Interview faite par mail par Eniel-Obtide et Maria & Poots

L'album

Nous nous sommes rencontrés au Hellfest en 2010 et vous parliez déjà de votre album qui était en préparation. Comment se sont passées son écriture et sa réalisation ?

Gfree (guitare) : On est parti sur un pseudo-concept d’animaux disparus pour nous donner des pistes de compositions, c’était juste pour se marrer, changer de méthodes et éviter d’aller n’importe où pour notre 1er long format. Après la réalisation, comme d’habitude, on a fait à notre rythme sans prise de tête, on voulait être certains d’être contents de l’album à 100%.

Votre album est donc sorti en Avril, le Hellfest est déjà 4 mois derrière nous, vous avez fait quelques concerts aussi depuis. Vous avez peut-être eu le temps de le "digérer"… Quel est votre ressenti vis-à-vis de "En(d)grave" ?
Gfree : On en est très fier comme tout groupe qui enregistre son 1er album je pense, ça fait bizarre et on veut le faire écouter à la terre entière. On ne regrette rien, plus d’un an après, on en est encore pleinement satisfait ! Et les faire découvrir en live est jouissif, chaque titre a une atmosphère particulière donc tout le monde peut y trouver son compte je pense.

Au moment de vous chroniquer il est ressorti que, autant le premier skeud était très stoner et assez sombre, alors qu'avec "En(d)grave", on avait affaire à un mélange de styles beaucoup plus lumineux. Comment expliquez-vous cette évolution ? Y a-t-il eu des changements dans le processus de composition ?
Gfree : Pas vraiment, on a toujours été intéressé à trouver des ambiances variées, parce que ça nous éclate de trouver un riff de base et de l’adapter à plusieurs sauces. Cette évolution s’est faite assez naturellement car on évolue en tant qu’humain et donc musicalement, personnellement j’écoute de moins en moins de metal et je découvre plein d’autres styles et ça a sûrement eu des répercussions sur la compositions de mes parties.

Vous persistez et signez dans l’instrumental exclusivement alors que dans le metal, ne pas avoir de chanteur, ce n’est pas une configuration classique… "Pourquoi" doit revenir à chaque fois dans les interviews alors, changeons un peu : est-ce dû à vos racines stoner ?
Gfree : Ahah ! Peut-être, l’absence de chant est à la base une obligation car on en trouvait pas (de chanteur) et on a composé en conséquence. On a pas mal de retours cool alors ça nous a poussé vers cette voie là, tout simplement, après on dit pas qu’il n’y aura jamais de chant dans ABYSSE, c’est juste que ce n’est pas d’actualité et qu’on y songe pas du tout pour l’instant. Mais nous n'avons pas de racines "stoner". Nos racines c'est le néo metal ! Et après on a découvert d'autres styles un peu plus intéressants, chacun s'est personnalisé une vision de la musique qu'il voulait écouter.

En vous suivant sur Facebook, on a pu voir que vous aviez eu pas mal de retours. Qu’en retenez-vous ?
Gfree : On est très content, on avait une petite appréhension, 1er album 1er long format avec 100% instrumental, y’avait de quoi se casser franchement la gueule et la magie a pas mal opéré, même plus qu’on aurait espéré. Beaucoup de gens ont adhéré à notre musique alors qu’ils n’ont aucun rapport avec le metal, beaucoup d’avis différents et comme je l’ai dit tout à l’heure, chaque morceau a un univers particulier alors chaque personne peut trouver son compte dans au moins un des sept morceaux. On a quelques retours négatifs comme le son qui serait un peu trop froid, le fait que l’album soit un peu moins ambiant que la démo de 2008 mais rien de grave qui nous détermine comme la bouse de l’année. Mais dans l’ensemble le fait que notre musique explore plein de styles différents est un atout pour certains et un défaut pour d’autres.

Avez-vous eu l’impression que le fait qu’il s’agisse d’un album, et non plus d’un EP, ait conduit plus de monde (webzines, magazines papier, etc.) à vous chroniquer ?
Gfree : Ça doit sûrement jouer oui, enfin je pense… On a réussi à faire pas mal parler de nous avec notre démo et beaucoup finissaient leur chronique par "vivement l’album !". On était très heureux qu’après 3 ans, ces webzines se souviennent encore de nous et soient même très impatients de découvrir l’album. Mais c’est clair qu’un album, ça fait entrer dans la cours des grands en quelque sorte donc pour attiser la curiosité de tous, c’est plus professionnel que des démos.

