La review

EYEHATEGOD + HERDER + JOE BUCK YOURSELF! + THE HOOTEN HALLERS + VIVA LE VOX
Le Glazart - Paris
30/06/2015


Review rédigée par E.L.P


"Engagez-vous" qu’ils disaient... "Rengagez-vous" !
Il est parfois de ces soirées pour lesquelles le travail de live-reporter s’annonce, d’entrée de jeu, comme intense et difficile... Eh bien cette nouvelle soirée estivale proposée par les Stoned Gatherings n’aura en aucun cas fait exception à cette règle de pénibilité, aussi occasionnelle puisse-t-elle être ! Les responsables étant tout trouvés avec, d’une part, un baromètre récalcitrant, qui, une fois plongé dans le coeur de la fournaise du Glazart, affichera une chaleur accablante, doublée d’une implacable humidité quasi tropicale et d’autre part les camarades de la compagnie des ferries britanniques dont la grève battant alors son plein, affectera directement ladite soirée...
Finalement ouverte après quelques minutes d’attente, la Plagette du Nord parisien tendra peu à peu à se remplir, aussi bien d’un persistant fumet de viande grillée émanant du food truck (La Dinette Mécanique) que des quelques métalleux commençant à peupler la terrasse couverte et vociférant autour du baby-foot !



Le coup d’envoi sera alors donné (avec d’ores et déjà un léger retard au compteur) dans une bien étrange ambiance de ruelle nouvelle-orléanaise, par le détonnant duo VIVA LE VOX, sous le auvent de la salle parisienne prenant alors des allures de bayou. Premier combo à s’élancer, le binôme pourtant originaire de Floride délectera son public d’un son à la croisée des mondes blues-swing / punk, aussi saturé qu'énergique, et soutenu par les deux charismes de Tony Bones au chant / guitare et de Joe Buck à la contrebasse ! Proposant ainsi une étonnante entrée en matière saturée et truffée d’un singulier swing enviable à bien des artistes de rue, la petite formation proposera des compositions reçues avec un fervent enthousiasme par le public pourtant en tout point éloigné, en apparence et en apparence seulement, du style des deux Américains, pour leur plus grand étonnement...



À ces allures de "Fête la Musique" ou de rassemblement folk / blues, c’est finalement sur l’ambiance laissée par l'énergie des VIVA LE VOX que se présenteront les entraînants HOOTEN HALLERS, trio qui s'avérera tout aussi enjoué et efficace que la première partie, avec un son blues-folk fleurant bon le cambouis, les chemises à carreaux et les casquettes de truckers. Motivant le public remplissant alors la terrasse, le trio Hillbilly composé de l’émérite et expressif frontman John Randall (guitare / chant), de l’infernal Andy Rehm (batterie / chant) et de la discrète mais néanmoins souriante Kellie Everett (saxophone) se fera des plus vibrants et insistants afin de saupoudrer cette soirée déjà fort bien entamée, d’une franche dose de puissance redneck ! Redoublant d’efforts, dans l'atmosphère alourdie de chaleur et des rauques timbres de John et Andy, la formation saura lentement faire glisser l’ambiance vers des sonorités bluesy et folkloriques que d’aucuns pouvaient qualifier de "Tarantinesques"... Laissant finalement un goût de trop peu à son public, le petit ensemble (dont la batterie frappée avec le véhément touché d’Andy aura fait l’objet d’un rappel aux limitations sonores) quittera finalement les planches de la Plagette avec les mêmes honneurs amplement dus et mérités que son prédécesseur, permettant ainsi au public patché de façon exponentielle de rentrer en les murs du Glazart afin d’y découvrir (et re-découvrir) le troisième artiste : JOE BUCK YOURSELF!.



Performance solo du contrebassiste officiant dans VIVA LE VOX, ce sera cette fois-ci simplement muni d’une guitare et monté sur un tabouret de batterie, les pieds rivés sur des pédales tambourinant sur son étui, que Joe Buck officiera ainsi, en troisième partie de soirée, devant, là en revanche, un parterre plus clairsemé et bien moins enthousiaste que précédemment... Bien des contraintes s’imposeront à l’artiste qui, jouant de malchance, ne jouira pas d’un correct retour de ses rythmiques aux pédales, grévant inexorablement sa prestation d’une très bonne partie de la dynamique nécessaire à créer la communion et le partage semblant pourtant régir ses compositions ! Cette avarie technique face à laquelle artiste et public se trouveront tous deux confrontés s’étalera ainsi sur la totalité du set de Joe, devant une rare passivité des techniciens, mettant ce dernier dans de bien piètres dispositions nivelant sa performance (manquant déjà de saveur) vers le bas, tant en termes d’expressivité du son que d’ambiance ou même d’attitude de la part de l’artiste qui perdra (un peu rapidement peut-être), son sang froid, laissant le public dubitatif et véritablement peu réceptif à l'exception d’une poignée de fans qui iront jusqu’à réclamer (et obtenir) un très court et désabusé rappel !



