La review

SOIRÉE M&O MUSIC
Memories Of A Dead Man + Kinky Yukky Yuppy + Ashka + Bad Tripes + Proletaria + Fluxious + Tess
Espace B - Paris
12/03/2011


Review rédigée par Stanaron


Depuis quelque temps maintenant, le label M&O Music commence à faire parler de lui dans le milieu du metal underground français en mettant essentiellement de jeunes groupes en avant. Si nous sommes loin d’avoir affaire à Roadrunner, il n’en reste pas moins qu’un label permettant à de jeunes groupes - de metal, et Français de surcroit - de dépasser le stade de la vente en main propre de leur EP quatre titres gravé sur des CD Verbatim pour enfin sortir un album distribué en France et dans les pays voisins, mérite tout le respect et la gratitude de notre belle communauté métallique. Ce soir, M&O organique une petite soirée à l’Espace B (Paris) pour nous montrer quelques unes de ses perles. La soirée promet donc quelques surprises, et surtout de très belles découvertes.



Pour ce qui est des entrées en matière, la programmation n’y a pas été de main morte, car c’est avec TESS que nous entamons la soirée, groupe de hardcore avec quelques pointes de screamo mais surtout énormément d’énergie à revendre. En effet, le combo semble vraiment à l’aise sur scène bien qu’il n’y ait pas foule dans la salle, et si les musiciens semblent jeunes, ils ont clairement l’habitude de fouler les planches et sont parfaitement en place en s’y donnant à fond. Nous apprenons d’ailleurs que TESS a déjà trois albums, un EP et un DVD à son actif, ce qui explique grandement l’aisance bien visible du groupe. A l’instar des vêtements des musiciens, se gorgeant de sueur à mesure de l’avancement du concert, la salle se remplit peu à peu, jusqu’à avoir un public tout à fait convenable à la fin de leur court set. S’il y a beaucoup de choses à dire sur la prestation scénique de TESS (parmi lesquelles un guitariste qui s’obstine à nous tourner le dos), il y en a moins à dire sur leur musique, qui malheureusement n’a rien de réellement marquant. Peut-être le style ne parle-t-il pas tellement à votre serviteur. Quoi qu’il en soit la salle est dorénavant bien chauffée dans à peu près tous les sens du terme, et en particulier dans le sens olfactif. Il n’y à pas de doute : rien qu’après une demi heure de TESS, ça sent l’homme !

Setlist : "Ta Langue", "My Very", "Tableau", "Menteur", "Délicate", "A La Demande", "Nombre d’Or".



Nous enchaînons sur la musique quelque peu plus calme de FLUXIOUS, aux accents plus funk et à la frontwoman tout sourire mais très timide. Si cette timidité passe au premier abord pour un manque de confiance en elle, celui-ci ne se traduit absolument pas dans la voix de la demoiselle qui est assurée et parfaitement bien maitrisée. Maitrisée au même titre que le reste des instruments, d’ailleurs, qui se jouent dans la subtilité, la nuance, avec beaucoup de technicité sans pour autant tomber dans la démonstration. Si les morceaux de FLUXIOUS sont parfaitement maîtrisés, avec des mélodies efficaces, des solos variés et une réelle maturité musicale, leur présentation live manque malheureusement de relief : s’ils nous avaient passé l’album dans les oreilles nous aurions eu le même effet, ce qui est presque un compliment, mais la charmante Joana au grand sourire, malgré son superbe travail vocal, délaisse quelque peu son rôle de frontwoman pour se cantonner à son role de chanteuse. Il ne faut pas oublier qu’un concert est avant tout un moment de communication, et que celle-ci doit se faire d’une part dans l’exécution des morceaux, certes, mais aussi entre ceux-ci. C’est dommage, mais il n’en reste pas moins que ce fût une prestation très agréable, particulièrement marquante grâce à un guitariste hors-pair.

Setlist : "Voodoo Wood", "Unfair To You", "Sinner, Hugging", "Games’n’Trials", "Reaching Nowhere".



