Interview faite par mail par Boris

2014 s'annonce pleines de promesses pour les Parisiens d'Azziard qui signent avec "Vésanie" un des meilleurs albums black de la rentrée. A.S.A (chant) nous a accordé une interview passionnante sur le concept et les valeurs du groupe. Beaucoup de passion, de réflexion autour de l'Histoire, ses conséquences sur notre époque et notre société décomposée. Des thématiques qui font la force d'un groupe à suivre de très près et sur lequel il faudra compter dans les années à venir.

Salut A.S.A, et merci de répondre à mes questions pour French Metal. Tout d'abord, vu que c'est votre première interview sur notre webzine, peux-tu nous présenter Azziard ?

A.S.A (chant) : AZZIARD est un groupe de black metal martial fondé en 2001 par Zyule et moi-même. Mais le groupe n’est réellement actif que depuis 2005. Notre musique puise ses influences dans le black metal mais aussi dans d'autres styles (death, thrash…), afin de ne pas nous enfermer dans un style précis et ainsi proposer une musique hétéroclite. Notre musique offre une immersion dans l'univers de la première guerre mondiale et permet d'explorer de multiples thèmes. Jusqu’à "1916", j’occupais le poste de guitariste. Suite au départ de notre ancien chanteur, j’ai remplacé Derleth au chant. C’est Nesh qui a repris le poste de guitariste à ma place.

Le black metal était le genre qui vous inspirait le plus pour vous exprimer. Pourquoi d'après toi ? Quels étaient vos groupes de référence ?
Le black metal est notre style de musique de prédilection. C’est un style que nous pratiquons tous depuis longtemps, mais nous apprécions énormément de styles différents. Le black metal permet de transmettre certains sentiments. Il convient particulièrement bien à ce que nous voulons dégager émotionnellement. En ce qui concerne nos groupes de référence, ils sont assez vastes. On peut citer des groupes cultes comme Emperor, Slayer. La scène française avec des groupes géniaux comme Deathspell Omega, Reverence. Mais aussi la scène death polonaise et la scène black scandinave. 

"1916", votre album précédent traitait de la bataille de Verdun, reconnu comme symbole de courage et d'abnégation de l'armée française. En ces temps un peu troubles, ne craigniez-vous pas d'être taxés de "nationalistes" ?
Oui nous saluons le courage de tous ces gens et nous leur rendons hommage. Sur "1916", nous avons voulu mettre en avant le contraste qui existait entre la situation vécue sur le front et cette vue à l’arrière du front par la population. Ces soldats étaient des gens très valeureux, partis combattre pour leur pays dans une guerre effroyable. Une guerre motivée par des raisons tout autres que celles déclamées par la propagande de l’époque. Cette guerre était très spéciale. Il y avait une réelle fracture entre les dirigeants totalement déconnectés de la réalité du terrain qui prenaient des décisions aberrantes et les soldats, sur le front. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque les soldats des colonies étaient placés à l’avant comme chair à canon. Nous parlons de l’armée Française, mais tous les peuples qui ont participé à cette horreur sont aussi valeureux.
Être taxé de Nationalistes ? Ça dépend par qui et pourquoi. Que veut réellement dire nationaliste ? Nous traitons de la première guerre mondiale en se plaçant côté français. Nous mettons en avant le coté patriotique de l’époque de façon anthropologique. Nous nous mettons à la place des soldats de l’époque en explorant leur souffrance, leur patriotisme. Mais nous critiquons également le nationalisme primaire. Si être fier et reconnaissant de l’engagement qu’ont mis nos ancêtres dans cette guerre pour protéger nos générations est être nationaliste, oui nous le sommes. Comment peut-on ne pas être reconnaissant envers tous ces hommes morts, blessés ou traumatisés par cette guerre ?
Pourquoi un tel réveil du nationalisme actuellement ? Nous sommes dans une période trouble comme tu le disais, avec des crises économiques et politiques qui perdurent. Par conséquent les sentiments des gens changent, certains sentiments sont exacerbés et les politiques en profitent. Ils attisent les tensions et les clivages pour en tirer profit. Avec AZZIARD nous nous plaçons totalement en marge en rejetant la politique que nous mettons dans le même sac que l’intégrisme religieux. Nous rejetons totalement ces faux clivages politiques qui sont des mascarades. On cherche à nous faire croire que la politique peut changer nos vies. Il suffit d’étudier un peu la géopolitique pour voir que tout n’est que façade. Qui place et protège les dictateurs, qui organise les déstabilisations de pouvoirs en place etc… La politique sert uniquement à nous faire regarder ailleurs pendant que l’oligarchie bancaire gère et place ses pions. Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. La politique nous fait regarder la crasse sous l’ongle pour que l'on évite de trop se poser de questions sur les vraies causes. Tout comme on abrutit les gens avec des émissions promouvant une société superficielle glorifiant la surconsommation. Comme le disait Aldous Huxley "La dictature parfaite aurait les apparences de la démocratie. Une prison sans murs où les prisonniers ne songeraient pas à s'évader. Un système d'esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l'amour de leur servitude…"