J’ai d’abord reçu le CD promo dans une pochette carton simple mais déjà décorée d’une tâche d’encre façon test de Rorschach, finalement j’ai acheté la version digipack. On peut alors découvrir dans le livret 7 illustrations, présentant des "personnages" ainsi que les paysages leur correspondant. Je m’arrête ici pour la description afin de vous en laisser un peu, pourriez-vous nous présenter le concept de ces illustrations et dénoncer le responsable ?
Gfree : Un morceau = un animal disparu. Nous sommes les responsables de cette idée mais l’illustration, c’est Sébastien, le batteur du groupe qui s’occupe de tout (hades-design.ultra-book.com). L’idée de la tâche de Rorschach est aussi une idée commune, on voulait que visuellement et musicalement, notre univers puisse se voir sous différentes formes, que les auditeurs voyagent avec les yeux et les oreilles. Rien que la pochette du CD on a beaucoup de retours (un sexe masculin, féminin, un ange, un éléphant…).



Je reviens sur votre façon de composer… Si j’ai bonne mémoire, on avait parlé que vous utilisiez l’improvisation en répétition, j’ai bon ? Vous est-il déjà arrivé de trouver un riff génial, mais de le perdre du fait de l’improvisation ? Se baser sur ce processus doit nécessiter une bonne mémoire…
Gfree : Ce sont des choses qui arrivent oui ! Mais en général, on a une assez bonne mémoire des idées qu’on a trouvées. Mais on est sûrement passé à côté du tube de l’été parce que on a oublié le riff de la répèt' du Samedi 12 Janvier 2002.

Et maintenant ? Vous vous reposez un peu ou vous êtes déjà repartis sur autre chose ?
Gfree : On s’est pas mal reposé, on s’est concentré sur la sortie, les concerts, les deux guitaristes ont monté un projet acoustique (www.facebook.com/orpheline49) mais là on va commencer tout doucement à parler du second album mais à notre rythme pour bien faire les choses.

Blue Wave Production / Blue Wave Recordings

Jérémy, c’est toi qui t’occupes du travail de promotion et de management via Blue Wave Production. Pourquoi l’avoir créé ? Est-ce que tu es tout seul sur ce coup ?

Jérémy (basse) : On a créé ensemble Blue Wave Production pour organiser nos propres concerts.. C'était en 2008 ! Comme ça on a pu jouer avec Klone, Hacride, Kruger... et puis j'ai continué à organiser de mon côté d'autres dates, on a fait jouer Converge, Terror, The Black Dahlia Murder, Norma Jean, Mono. et en parallèle, Blue Wave Production était une structure administrative pour nous, donc on s'en est servi pour notre promotion / booking que je gère tout seul en partie (Gfree m'aide beaucoup). Mais toutes les grandes décisions (dates, question management importante), on les gère ensemble. On a une conversation Facebook à 4 qui doit faire 2 milliards de messages où on gère les choses à distance. Ça évite d’appeler 3 fois tout le monde et d'avancer rapidement.

En étant attentif aux détails, on s’aperçoit aussi que le label cité pour "En(d)grave" est Blue Wave Recordings. Est-ce que cela facilite les choses, de faire soi-même, ou au contraire est-ce une difficulté supplémentaire mais nécessaire pour être indépendant ?
Jérémy : En fait, Blue Wave Recordings c'était pour marquer le coup d'être labellisé. Ce n'est pas une autre asso ou une entreprise, ça ne vaut rien juridiquement. A force de faire 1000 choses dans le milieu, on voit comment les choses fonctionnent et on (Abysse) peut se permettre de dire qu'on a un label, aussi petit soit-il, mais comme il gère le pressage, la promotion, la distribution, c'est un label. Le peu de propositions qu'on a eu de la part des labels pour l'album ne nous plaisaient pas. On a eu le déclic de l'autoproduction au bout de 4 mois. Et comme on sait faire les choses, c'était une solution satisfaisante. L'avantage d'être indépendant, c'est que tu avances à ton rythme et que tu ne délègues pas des choses à des gens. Ta survie et l'avancée de ton groupe ne dépend que de toi. Ce qui est dur c'est qu'il n'y a personne pour te payer les choses, par contre tous les investissements reviennent pour toi. C'est vrai qu'un label, ça aurait été cool dans le sens où lui a son réseau, et nous le nôtre donc il y a plus de portée.. Je pense qu'il vaut mieux être bien autoproduit que d'avoir un mauvais label.