Un schéma commence à se dessiner dans la programmation de la soirée lorsque nous enchaînons sur un groupe à nouveau bien bourrin : j’ai nommé PROLETARIA. Au premier abord, ces tout jeunes Parisiens semblent lisses et bien calmes, mais l’habit ne fait pas le moine, et aux premières notes du set se déverse une rage Meshuggesque des hauts parleurs. Du lourd ! Si les guitares bien graves et les polyrhythmies rappellent instantanément les Suédois inventeurs du genre, la différence se fait principalement au niveau de la voix qui, malheureusement, n’est pas à l’avantage des Parisiens. Si tous les goûts sont dans la nature, la voix de Kevin peut plaire aux amateurs punk bien sale et agressif, cependant votre serviteur a eu beaucoup de mal à s’y faire dans le cadre de la musique de PROLETARIA. Le groupe vient de sortir son deuxième EP, "30Minutes Rockstar" d’où il tire l’ensemble de sa setlist ce soir, et si le titre de l’opus est particulièrement bien choisi, évoquant le fait qu’il ne faut pas se prendre trop au sérieux, le groupe applique bien cette philosophie sur scène. En particulier Kevin qui parvient à se démarquer de la plupart des frontmen de metal justement par le fait qu’il ne se prend pas au sérieux. Le groupe semble avoir un public fidèle qui répond bien aux morceaux contribuant à faire monter progressivement l’ambiance du concert tout au long de la soirée.

Setlist : "Krieg Krieg Poudja", "Thrid World Savior", "Mother Fucking Rockstar", "It’s Gonna Be Lengendary", "It’s A Shame", "Seriously ?!".



Nouveau changement d’ambiance, pour un groupe à la fois plus calme et plus malsain : une bande de médecins et infirmier(e)s Marseillais(es) arrivent sur scène, les blouses couvertes de sang, les cheveux longs et sales, des yeux au beurre noir entre autres, et on se dit qu’on n’aimerait vraiment, mai alors vraiment pas tomber dans l’hôpital de BAD TRIPES. Si la troupe médicale en question a un jeu beaucoup plus sale et pas tout à fait aussi bien en place que les autres groupes de la soirée, ils ont cependant la personnalité la plus reconnaissable, de loin ! Leur musique difficilement descriptible présente beaucoup d’aspects du thrash, mais se repose également sur des samples aux mélodies malsaines et une voix féminine crue, criée en français. La langue de Molière dans le metal fait grincer des dents à plus d’un metalleux, mais lorsque c’est chez un groupe à la personnalité aussi affirmée et où les touches Françaises viennent aussi influencer la musique – en particulier dans "Alice Über Alles", joué sur un air d’accordéon en ternaire… oui, oui, de l’accordéon dans du metal ! – un chant Anglais aurait tout simplement fait tâche. BAD TRIPES est marquant pour bien d’autres raisons que pour sa musique. C’est même pour les autres aspects du groupe que celui-ci est particulièrement intéressant. En effet, cela fait plaisir de voir un groupe développer un univers visuel pour illustrer sa musique – la touche shock rock qui a presque disparu du metal moderne – et si ces infirmiers jouent beaucoup sur leur image, c’est l’infirmière en chef qui marquera le plus les esprits en concert, en se déshabillant progressivement tout au long du set. Si certains y trouvent moyen de critiquer le groupe et sa chanteuse, d’autres trouvent ça particulièrement rock ’n’ roll et presque "masculin" de la part de la demoiselle d’assumer pleinement son corps et d’en faire usage de cette façon, quitte à choquer les plus pudiques. Quoi qu’il en soit cela fait parler du Mroupe, qui n’a pas peur de choquer, bien au contraire !

Setlist : "Intro", "Chair De Canon", "Wish", "Le Désert", "Vivalavida", "Alice Über Alles", "Na Zdorovie".



Rebelote avec un groupe bourrin, ASHKA monte sur scène pour nous délivrer un metal presque brutal death tout en ayant des passages plus aériens et mélodiques où la chanteuse aux cheveux rose-bonbon nous fait profiter de son timbre de voix plus cristallin que pendant ses passages de growl très présents tout au long du set. Malheureusement, arrivés au cinquième groupe de la soirée, le temps commence à se faire long, et malgré une prestation tout à fait correcte ASHKA aura du mal à maintenir notre attention tout au long de son set très chargé en énergie. Quelques chansons sortiront du lot telles que "Nameless" avec ses refrains clairs et "Sarcophage" avec son passage en ternaire, mais le reste du set sera malheureusement oublié rapidement.