Les groupes de metal qui sont portés sur la guerre, citent surtout la Seconde (de Marduk à Hail Of Bullets etc...). Qu'évoque pour toi la Première ?
Notre univers prend pour cadre la première guerre mondiale pour plusieurs raisons. Une raison sociologique et un vrai choix artistique.
Visuellement, nous aimons beaucoup cette période, il y a tellement à faire avec cette époque. Par contre nous ne sommes pas un groupe de metal qui prendrait le thème de la guerre pour le côté cool. Parce qu’il y a de grosses armes, de la violence et du sang. De la même façon que parler de Satan est cool. Nous mettons le doigt sur des problèmes. La reconnaissance des combattants, la manipulation des masses, la propagande... Les motivations des guerres sont rarement ce que l’on peut voir dans les médias et les livres d’histoire. Il suffit de chercher à s’instruire un peu, sans tomber dans le "complotisme" pour le comprendre.
On a envoyé au casse-pipe des millions d’hommes et cela pour quelle raison ? La cause de la guerre n'a été qu'un simple différend entre l'Autriche et la Serbie. L'assassinat de l'archiduc Franz Ferdinand et de sa femme Sophie, exécutés par des Serbes de la société secrète nationaliste la "Main Noire" à Sarajevo a déclenché cette guerre. Mais d’autres intérêts étaient derrière. Depuis la révolution française la finance a cherché à prendre le contrôle. Albert Pike l’avait annoncé bien avant. Qui a financé la première guerre mondiale ? Qui finance les actuelles ? Cette guerre n’aurait pas tenue aussi longtemps sans la finance. Un an tout au plus. On paye encore l’impôt sur le revenu qui a été créé en 1914 pour soutenir l’effort de guerre. Toutes les guerres sont voulues et financées. Qui a financé l’Allemagne nazie ? Qui a fourni le carburant à Hitler dont le banquier était d’ailleurs Prescott Bush. Pourquoi n’a-t-on pas bombardé les usines de Farben ou celles de Ford, dont les allemands conduisaient les véhicules. Les avions nazis étaient construits par Opel. Qui a financé le communisme ?
Nous utilisons cette période pour faire, de façon totalement apolitique, et de par notre analyse personnelle, une réelle critique de notre société moderne en la confrontant avec celle-ci. Mais comme tu le vois les problématiques sont à chaque fois les mêmes, le pouvoir et l’argent. Le schéma se répète sans cesse car l’homme n’apprend jamais de ses erreurs. Il est trop matérialiste et égoïste. C’est aux gens d’en prendre conscience pour changer tout cela.

Il y a eu de grands changements au niveau du line-up après la sortie de ce premier album, le groupe était-il au bord du split ?
Non le groupe n’était pas au bord du split, certains ont choisi de ne pas continuer pour des raisons personnelles, d’autres parce que la direction du groupe ne correspondait pas à leur vision.

Penses-tu qu'Azziard tienne là son line-up idéal ?
Il n’y a pas de line-up idéal, mais l’actuel nous correspond bien en effet, c’est le meilleur que nous ayons eu depuis la formation d’AZZIARD et le plus stable. Nesh a beaucoup apporté en arrivant dans le groupe. On s’entend tous vraiment bien et cela aussi c’est important.

A quel moment avez-vous débuté la composition de votre nouvel album "Vésanie" ?
Nous avons toujours fait évoluer la musique d’AZZIARD de façon assez naturelle pour aborder de nouveaux horizons, traiter de nouvelles choses. Zyule a commencé l’écriture des titres après "1916". Puis je suis arrivé au chant et j’ai élaboré le concept de l’album et commencé à écrire les titres. La direction nous plaisait et nous avons donc décidé d’utiliser au maximum le concept autour de la vésanie pour retranscrire ce dont parlait l’album. C’était important que cela soit un tout, du graphisme à la musique, en passant par le visuel.

J'ai lu dans une interview que vous n’étiez pas satisfaits du son de "1916"... est-ce la raison pour laquelle vous avez décidé d'enregistrer "Vésanie" avec Andrew Guillotin (Temple Of Baal, Fractal Gates etc...), qu'attendiez-vous de lui ?
Oui tout à fait, le son de "1916" ne nous convient pas. Nous avons choisi une valeur sûre avec Andrew que nous apprécions beaucoup et qui est une personne avec qui nous aimons travailler. Il enregistre d’ailleurs certains de nos autres groupes. Pour "Vésanie", nous voulions un son plus gros, plus précis que "1916", tout en restant black et surtout un meilleur son de batterie et de guitare. Le prochain album sera différent mais nous travaillerons sûrement avec lui de nouveau.

