Interview faite par mail par Davidnonoise

Acarus Sarcopt a sorti un album que je trouve simplement exceptionnel et ultra efficace, leur death metal d’excellente facture va en ravir plus d’un. Il était donc temps d’en savoir plus sur la pépite.

Etant donné que la question traditionnelle pour les interviews reste une petite présentation du groupe...

Serge (chant) : Je rêve d'un jour où la question traditionnelle dans les interviews sera "Alors les mecs, vous êtes plutôt épuration ethnique à l'africaine ou frappe nucléaire sur population civile, dites-nous tout ?" .Plaisanterie mise à part, ACARUS SACROPT a été formé en 2003 sur les cendres de L'Ombre Du Saccage, projet regroupant aussi des membres de feu-Asmodée. Au départ, AS œuvrait dans un registre exclusivement black metal, puisant dans la vague scandinave des années 90 et puis le style s'est étoffé laissant s'exprimer notre goût pour le death metal. Nous sommes passés par une (longue) période de stagnation suite au décès de notre premier batteur. Pendant quelques temps nous avions en tête d'arrêter ACARUS SACROPT, et finalement nous voici avec un nouvel album, "Tarnation".

666% death metal pour l’album "Tarnation", je confirme, mais pourquoi avoir mis de côté le black metal dans lequel Acarus Sarcopt évoluait sur le skeud précédent ?
La lassitude est je pense la meilleure raison, nous avions vraiment envie de passer à autre chose, tout en restant dans un style qui nous corresponde. L'optique principale sur le moment était de se produire beaucoup plus en live, et de façon tout à fait naturelle notre style a dérivé sur le death metal, style qui, selon moi, se prête mieux à la scène. Malgré tout, les nouveaux morceaux que nous avons composés et que nous jouons en live tendent à retrouver une patte black metal.

Le groupe a déjà une existence de quasiment 15 ans, et vient de sortir un album de folie avec "Tarnation", quels sont les retours pour ce nouvel album ? Et quel regard jettes-tu sur ces 15 années ?
Pour l'instant les retours que nous avons sont très positifs, que ce soit au niveau des zines qu'au niveau des auditeurs. "Tarnation" est notre second album, si l'on prend en compte nos deux premières démos, cela fait 4 réalisations en 15 ans, et si je dois porter un regard sur ces 15 années, j'en conclurais que nous avons perdu un temps phénoménal, il y eut des hauts et des bas, comme ce que j'évoquais lors de la première question, mais dans l'ensemble je suis plutôt satisfait sur ce qu'on a fait durant ces 15 ans, si je devais recommencer, je ne pense pas que je changerais beaucoup de choses, à part peut-être... accélérer les choses ?

Ce qui m'a sauté aux oreilles en écoutant le disque c’est le travail vocal qui me fait penser à un mix de Martin Van Drunen (Pestilence) et de Tardy (Obituary), ça n’a pas été trop difficile d’arriver à ce résultat en studio ?
Pas le moins du monde, c'est le style de chant que j'ai naturellement, Van Drunen reste un de mes artistes préférés dans le genre que ce soit dans sa période Pestilence, ou Asphyx (que je vénère) et même dans Hail Of Bullets, que j'ai honteusement tardé à découvrir. Et plus globalement, j'ai un gros background death metal, celui de la fin des années 80 et débuts des années 90, le style était en pleine éclosion pendant que j'étais au collège et lycée, j'ai quasiment grandi avec ce genre de groupes (Pestilence, Death, Obituary, Grave, Unleashed, Dismember, Morbid Angel, Entombed, Carnage, Carcass, Malevolent Creation, etc...).

Comment se déroule le travail de composition dans le groupe, chacun amène ses idées et ensuite c’est en répèt' que ça se joue, ou est-ce uniquement le travail d’un seul et unique membre du groupe ?
La plupart du temps, les guitaristes arrivent avec un morceau en répétition que nous arrangeons tous ensemble. Par le passé, il m'est arrivé de composer deux ou trois titres, mais c'était assez exceptionnel. En ce qui concerne les lignes de chant et les paroles, je travaille rapidement un canevas en répétition que je peaufine ensuite chez moi dans mon home studio.

Sur 10, comment définirais-tu la difficulté pour arriver à la sortie de cet album (1 : facile / 10 : très galère) ?
6/10 ?... Autant la composition de l'album s'est déroulée le plus naturellement et facilement du monde, autant nous avons perdu un temps fou pour la réalisation de la pochette de l'album, la personne qui devait s'en charger au départ nous a mené en bateau durant quasiment un an, j'ai ensuite contacté le graphiste et artiste belge Nicolas Crombez que je connaissais par le biais de mon label industriel, nous avions réalisé son projet dark ambient, Deuterror. Et il a répondu et travaillé assez rapidement pour nous tirer d'affaire. Dans la série des galères, je mentionnerais aussi la vidéo promo que nous avons faite pour la sortie de l'album. Le résultat n'est absolument pas à la hauteur de ce que j'attendais, si c'était pour être confronté à autant d'amateurisme, nous aurions pu aisément économiser nos deniers et le faire nous-mêmes le résultat n'aurait pas été plus médiocre. Mais bon tant pis, et finalement ce n'est pas bien grave, puisque l'album nous convient amplement.