Setlist : "Asylum", "Romance", "Nameless", "Catharsis", "Flesh", "Ritual", "So Long", "Sarcophage".



Certains spectateurs commencent donc à regarder leurs montres et à se demander combien il reste de groupes. Mais il est des prestations qui vous marquent profondément, quel que soit votre état, blasé ou fatigué. Il est des prestations qui viennent vous chercher au fond de vous-même pour en tirer quelque chose que vous ne vous attendiez pas à trouver. Tandis que cela arrive le plus souvent avec des groupes que vous connaissez bien, des groupes que vous écoutez depuis des années et dont vous connaissez chaque morceau dans ses moindres détails, il arrive aussi que ce phénomène vous prenne complètement par surprise, comme cela a été le cas ce soir. Vous vous dites peut être que j’en fais beaucoup, mais il est des groupes qui ne peuvent pas laisser indifférent, et KINKY YUKKY YUPPY en fait partie. Si leur nom est atroce, leur musique est absolument magique, et cela tombe comme une évidence dès les premières notes de leur set lors desquelles nous ne pouvons faire autrement que de nous dire que ça, ça joue !
Mais leur musique, à quoi ressemble-t-elle ? Branlent-t-ils leurs manches tels des virtuoses dans des morceaux hyper complexes faisant preuve d’une originalité hors normes ? Non, KINKY c’est juste du rock… mais quel rock ! Nous y reconnaissons quelques influences de Led Zeppelin (le riff principal de "Not The Same" évoque la grande "Kashmir"), certaines touches de Queens Of The Stone Age, un peu de Muse mais surtout beaucoup de talent à l’état pur. On sent beaucoup de recherche dans la musique de KINKY afin de toujours avoir "la" note qui tue à chaque instant, et en plus de la superbe voix de Jérémi, le chant à quatre est aussi parfaitement maitrisé, comme montré dans la chanson "Heat Of The Sun" où après un passage bien lourd non sans rappeler une certaine touche Meshuggah, le groupe enchaîne sur des boucles de chant entêtantes reprises en écho par le guitariste tandis que les autres musiciens chantent chacun sur une harmonie différente. Le groupe termine son set avec la puissante "Come To Me" dont le refrain vous prend aux trippes tandis que la fin du morceau vous fait complètement planer sur une phrase répétée inlassablement par le groupe, à tel point que vous ne pouvez vous empêcher d’en crier les paroles avec eux. KINKY YUKKY YUPPY aura su prouver à beaucoup que pour qu’un morceau soit puissant, il n’est pas nécessaire de crier du début à la fin, bien au contraire !

Setlist : "Not The Same", "Ugly", "Time We’ve Wasted", "Head Of The Sun", "Come To Me".



Après avoir été émotionnellement lessivé par un tel groupe, il ne reste plus que MEMORIES OF A DEAD MAN, groupe de la région Parisienne aux musiciens nombreux et avec la particularité d’avoir deux batteurs. Ce détail pris en compte, leur changement de plateau se fait tout de même très vite, et certains des musiciens dont le nouveau chanteur du groupe se mettront au milieu de la fosse, faute de place sur scène. Il se fait cependant tard et le groupe nous jouera une setlist très courte de seulement quatre morceaux, commençant par la montée progressive de "The Other Way Around" lors de laquelle le chanteur fera une chute au moment de commencer son chant. Malaise ou mise en scène ? Allez-savoir. Quoi qu’il en soit, ce dernier se relève rapidement pour gueuler de plus belle dans le micro. Le batteur du groupe équilibre ce chant avec une voix plus claire et mélodique sur d’autres passages, et les deux batteries permettent de créer des ambiances planantes et plutôt efficaces. Le groupe nous présentera par la suite deux nouveaux morceaux avant de terminer bien rapidement son set, concluant ainsi une soirée haute en couleurs.

Setlist : "The Other Way Around", "Spoken Yet Never Heard", "Neurot", "Underoath".

Ce concert aura donc été une vraie mine d’or au niveau des découvertes, présentant des groupes toujours intéressants et surtout impressionnants par leur niveau d’exécution en live. Si M&O MUSIC signe de nombreux groupes dans des styles variés, ils nous ont cependant prouvé qu’ils choisissent uniquement des artistes de talent !