La review

THE GREAT OLD ONES + APPOLLONIA + AN OCEAN OF VOID
Le Royal - Pessac (33)
17/01/2013


Review rédigée par Arch Gros Barbare
Photos prises par Manuel Roux


L'enfer est pavé de bonnes intentions paraît-il, et le seul crime que peuvent avoir commis les trois groupes de ce soir c'est de défendre une musique pour le moins... originale et singulière... C'est étrange de voir comment finalement la musique peut évoluer, comment la musique peut prendre plusieurs formes, même si je pense relativement souvent que nous avons fait le tour dans tous les genres et tous les sous-genres de vagues musicales.... Il arrive malgré tout, que certains groupes réussissent encore à surprendre, à créer quelque chose qui fait avancer, et nous fait nous approcher de ce que l'on cherche : l'intensité et la béatitude à l'écoute d'un titre musical.

La salle du Royal, en ce Jeudi 17 Janvier 2013, a été enveloppée d'un blizzard glacial et sombre (et ce n'est pas le fait que nous soyons en hiver et qu'il fasse froid, qui y soit pour quelque chose.... Quoique...) ; l'atmosphère dégagée par les trois groupes à l'affiche que sont, par ordre d'apparition AN OCEAN OF VOID, APPOLLONIA et THE GREAT OLD ONES, a réussi a entourer un public hétéroclite (au vu des différences d'âge que l'on a pu voir dans l'audience présente) mais désireux d'être en osmose parfaite avec la mélancolie qui ressort de ces groupes ayant quelques similitudes de prime abord mais pourtant ô combien différents dans leur approche musicale.

C'est dans une ambiance totalement privée (parce qu'à vue de nez, il devait y avoir entre 70 et 80 personnes) donc, presque confinée, calfeutrée mais veloutée, que le concert s'est déroulé. Un public qui pouvait aller d'une jeunesse au sortir de l'adolescence jusqu'à une génération d'un âge "mûr et expérimenté" (où parents, voire plus, étaient venus profiter de la soirée en même temps que d'avoir sans doute fait office de taxi pour certains) se trouvait devant cette scène... En passant par les trentenaires fidèles au poste, qui écument les salles depuis longtemps pour apprécier la qualité de composition de groupes bordelais de surcroît, ayant un potentiel plus que prometteur. Cette salle se prêtait bien à l'expérience, car ni trop grande, ni trop petite, elle a la capacité d'accueillir un public d'une amplitude moyenne, avec une acoustique plutôt sympathique et une scène suffisamment haute pour détacher les groupes de la plèbe. On a l'impression d'être, en prenant un raccourci considérable, dans un Théatre Barbey d'antan, en plus petit. Le style musical joué ce soir est quelque chose d'atypique, auquel on peut y trouver autant d'origines metalliques, que rock, presque shoegaze parfois, c'est pour cela que le "post-metal" de AN OCEAN OF VOID, le "metal-post-apocalyptique-hardcore" de APPOLLONIA et le "post-black metal" de THE GREAT OLD ONES ont la capacité de fédérer un maximum de monde, et forcément il n'y aura pas eu que des metalleux dans cette salle, des personnes qui je pense sont de tous horizons musicaux sont venus et ont pris du bon temps sans se poser la question de qui aime quoi, ou "Suis-je à ma place ?", non, chacun se sentait à sa place vu le panel musical et c'est ce qui était intéressant...



