La review

MESHUGGAH + CAR BOMB + SEMANTIK PUNK
Le Cabaret Sauvage - Paris
19/12/2014


Review rédigée par E.L.P


Suite et fin de cette épopée hivernale du Cabaret Sauvage couplant, tour à tour, sous le chapiteau de La Villette, les prestations du duo germano-australien Parkway Drive / Heaven Shall Burn et des très attendus Suédois de MESHUGGAH ! Changement radical d’ambiance, donc, ce soir, avec la programmation des pères de l’une des mouvances expérimentales devenue parmi les plus en vogue des années 2000/2010 : le djent... Meshuggah ! Célébrés pour la magnifiée brutalité de leurs lignes rythmiques et égayant le coeur des accrocs aux syncopes et autres maniaques de l’arythmie, voici donc que le groupe offre à son public parisien un arrêt en ses murs, affichant, à l’occasion de sa tournée anniversaire "25 Years Of Musical Defiance", complet! Pour les aider à dignement fêter ce quart de siècle d’existence, les Suédois se sont entourés du bien expérimental binôme composé des Polonais de SEMANTIK PUNK et des New-Yorkais de CAR BOMB...

Voici d’ailleurs venir le temps des premiers ouvreurs, le temps de SEMANTIK PUNK ! Différencier leur sound-check du début du set des Polonais pouvant alors s’apparenter à un intense travail d’observation, d’écoute, d’analyse et de discernement, c’est avant tout un groupe gauche et mal à l’aise sur scène qu’il sera alors donné d’observer... Des rythmiques branlantes masquées par les ambitions avant-gardistes / expérimentales des musiciens, le tout "magnifié" par des cris tous plus arrachés et incertains les uns que les autres, tel sera le programme avancé et défendu par le groupe pourtant sélectionné par la tête d’affiche elle-même ! Confrontés à l’incompréhension généralisée du chapiteau, l’incohérence musicale et scénique de l’ensemble ne comblera pas le moins du monde les majoritaires attentes du parterre au regard bien souvent perdu dans les abysses des pintes alors en mains. (Ndlr : un nouveau souci de communication -apparement monnaie courante au Cabaret Sauvage- entre organisateurs et agents de sécurités bien trop zélés ne nous ayant pas permis d’accéder au photo-pit pour ladite formation, ce report ne trouvera sa dimension visuelle qu’à partir de CAR BOMB). La fin de la surréaliste prestation scénique de SEMANTIK PUNK laissant comme un arrière-goût de purge musicale dans nombreux tympans, il ne faudra en revanche pas négliger le travail réalisé par les Polonais sur leurs ambiances, aussi avant-gardistes et inaccessibles fussent-elles !...



Rebondissant finalement sur cette bien triste mais néanmoins curieuse prestation d’ouverture, c’est désormais aux New-Yorkais de CAR BOMB qu’il incombe de porter la foule à ébullition ! Force sera de constater que, malgré une mise en place toute relative sur certains de ses morceaux, le groupe se rapprochera bien davantage de la nervosité de la tête d’affiche, se laissant aller à de subtiles (parfois un peu trop, peut-être, pour le frontman) structures rythmiques et proposant une brutale approche mélodique aussi abrupte que les traits vocaux lancés par le chanteur touchant alors le public par la puissance de ses growls. Un élément de décor viendra lui aussi peu à peu attirer l’attention des spectateurs sur l’entité présente, celui du vidjing, deux écrans ayant été tirés au-dessus des façades, et permettant au parterre de se laisser emporter et malmener par les psychotiques animations jalonnant la performance de CAR BOMB, torturant une fois de plus, les sens du public décidément plus impliqué dans l’univers des New-Yorkais! Musicalement plus enjouée au-delà de ses menus écueils de rythme et de prestance, la formation clôturera finalement son passage sur une note bien plus positive que ses prédécesseurs, laissant par la même occasion, le champ libre au clou du spectacle : le feu d’artifice MESHUGGAH !...



Toujours fièrement dirigés par Jens Kidman (chant / "Meshuggah Face"), les grands pontes de l’expérimentation rythmique fouleront enfin les planches d’un Cabaret Sauvage décidément fin prêt à recevoir cette précise et brutale transcendance musicale, fer de lance du groupe et les ayant poussés, aujourd’hui jusqu’à leur 25ème année d’existence ! Débordant de plaisir, le parterre se laissera ainsi plaquer, d’entrée de jeu, par la déflagration du duo "Future Breed Machine" / "obZen", véritable assaut porté par les Suédois sur une capitale d’ores et déjà on ne peut plus ralliée à sa cause... S’enchaîneront alors parmi les plus explosifs de leurs titres tels que le délectable et raffiné "Cadaverous Mastication", ponctuant une setlist de choix dont la noblesse des morceaux n’aura d’égale que le psychotique et éblouissant jeu de lumière de l’ensemble (malheureusement dépourvu depuis plusieurs mois, de son lot de lasers). Il sera bien inutile de rappeler aux présents l’expérience et le charisme conjugués du quintette projetant inlassablement sa cohorte de virulentes compositions aux visages transis du public parisien. Ce dernier ne saura finalement plus à quels Saints se vouer à mesure que les Suédois dérouleront, rebondissants entre l’emprise scénique de Jens Kidman et l’implacable solidité rythmique de Tomas Haake (batterie) / Dick Lövgren (basse), des ensembles de titres comme le fervent carré "New Millenium Cyanide Christ" / "Stengah" / "Bleed" / "Demiurge" ! Souvent égalé mais rarement inquiété, le groupe dont certains diront qu’ils avaient "rendez-vous avec Dieu" n’aurait su susciter plus d’engouement (si ce n’est celui d’un déchaînement autrement plus inconditionnel des spectateurs peuplant le pit), créant le lien le plus immuable du monde en conjuguant atmosphère, violence et précision sous la bannière de cette abstraite sublimation du dépassement musical qui est la leur.

Setlist : "Future Breed Machine", "obZen", "The Hurt That Finds You First", "Do Not Look Down", "Cadaverous Mastication", "Greed Gods Of Rapture", "Neurotica", "New Millennium Cyanide Christ", "Stengah", "Bleed", "Demiurge", "Straws Pulled At Random".
Rappel : "In Death - Is Life", "In Death - Is Death".

Éternellement surveillés par feu H.R Giger, les nordistes laisseront alors la capitale sur le goût de leur binôme de clôture "In Death - Is Life/Is Death". Venant parachever une année 2014 des plus remplies, l’affiche de cette soirée finalement passée du stade de triste incompréhension totale à complète béatitude, en passant par une assez habile montée en puissance offerte entre SEMANTIK PUNK, CAR BOMB et MESHUGGAH aura permis à cet arrêt parisien de la tournée anniversaire de ces derniers, de trouver toute sa profondeur et son souffle dans les yeux, coeurs et tympans des férus du genre ! Expérimentation musicale, dissidence rythmique ou transcendance spirituelle, MESHUGGAH mérite bien des qualificatifs mais définitivement son titre de demi-dieu !

Photos tirées de : www.elp-photo.fr