supprimons, purement et simplement ! La clé reste cette volonté de progrès, nous voulons ajouter de nouvelles structures à nos titres et nous mettre en danger lors de leurs écritures, pour ne faire avancer, faire progresser BELPHEGOR et évoluer artistiquement !

Qui se cache derrière des instrumentales aussi profondes et brutales que l’intro de "Rex Tremendae Majestatis" ou "The Eyes", parfois proches de certaines puissantes orchestrations ?
Moi !…C’est à moi qu’incombe la tâche de jouer les guitares sur l’album, les leads, les rythmiques, les acoustiques… etc Jamais je ne laisserai quelqu’un s’en charger à ma place parce que je ne me sens pas à l’aise ou que je suis trop fatigué pour répéter, c’est à moi de veiller, en tant que frontman, guitariste et chanteur, à la bonne marche de mon groupe, c’est toute ma vie ! "The Eyes" est un interlude que nous voulions calme et apaisant après un enchainement de cinq titres on ne peut plus agressifs, il est suivi de l’explosion "Legions Of Destruction" qui annihile tout ce qui avait été alors posé. Nous avons, pour "Rex Tremendae Majestatis", ajouté des de nombreux éléments classiques inspirés du "Requiem" de W.A Mozart. Cette pièce écrite sur son lit de mort symbolise, pour moi, toute la beauté et le talent d’un artiste quand il sent sa vie le quitter, elle est sincère et poignante, nous avons porté un soin très important à l’intensité de ses ambiances ! Je ne suis en rien comparable à Mozart, mais ça m’a permis de façonner ce titre exactement comme je voulais le ressentir, au travers du même frisson que pour le "Requiem" !…

Vos titres sont parfois empreints d’une intensité différente, plus thrash, comme sur certaines guitares d’"In Death" par exemple. D’où vient cette envie de synthétiser toutes ces différents brutalités au sein même de "Conjuring The Dead" ? De vos éducations musicales respectives ?
Exactement, c’était très important pour moi de marquer les variations entre les morceaux. Il fallait que la synthèse soit forte, que la symbiose entre tous les genres les plus extrêmes de notre musique soit parfaite ! Nous cherchions à créer une machine de guerre ! "In Death" me suit étroitement dans le sens où ce titre parle de mon retour sur scène après ma maladie, de cette lutte pour rester en vie ! C’est un titre qui devait être percutant, direct, comme un énorme coup de poing en pleine face, d’où ce côté thrash / death old school !

Est-ce là la traduction d’une nouvelle "maturité" ou alors une sorte de pas en avant réalisé par l’ensemble du groupe ? Comme si vous aviez encore un peu plus repoussé vos limites.
Tout à fait ! Comme je l’ai dit, nous cherchons à repousser nos limites à chaque compositions, chaque album ! C’est ce qui fait notre identité et notre singularité, d’autant qu’il n’existe plus de formations comme la nôtre, nous poussons nos corps et nos âmes jusqu’à épuisement ! Notre objectif est toujours de proposer nos titres avec la plus vive intégrité et la plus grande force possible !

Les mélodies, l’univers… Tout chez vous semble lourd et puissant, mais il y a également les textes. Comment les présenterais-tu ?
Primitifs, bruyants et offensifs ! Allumez vos enceintes, mettez le volume à fond et venez en enfer avec nous !

"Gasmask Terror" est-il justement, pour parler du contenu de "Conjuring The Dead"», représentatif des textes du reste de l’album ?
Pas du tout à vrai dire… Notre premier titre ayant eu la guerre pour thème, "S.B.S.R", a vu le jour en 2000 sur l’album "Necrodaemon Terrorsathan", c’est donc le second que nous créons avec le même caractère offensif, 14 longues années après, nous voulions juste nous ré-exercer à ce type d’écriture sur la chute de l’Homme et son autodestruction. J’appelle d’ailleurs tous ceux qui nous soutiennent et achètent nos CDs en version physique à en ouvrir les livrets et se plonger dans les textes pour voir nos titres autrement.