Vois-tu déjà des choses que tu aurais faites de façon différente sur ce skeud ?
Chose assez rare pour être soulignée, je suis globalement satisfait de l'album, il y a vraiment peu de points qui ne me satisfassent pas. Si je devais revoir quelque chose c'est la date d'enregistrement. Je trouve que nous avons été trop pressés dans l'enregistrement de l'album, et nous n'avons pas pris assez le temps de défendre sur scène le premier album, ça reste une frustration énorme pour moi. Les titres de l'album tel que nous les jouons désormais sont bien mieux que sur album, nous avons corrigés quelques points que nous ne trouvions pas assez efficaces. Mais c'est vraiment histoire de trouver quelque chose à redire.

La production est très sombre et puissante, tous les instruments sont bien mis en valeur, il a fallu combien de temps pour peaufiner tout ça et arriver à ce résultat ?
Nous avons enregistré à l'Echoes Studio situé en Charente-Maritime. Raph qui s'occupait de ce studio possède un sens aiguisé de comment doit sonner le metal. Et c'était un soulagement de travailler avec lui car nous pouvions totalement nous reposer sur ses conseils. Nous avons passé une dizaine d'heures pour l'enregistrement, tout est allé assez vite. Le mastering, c'est Pierre-Yves Marani pour le compte d'UBIK mastering qui s'en est chargé, il a travaillé très vite, il est arrivé exactement à ce que nous voulions en très peu de temps. Pour la prochaine fois, il y a de fortes chances que nous refassions appel à lui.

Ah, bon la pochette, moi perso je me demande encore ce que ça représente Tarnation, c’est la damnation, non ? Et en parlant de ça, peux-tu brièvement ou longuement me parler des lyrics d’Acarus Sarcopt ?
Pour la pochette, je voulais quelque chose de très graphique mais pas forcément identifiable au premier coup d’œil, j'avais vraiment envie que chacun puisse imaginer ce que bon lui-semble. La pochette s'inspire du morceau "Humongous", et doit représenter une entité menaçante. Je ne souhaitais pas qu'elle puisse être rattachée immédiatement à un quelconque bestiaire trop évident. Et en ça, je suis pleinement satisfait du résultat.
Les paroles que j'écris sont souvent assez personnelles, et finalement très ancrées dans le réel. J'estime qu'il n'y a rien de mieux que le monde qui nous entoure pour figurer le mal. Toutefois, je n'ai pas envie de faire partie de ces groupes qui donnent des bons points de moralité avec des discours trop évidents. Je pense qu'une trop rare liberté bafouée est celle de la liberté d'expression, et si dissidence il doit y avoir elle doit se situer en premier lieu dans la liberté de chacun de pouvoir exprimer ce qu'il ressent. Après l'auditeur approuve ou non, et alors libre à lui d'exprimer ce qu'il ressent vis à vis de ça. A titre d'exemple, le morceau "Tarnation" évoque la façon dont ont pu être destitués certains soit-disant dictateurs ou pouvoirs autoritaires, et le degré de barbarie auquel se sont livrés le peuple ou les forces libératrices afin de s'affranchir de la barbarie qu'ils avaient subies. Cette figure de l'autorité, elle peut être différente pour chacun selon leur propre sensibilité, à la lecture des paroles, certains pourront y voir un pouvoir religieux, d'autres un pouvoir politique, leur famille, ou issu d'un quelconque mythe humain. La barbarie contre la barbarie. L'exemple récent de la destitution de Kadhafi est assez parlant, les images de sa mort et de la profanation de sa dépouille, tout ça au nom de la sacro-sainte démocratie, liberté de mes fesses me laissent perplexe, et si on prend en compte l'intervention armée, la déstabilisation de ce pays africain et des pays voisins, les civils tués, le prix de la liberté, d'être asservi à un nouveau pouvoir, a le goût du sang. Et la damnation éternelle, selon moi, elle est là, maintenant, l'enfer si je devais me le figurer et si j'acceptais d'y croire, ce serait ça, l'éternel recommencement des mêmes saloperies depuis la nuit des temps.

Comme je dis dans la chronique, le sens du riff est indiscutable dans l’album, penses-tu aussi qu’un bon riff doit être facilement mémorisable pour l’auditeur et qu’il doit se graver directement dans la tête ? Au diable la branlette de manche quoi.
Ma vision du metal, c'est le riff avant tout, s'ils sont les plus efficaces possible, une grosse partie du morceau est achevée, ensuite tout est question de les mettre le plus en valeur. A présent, je n'ai absolument rien contre des groupes plus techniques, chacun aborde sa musique comme il l'entend, même si j'envisage la notre d'un point de vue plus directe et minimaliste, j'apprécie aussi des groupes techniquement plus complexes quand bien même mes goûts habituels ne me guident pas naturellement vers ces groupes. J'ai une sainte horreur des soli pour faire du remplissage, je pense toujours que, quelque soit le niveau technique, les soli doivent avoir un sens dans le morceau. C'est la raison pour laquelle il y en a très peu dans notre album car nous n'estimions pas nécessaire d'en placer sur chaque titre, mais le peu qu'il y ait me semble plutôt cohérent.