Les rebondissements sur ce set en demi-teinte que fut la performance solitaire de Joe Buck s'inscriront, en revanche, dans cette même lignée d’actes manqués, à commencer par une bien étrange gestion des différents timings et changements de plateaux (visant vraisemblablement à jouer la montre compte tenu de l’absence de la tête d’affiche de la soirée, elle, toujours en errance entre l’Angleterre et Paris) qui creuseront un peu plus l’écart avant de finalement faire rentrer en scène la première formation metal du jour : les Néerlandais de HERDER !
Second projet de JB Van Der Wal (bassiste du groupe Aborted et officiant, ici, à la guitare), le groupe de sludge / stoner mené par Ché Snelting depuis maintenant 3 ans prendra alors possession de l’espace qui lui est alloué et ce quasi instantanément, poussant le baromètre de la salle vers le haut, gage d’une entrée en matière des plus massives pour le viscéral quintette hollandais ! Une lourdeur et une mise en place infaillible projèteront immédiatement les nuques des participants au coeur de l’univers torturé de l’ensemble, à grand renfort de riffs saturés et explosifs, mais également doublés d’une basse monolithique (signée Marc). Porté par la détonnante légèreté et le naturel sautillant du frontman (qui ira, dans un nouvel éclat de partage, jusqu’à demander au public si ce dernier a apporté ses chaussons de danse), le groupe, aux compositions oscillant parfois entre post-hardcore perforant et stoner lancinant, sut tutoyer cervicales et tympans des quelques fidèles leur offrant alors un bien chaleureux (et quelque peu alcoolisé) accueil qui s'avérera malheureusement de courte durée... En effet, le groupe se verra contraint de raccourcir son set d’une dizaine de minutes, laissant ainsi la pression, insufflée au coeur du Glazart, retomber avec un amer mais extatique goût de "trop peu" tant les Néerlandais surent empoigner les Parisiens alors terriblement demandeurs et ô combien réceptifs à pareilles énergies et charismes en place sur les planches débordant de lourdeur et de saturation...



La chaleur commençant à se faire légèrement plus insistante, c’est alors que s’ensuivra une bien abondante traversée du désert dépassant alors l’heure et demie d’attente, avant de finalement retrouver les jusqu’alors grands absents de cette soirée : les Nouveaux-Orléanais d’EYEHATEGOD, finalement libérés des grévistes de SeaFrance après quelques heures de mystère !
Démarrant en trombe un set qui se révélera hautement "punk" dans l’esprit, le groupe mené par Mike Williams jouera quelques minutes à peine après avoir ouvert ses fly-cases, libérant, de ce fait les longues heures d’incertitudes et de suspens au travers d’une irrépressible catharsis partagée par une fosse alors immédiatement portée à ébullition. Se jetant à corps perdu dans les titres du groupe envoyés sans même avoir effectué de balances, le public suant et dégoulinant justifiera, à lui seul, de par sa ferveur, sa patience et l'énergie lui restant encore à dérouler, la présence d’EYEHATEGOD ce soir dans cette fournaise qu’était alors devenue le Glazart...
Contraint, par le trajet restant encore à effectuer pour rentrer à bon port, à abdiquer face à pareille lourdeur sonore, je n’eus d’autre choix que de filer et d’abandonner la suffocante atmosphère quasi tropicale de la salle aux mains des pionniers du larsen, du stoner-sludge et à leur public déchaîné... !

Dressant le bilan de cette soirée, un seul et unique enseignement s’impose : triompher de l’adversité musicale et organisationnelle dans pareilles conditions force le respect, non seulement vis à vis de l’organisation des Stoned Gatherings ayant su garder la tête aussi froide que cette dantesque météo le permettait mais également aux groupes ayant su ravager (bien que difficilement ralliable, au premier coup d’oeil, sous le même pavillon), un Glazart prêt à se jeter à corps perdu dans la chaleur du Sud profond, des larsens et autres effets de saturation !

Photos tirées de : www.elp-photo.fr