Etait-ce pour toi une forme de catharsis que de mettre les erreurs de l’Homme, la destruction de son monde et toutes ses dérives, au premier plan ? Ou est-ce juste un moyen de communiquer là-dessus, d’ouvrir certains yeux et esprits ?
J’ai toujours été fasciné par les plus sombres aspects de l’Homme et de la vie d’une façon générale, de la même façon que je suis épaté par tout ce qui est différent et non conformiste ! Nous sommes toujours honorés de constater que certains apprécient et suivent l’"héritage" BELPHEGOR, d’autres non, certains s’en offusquent… Soit ! Je me considère comme un athée désabusé, et c’est ce que le groupe tend à partager. La couverture de "Conjuring The Dead" le montre également. Cet artwork met en scène le crépuscule de l’humanité et de ses croyances, quelques choses d’Apocalyptique empreint d’un violent symbolisme surréaliste. L’Homme creuse sa propre tombe, pollue sa nature, la nature et ses esprits au nom du pouvoir et de la sainte avarice ! Quoiqu’il en soit, je ne veux pas "informer" ni "éveiller" qui que ce soit à proprement parler, je ne suis pas comme ces fausses et hypocrites idoles. Ma mission est et restera de célébrer ou même de glorifier le metal et le metal extrême qui trônent et trôneront toujours au-dessus du reste jusqu’à la fin des temps !

Penses tu que vous puissiez encore aller plus loin ? Pousser vos expressions sans peur de sombrer dans cette "routine" death que l’on peut parfois observer ?
Pour répondre à cette question, il faut écouter "The Last Supper" (1995) et "Necrodaemon Terrorsathan" (2000) ! BELPHEGOR n’a jamais été dans cette veine old school ni de ces groupes qui viennent à stagner après quelques longues années de carrière. Tu peux être sûr que le jour où je sentirai ce genre de chose, ce genre de perte de vitesse et de redondance, j’annoncerai ma retraite, mais pas avant ! De grands groupes ont marqué l’histoire du death old school, comme Unleashed, Grave ou Asphyx et nous n’en faisons définitivement pas partie, c’est n’est pas vraiment comparable !

Que pensez-vous de notre pays, de la France et de sa scène ?
C’est toujours un honneur de venir retourner vos salles, nous avons vraiment hâte de vous retrouver au Motocultor le 17 Août prochain ainsi qu’au Fall Of Summer Festival !

Qu’avez-vous pensé du Triel Open Air ?
Eh bien…C’est délicat puisque Slayer jouait à ce moment-là à quelques kilomètres de Triel-sur-Seine et que la météo était dramatique ! Inutile d’en dire plus je crois… Mais ce qui est certain c’est que Cédric a tenu tous ses engagements et fait un travail impeccable malgré tout ! Nous avons déjà joué 5 fois en France cette année et c’est toujours un réel plaisir d’apporter le chaos et la désolation chez vous !

J’imagine que vous avez encore un programme assez chargé ! Qu’avez-vous de prévu pour cette seconde partie de 2014 ?
C’est vrai, nous avons un solide agenda à honorer d’ici Février 2015, tout est et sera diffusé sur notre page Facebook et autres annonces web, n’hésite pas à y jeter un oeil pour venir nous retrouver !

Quels sont vos plans pour l’avenir ? Pour la sortie de l’album ?
Le plan principal est de promouvoir notre nouvel opus avec le plus de fermeté possible ! Nous voulons apporter nos titres à tous les pays possibles, jouer sur tous les fronts ! Le changement se trouvera également dans notre setlist puisque nous allons y ajouter des titres tels que "Black Winged Torment", "Gasmask Terror", "Rex Tremendae Majestatis" et "Conjuring The Dead", jouer ces deux derniers sera un vrai challenge ! Rendez-vous sur les scènes de France, d’Europe, du Japon, de Chine, d’Amérique du Sud ou même d’Afrique du Sud pour les découvrir ! De mi-Septembre à mi-Octobre nous allons également être la tête d’affiche d’une tournée nord-américaine aux cotés de nos amis grecs de Rotting Christ et de vos compatriotes de Svart Crown ! Nous avons hâte de découvrir tout ça, de retrouver toutes ces surprise qui nous attendent !

Les derniers mots sont à toi, un grand merci pour ces belles réponses !
Je tiens surtout à remercier tous les fans de BELPHEGOR, tous ces démons qui écoutent nos albums et soutiennent notre projet depuis toutes ces années ! Vous êtes la raison pour laquelle je suis en vie et pour laquelle nous nous défonçons chaque jour un peu plus !
L’avenir est à "Conjuring The Dead" !
HAIL METAL… HAIL DEATH !


Le site officiel : www.belphegor.at