Blue Wave Production communique également sur d’autres groupes / concerts. Avec quels groupes travailles-tu ? Est-ce que ça marche bien en ce moment ?
Jérémy : Les concerts sont venus naturellement car on m'a proposé des groupes étrangers en tournée. Idem pour la promotion d'autres groupes, c'est venu comme ça et puis c'était cool car je pouvais facturer des prestations et faire de la trésorerie pour l'association. Maintenant j'ai lancé ma propre affaire : Black Wave Promotion (www.blackwave-promotion.com - qui sera très bientôt annoncé et officiellement lancé, encore 2 - 3 détails à régler). En ce moment je travaille sur les Suisses de When Icarus Falls, Taste The Void et Zapruder. Tous ces groupes sont dans la mouvance post HxC & cie et butent pas mal. Je suis content de bosser pour eux. Comme le site n'est pas officiellement lancé, je n'ai pas commencé ma propagande de "checkez mon site, montrez moi votre groove et filez moi du flouze". Pour l'instant je ne suis pas à court de projets, donc on peut dire que ça fonctionne.



Comment ça se passe, bosser à la fois pour son groupe et pour d’autres ? C’est un boulot à temps plein j’imagine…
Jérémy : J'ai eu la chance de faire 3 ans d'alternance où j'ai pu bien glander et développer Blue Wave / ABYSSE au taf et à l'école. J'ai aussi eu la chance d'être français et d'avoir le même salaire payé par l'état pendant 2 ans. Donc ça fait 5 ans que je suis sur le projet, qui est passé de passe-temps de type cool pour mon petit groupe à, maintenant, boulot à plein temps à 14h/jour qui rapporte à peine de quoi se payer un paquet de riz par mois. Donc oui, c'est maintenant du boulot à plein temps et j'ai encore beaucoup à faire pour que ça fonctionne et que j'aie l'impression que ce soit une affaire qui fonctionne. Pour dissocier ABYSSE et tout ce qui peut me faire gagner des $$, j'ai listé des choses à faire (ma "to do list") et j'essaye de gérer un calendrier. Par exemple, la semaine dernière j'ai démarché les festivals pour ABYSSE le Mardi et j'ai avancé sur notre promotion à l'étranger, aujourd'hui j'ai fait des propositions de contrats à des groupes, hier j'ai bossé sur la promo des groupes que j'ai en ce moment... Je me suis aussi égaré au moins 1 heure sur Facebook comme tous les jours ! Et aussi je réponds à cette interview, car j'aime répondre aux interviews et qu'elle est bien cool. Ça ne me fait pas vivre financièrement, mais ça me fait vivre mentalement ! Je pense que j'ai encore beaucoup beaucoup à faire pour optimiser mes journées, mais on avance avec ABYSSE et Black Wave Promotion est sur les rails, donc on peut dire que ça fonctionne !

Les concerts

Vous avez de nouveau joué au Hellfest cet été, en ouverture le Dimanche à 10h30 sous la tente The Valley. Il y a 2 ans vous jouiez le Dimanche soir au Metalcorner alors que Kiss clôturait le festival… Mis à part le jour, on saute du coq à l’âne, non ? Vous êtes rentrés DANS l’enceinte du fest, est-ce que ça a changé quelque chose au niveau des conditions de jeu ?

Jérémy : Entre jouer en même que des ultra tête d'affiche et le matin, dans les deux cas c'est flippant pour la fréquentation. Il s'avère que jouer le matin ça fonctionne mieux !! Dans les 2 concerts on était fatigués (nuit courte ou journée trop longue !). Mais jouer à 10h30 ça reste cool, le corps se réveille petit à petit et c'est une phase assez particulière où tu sais que 30 000 personnes ne sont pas loin de toi en train de dormir ! Jouer à minuit c'est hyper fatiguant, car tu attends, attends, tu stresses toute la journée... pas simple d'être une tête d'affiche !

De même, il y a 2 ans vous n’aviez pas démérité en arrivant à rassembler du public malgré l’heure, le lieu et les conditions. Cette fois, les gens se sont levés tôt et se sont déplacés pour vous voir : The Valley était bien remplie. Alors, heureux ?
Jérémy : Quand on a regardé à travers les plis de la tente vers 10h20, il n'y avait pratiquement personne. On se posait 1000 questions... Et arrivés sur scène à 10h30, la tente s'était bien remplie, on a juste halluciné ! C'était le petit plus qui nous a boosté !

Vous avez passé un bon set, contents de vous ?
Jérémy : Il faut savoir que 90 % des groupes du Hellfest sont des groupes en tournée. Donc au bout de quelques dates sur la route, la machine est rodée et les groupes sont des machines de guerre sur scène. Pour nous, il a fallu répéter vraiment beaucoup beaucoup pour arriver à ce stade où on est à l'aise sur scène et où il y a une vrai répercussion !

Vous avez fait d’autres concerts depuis, notamment avec Hypno5e. Comment ça s’est passé ? Il y a une chance que l’on vous revoit jouer ensemble prochainement ?
Jérémy : Quand on s'est dit au revoir avec Hypno5e, on s'est dit "à dans 6 mois" ! Car ça fait 3 fois qu'on joue ensemble en moins d'un an et c'est toujours la grande éclate ! On espère pouvoir rejouer avec eux si possible, ça serait bien cool en effet ! Les 2 sets s'enchaînent bien et ces gars sont vraiment cool !