On ne peut pas vraiment dire que ce soit un album de pur black metal. Il y a de la dissonance, du groove aussi, son écriture nécessitait-elle de faire appel à des émotions plus larges ?
Tout à fait, nous piochons ici et là ce qui nous inspire. C’est un album sur la guerre, il doit donc être sombre, violent, brutal et angoissant, mais c’est aussi un album sur la folie qu’il fallait aussi faire transparaître. A côté de cela, au niveau du style, nous essayons de créer notre propre musique sans chercher à ressembler ou copier tel ou tel groupe. Notre style ressort naturellement sans se poser de questions. Pour le prochain album nous allons pousser les ambiances tout en conservant le côté efficace et rentre-dedans.



Le concept de celui-ci, même s'il est toujours question de la Première Guerre Mondiale, est différent. Vous parlez des conséquences psychologiques d'un individu, avez-vous fait des recherches afin d'illustrer votre propos (livres, documentaires, films...) ?
Oui tout à fait, d’ailleurs le prochain album sera plus axé sur le personnage en lui-même. Nous avons beaucoup lu sur les troubles psychiatriques et les traumas liés à la guerre. J’aime beaucoup Jung et il y a énormément de très bons livres écrits par des soldats revenus du front et par des médecins de guerre qui nous renseignent vraiment sur le sujet.

Dans ma chronique, j'ai fait référence au film "Voyage au bout de l'enfer" de Cimino et au personnage de Nick...
Oui c’est assez proche effectivement, mais pas voulu. Pour le personnage, j’ai puisé dans des témoignages d’époque mais je l’ai surtout pensé comme Pink dans "The Wall" de Pink Floyd. Un personnage mentalement torturé, que l’on suit dans un crescendo paranoïaque et délirant. Un soldat revenu du front traumatisé et psychotique qui se croit toujours sur le champ de bataille et qui délire. L’album suit ses crises au long de ses 8 titres. Il annonce le prochain album qui se concentrera davantage sur le personnage en lui-même et son état psychique. C’est assez intéressant de créer complètement un personnage.

Vous serez à l'affiche du Hellfest cette année !! Alors Azziard en concert, ça donne quoi ?
AZZIARD est un groupe de live, nos morceaux sont taillés pour la scène. Nous aimons vraiment la scène. Nous prenons beaucoup de plaisir à jouer et cela doit se ressentir pour le public. A chaque concert nous donnons le meilleur de nous-mêmes et nous voulons proposer le meilleur show possible à notre public.

Quels sont tes albums de chevet en ce moment ?
Personnellement, en black, le dernier album de Tortorum, le dernier Celeste, "The Antagonist’s Fire" de Valkyrja, "Triumvirat" de Cult Of Fire, "Unstille" de Der Weg Einer Freiheit. Ensuite en plus ambiant, "Between The Light" de Anomalie, "Days Of The Fallen  Sun" de Junius, "Omonia" de Allochiria, le dernier Alcest. Le dernier Herrschaft également.

Pourquoi avoir fait le choix de citer Paul Valery sur votre site : "L'histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout" ?
C’est un extrait de "Regards sur le monde actuel" de Paul Valéry. Je te conseille de le lire, c’est excellent. Je vais te citer un passage plus large pour étayer ma réponse à ta question. "L'Histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien car elle contient tout et donne des exemples de tout... C'est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines."
Nous vivons dans un temps qui attache une grande importance à l’histoire.  On nous rappelle régulièrement toute l’importance du devoir de mémoire afin d’apprendre et de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Mais qu’est ce qui a changé réellement ?  Les opprimés deviennent les oppresseurs à leur tour. Les schémas se répètent. Les tensions et les crises se succèdent. Les moyens s’adaptent et la finalité reste la même. Un siècle après le début de cette guerre qui devait être la "der des ders", les causes de cette guerre restent toujours d’actualité. Comme je te le disais tout à l’heure, nous assistons aujourd’hui à un réveil du nationalisme dans une bonne partie des pays européens. La manipulation des masses, la propagande, le populisme, le patriotisme primaire, ont gangrené cette période. Mais notre société actuelle est elle aussi pourrie par les mêmes maux.
On le constate tout le temps, l’Histoire, avec un grand H n’apprend rien à l’homme. Il n’est pas capable d’apprendre de ses erreurs passées. Peu importe le nombre d’exemples, le pouvoir, l’argent et la perversion feront que tout se répétera toujours sans tenir aucunement compte d’une quelconque morale ou philosophie à partir du moment où seuls les effets seront traités et non les causes réelles. Il appartient aux gens de se révolter, de se cultiver, d’avoir un vrai regard objectif et d’analyse afin de vouloir changer les choses. Malheureusement on laisse le niveau éducatif baisser lamentablement, les tensions sociales et communautaires montent et on écoute bêtement les médias contrôlés nous dire comment penser.

Je te remercie pour ses réponses très riches, c'était passionnant !! Un dernier mot pour nos lecteurs concernant votre actualité par exemple ?
Merci à toi pour ton soutien. Nous invitons ceux qui ne nous connaissent pas à écouter Vésanie et venir nous voir en live. Nous venons de sortir le clip de "Disjonction" et nous serons en tournée sur 2014 en France et à l’étranger.


Le site officiel : www.azziard.com