Voici venir 21h00, le moment pour AN OCEAN OF VOID de montrer ce dont il est capable, ce qu'il peut fournir en matière d'environnement musical. C'est avec brio que le groupe a présenté ses titres de "post-metal". Etiquette qui ne semble pas dire grand chose, pour expliquer que la musique de AOOV est un mélange de riffs metal dans son sens le plus large du terme, mixé à un style planant tel que les Pink Floyd, source flagrante du guitariste si je ne m'abuse, ou encore des choses très shoegaze comme les Japonais de Presence Of Soul (juste pour citer une référence, mais pas une inspiration), ou encore même du doom à la My Dying Bride et du spleen à la Anathema...
Sans doute, un groupe très apprécié par les personnes présentes ce soir, dû au fait que certains amis bordelais sont là pour les soutenir à l'occasion de ce concert discret mais percutant. AN OCEAN OF VOID distille grâce à un vocaliste puissant et à des guitares d'une tristesse infinie , une musique envoûtante où on arrive à ressentir une mélancolie exacerbée par des ambiances hautement atmosphériques sur fond de violence tiraillée dans tous les sens... On a l'impression que la musique d'aujourd'hui, la musique d'AN OCEAN OF VOID offre le reflet d'un désespoir complet, où un état de souffrance permanent permet en fait à ses "géniteurs" d'écrire des chansons qui vous prennent au tripes, des chansons qui allient puissance, noirceur et beauté. AN OCEAN OF VOID a su mener la danse macabre durant quarante minutes où, plongés dans le noir le plus absolu, on a profité d'un moment de solitude, chacun arrivant à capter l'essence même de cette musique doucereuse... On parlait de Pink Floyd, et ce n'est pas le hasard je pense  si un titre comme celui de "Behind Red Clouds" nous emmène relativement loin comme les maîtres ont su le faire. Proche d'un Anathema par moments également, AN OCEAN OF VOID a de l'inspiration, c'est cette mixité, ce côté hybride qui permet à leur musique d'être originale. Et même si j'en ai préféré l'amertume des autres compositions, le dernier titre « A faded light » , peut être un peu plus rock et rentre dedans, avec un petit riff agressif (beaucoup plus lent) qui pouvait rappeler un "I'm Broken" de Pantera, reste tout de même une bonne clôture de show.
De la maîtrise pour ce jeune groupe et un son super propre font de AN OCEAN OF VOID un groupe à suivre. D'autant plus qu'il est assez rare qu'un groupe propose sa démo à prix libre... Alors dans des conditions pareilles, il était inopportun de se cantonner à ne télécharger que des fichiers sans âme, alors achetez bonnes gens, et soutenez votre scène...



Le groupe suivant, certainement le plus incongru au départ mais le plus fourni en matière de discographie puisque les Bordelais (eux aussi, car les trois groupes de ce soir sont de Bordeaux a-t-on précisé) ont déjà trois albums à leur actif ; aura donc réchauffé un petit peu l'ambiance abyssale, alors que malgré tout leur mélange de hardcore / screamo / post rock possède quelques tournures bien dépressives également. Mais ce n'est pas la seule corde à leur arc. Si AN OCEAN OF VOID proposait un set avec un chanteur, APPOLLONIA nous offre trois chanteurs puisque chaque instrumentiste à tour de rôle pourra laisser sortir ses hurlements (surtout le bassiste qui possède un timbre de voix écorchée à la Pensées Nocturnes) du plus profond de son intimité. C'est un des points forts d'APPOLLONIA, cette multifacette de vocalistes qui à tour de rôle prennent la parole sur les chansons. C'est donc un set totalement éclectique que propose APPOLLONIA, car entre ambiances très core, limite screamo, on y retrouve quelques relents (peut-être que je me trompe, mais qu'importe) de Pixies, avec des idées par moments très anglaises, où le guitariste / chanteur, pouvant paraître timide, mais tellement émouvant dans sa manière de chanter, de bouger sur scène et d'être tout simplement, vivait entièrement ses chansons à tel point qu'il manquait de souffle entre celles-ci pour pouvoir partager quelques moments fugaces avec le public, en ayant presque une extinction de voix.
C'est même avec humour qu'il a présenté une des dernières chansons si ce n'est la dernière, en parlant de black metal alors que l'on avait droit à un mélange de styles entre The Cure et du pur rock où sa Gibson SG laissait crier ses sons démoniaques. APPOLLONIA m'a finalement bluffé, même si au départ ce genre de musique n'est pas celle que j'apprécie particulièrement, ils ont assuré au niveau des émotions, ils ont vidé leurs tripes tant dans les vocaux que dans la musique. Groupe également productif et créatif qui en fin de set nous a proposé d'acheter leurs productions sous tous les formats, même celui de la cassette, il ne manquait plus que le crayon APPOLLONIA pour rembobiner celle-ci, comme à la bonne époque... Cela marque un amour pour le format physique, et une démarche très pro de la part de ce groupe... Un très bon moment également, où le public a aussi pas mal apprécié...