Connaissez-vous Long Distance Calling, groupe instrumental (post) rock allemand ? Un concert 100% instrumental avec eux, ça pourrait vous tenter ?
Jérémy : Je connais personnellement, j'ai même écouté ! Je pense qu'un concert 100 % instrumental ça peut être chiant en fin de compte. Si l'occasion se présente oui pourquoi pas, mais c'est pas quelque chose dont je rêve jour et nuit. En terme général, je préfère des concerts où les groupes sont assez variés.

Plus généralement, quels sont les prochains concerts prévus ?
Jérémy : Au moment où tu nous a donné cette interview, on avait une mini tournée de 2 dates / 2 days off avec les copains de Zapruder et les maîtres de Ufomammut. Une date s'est rajoutée méga à l'arrache dans une chapelle pour combler un day off. C'était vraiment cool de repartir sur les routes et de s'éclater. Pour le moment, Vincent notre guitariste s'est fait opérer de la main donc il n'y aura pas de concerts avant 2013.

Le Hellfest

Hellfest, A New Battlefield… Comment s’est passée cette cuvée 2012 pour vous ? En tant que festivaliers premièrement. Satisfaits de l’affiche et du nouvel emplacement ? Vous avez eu un programme chargé ?

Jérémy : En tant que festivalier on a vu pas mal de concerts de qualité, on a loupés hélas pas mal. Généralement on faisait genre 3-4 morceaux par artiste sauf certains où la claque était assurée ! Je n'ai plus trop souvenir de ce que j'ai vu, la prog était cool sans pour autant qu'il y ait des groupes à voir absolument.

De nouveau au camping classique, ou VIP cette fois ?
Jérémy : Nous étions au camping bénévole. C'est un peu plus calme, un peu plus proche du site, et surtout on a pu y garer notre van et notre matos. Et on était à côté des Néerlandais de Romperprop (désolé pour l'orthographe !) des grindeux bien cool qui sont rapidement devenus nos purs potes !

En tant qu’artistes maintenant. Toujours aussi heureux de jouer au Hellfest ? Vous avez eu accès à la zone VIP du festoche, faites-nous rêver…
Jérémy : J'ai pissé à côté d'un mec de Hatebreed, j'ai bu des cocktails gratuits à côté de mecs de Saint Vitus, j'ai renversé l'assiette d'un mec de DevilDriver, j'ai vu beaucoup de groupes sur le côté de la scène. J'ai joué 253 parties de flipper "Kiss" gratuitement. J'ai vu Dave Mustaine en peignoire (peignoire "Dave Mustain" s'il vous plaît !). J'ai même vu Ozzy Osbourne à 1 mètre de moi ! J'ai la preuve en vidéo ! Je crois que ça résume bien les choses ! En fait on avait l'impression d'être des intrus dans cet espace artiste où les mecs ont des grosses barbes, gros tatouages, piercings, parlent anglais et ont grave la classe. Tandis que nous... ! (rires)

Rigolade

Comment avez-vous fait pour participer deux fois presque coup-sur-coup au Hellfest ? Vincent, tu portes le même nom que l’organisateur, Ben Barbaud. Es-tu son frère ? Auquel cas on a affaire ici à un cas flagrant de favoritisme !

Jérémy : Apparemment, il y a beaucoup de Barbauds dans la région ! Il n'y a pas de lien direct de parenté entre les 2 Barbauds... Il faut peut-être remonter plus loin pour trouver quelque chose. Donc on peut dire que si on joue au Hellfest, c'est qu'on est des BG tout simplement !!

Julien Doré en pseudo chanteur d’un groupe de black metal (les Dead MaKabés !) qui squatte la Mainstage pour les besoins d’un film, ça vous inspire quoi ? Pressés de voir le film ?
Jérémy : J'ai entendu parler de cet épisode bien après le Hellfest. Perso, je m'en contrefous de ce que fait Julien Doré, que ce soit sur CD ou au ciné. De toute façon je ne vais pas au ciné et ne regarde que très peu de films, le dernier en date étant "The Pick Of Destiny" ! Monstre retard !

Merci au groupe d'avoir pris le temps de répondre à cette interview par mail -ce n'est pas le format le plus confortable!- ainsi qu'à Maria qui, suite à sa chronique de l'album "En(d)grave", a pu enrichir l'interview de son point de vue et proposer des questions supplémentaires.


Le site officiel : www.myspace.com/abyssegroupe