Une musique complètement décomplexée ,c’est comme ça que je perçois Acarus Sarcopt, pas de prise de tête, du spontané qui sort des tripes, c’est ta façon de voir le death metal ?
Je vais rejoindre ce que je disais à l'instant, oui c'est ma vision du death mMetal, j'ai un goût prononcé pour les groupes très directs, il faut que ce soit poisseux et sale quand bien même j'apprécie des choses comme le premier album de Cynic, Atheist, Nocturnus, même l'album "Spheres" de Pestilence que je trouve magnifique. A présent, tu constateras que mes références datent vraiment beaucoup, j'ai plus de mal avec le death metal moderne, je n'ai pas forcément un avis dessus, mais voilà j'ai l'impression que ça ne s'adresse pas à moi, je ne me sens pas réellement concerné.



En live, ça donne quoi Acarus Sarcopt ? Quels sont les morceaux de "Tarnation" qui ont la part belle en live ?
Sur scène nous jouons la quasi totalité de l'album, seuls deux ou trois titres sont remplacés par des inédits, qui j'espère ne le serons plus très longtemps. Je ne sais pas si je suis le plus à même de juger ACARUS SARCOPT, puisque j'ai rarement l'occasion de nous voir sur scène héhéhé, mais il me semble que les gens étaient plutôt satisfaits de ce qu'ils venaient de voir pour peu qu'ils soient venus pour écouter du death metal.

Quel regard as-tu sur le death metal français du moment ? Il se porte bien, non ?
Le death metal du moment, ou pas. Il me semble que la scène française a toujours eu un vivier de groupes très intéressants, j'ai toujours été ultra fan de Massacra qui a longtemps été pour moi une référence en la matière. Ceci étant il est vrai que l'on peut constater parfois un déficit de reconnaissance, mais je pense que ça n'est pas juste un problème de death metal, c'est un fait que je constate dans d'autres styles même extérieurs au metal en général, quand bien même certains arrivent à tirer de façon honorable leur épingle du jeu. Et histoire de faire parler, mes pulsions régionalistes, j'ajouterais que le Poitou-Charentes, ainsi que l'Aquitaine ont su proposer un paquet de groupes de qualité ces dix dernières années, autant en black qu'en death, que ce soit Asmodée, Withdrawn, Manzer, Artery, Ad Patres, Offending, etc...

J’ai du mal à sortir un morceau du lot même si je suis ultra fan de "Osmium Heart", je trouve que tous sont un vrai régal, combien aviez-vous de morceaux à la base pour l’album qui en contient quand même 13, et comment s’est fait le choix ?
La réponse va être extrêmement simple, il n'y a pas eu de choix, nous avons gardé les morceaux que nous continuions à jouer en répétition. Et c'est tant mieux, cela nous a évité des prises de tête sur la place de tel ou tel titre sur l'album. Je parlais tout à l'heure d'inédits que nous jouons en live, ces titres ont été composés après l'enregistrement de l'album, et sont prévus pour un prochain disque... ou pas.

Comment présenterais-tu le disque à quelqu’un qui n’y connaît rien à la musique extrême ?
J'allumerais la platine CD pour commencer, je glisserais le CD à l'intérieur, et j'appuierais sur "play", je pense que c'est la meilleure façon de présenter du death metal, ça économise une bonne demi-heure de discussions qui souvent n'aboutit pas à grand chose. Je ne sais pas comment ça s'est passé pour toi, mais me concernant, on ne m'a pas fait un exposé en bonne et due forme, la première fois qu'on m'a filé un album de death metal à écouter, je m'en souviens encore, un pote m'avait copié "Scream Bloody Gore" sur la face A, et "Slowly We Rot" sur la face B et il m'a dit "Ecoute ça". Pas besoin de long discours, juste un pack de bière qui accompagnait à merveille ce grand moment d'échange culturel.

Bien que je recommande vivement, voire très vivement l’album aux amateurs de death ou simplement de metal, je te laisse conclure cet petite interview en leur glissant un mot.
Je ne vais pas faire dans l'originalité et te sortir une prose de jeune homme qui a mal à la vie, et donc je tenais à te remercier de l'intérêt que tu as porté à notre musique, il y a tellement de trucs qui sortent actuellement, c'est toujours agréable de s'extirper une fois de temps en temps de la masse. Et pour tous les amateurs de death metal, je n'aurais qu'une chose à dire, qu'ils écoutent "Tarnation", nous avons eu le bon goût et l'immense mansuétude de le proposer via Bandcamp pour les plus pingres, ils auraient bien tort de se priver héhéhé.


Le site officiel : www.acarus.fr