J'étais venu en priorité pour ce groupe, effectivement, bien que sa découverte remonte pour moi à la toute fin de l'année 2012. TGOO est une véritable révélation, ce groupe arrive par sa musique à allier savamment la musique black metal, et black metal dépressive, à cette vague "post" également qui fait ressortir une mélancolie et une froideur encore plus accrue par rapport à ce que l'on avait pu avoir depuis le début. Si les années 90 ont été témoins d'un des plus grands groupes de musique plus dépressive que le doom, à savoir Elend, je pense qu'aujourd'hui on assiste à une véritable déferlante de combos originaux qui renouvellent complètement certaines étiquettes... En matière de black Metal, Nokturnal Mortum a su imposer un style avec leur dernier album en incorporant des inspirations Pink Floydiennes, et si Alcest a su sortir des rails en apportant à son black metal maintenant des bordures shoegaze et planantes, TGOO deviendra lui aussi le porte drapeau d'un nouveau style de black metal. Et c'est à un groupe d'un professionnalisme à toutes épreuves auquel nous avons eu droit face à nous... Tout d'abord si le jeu de lumière était performant depuis le début du concert, durant le passage de TGOO, on a pu avoir des effets simples mais terriblement efficaces, laissant souvent deviner les ombres des membres avec une lumière blanche juste derrière. De plus si le son des groupes et la balance étaient pour moi parfaite au fur et à mesure de leur prestation, on a pu constater une montée en puissance du son, particulièrement celui de la batterie pour TGOO.
Il était plus que nécessaire d'avoir ce genre d'artifice pour bien profiter de l'impact noir et malsain que nous ont offert TGOO. En revanche, il n'est pas besoin d'avoir des tonnes de grimages, de corpse paints, ou autres épées pour avoir la possibilité de créer un show, et TGOO l'a compris, car rien qu'en étant vêtus tous de t-shirt noirs et de pantalons noirs, se mettant sur le devant de la scène le groupe en impose. Leur sérieux glacial et le fait de ne quasiment rien dire entre les morceaux en ne les présentant pas, ont fait de ce set quelque chose d'unique, ténébreux et froid. Une froideur où les passages bien agressifs dirigé par toutes les guitares s'alternaient avec ceux plus planants laissant libre cours à notre imagination pour matérialiser les inspirations Lovecraftiennes qu'aime à mettre en avant TGOO.
Ce qui est parfait, c'est qu'en fait la foule écoutait la musique et l'alternance de chants de la part des deux guitaristes, calmement, studieusement hormis quelques déchainés habituels, mais cela a été d'une intensité noire vraiment impressionnante, tant par la qualité des morceaux que par leur puissance... THE GREAT OLD ONES a gardé une attitude de marbre, jusqu'à la fin, sans doute marque de fabrique du groupe, et ce jusqu'au rappel...

La soirée au Royal était une réussite, évidemment qu'on souhaite toujours attirer plus de monde, mais ce côté intimiste sans trop ni trop peu de personnes, était convenable et très appréciable. La balance était merveilleusement bonne pour les trois groupes, et ceux-ci ont été performants jusqu'au bout de leur show. Le public était connaisseur et rallié à leur cause. Ce fut un grand moment de musique avec trois visions différentes de la mélancolie... mais un grand moment de musique...

Photos tirées de : www.manuelroux.tumblr.com