La review

EMILIE AUTUMN
La Maroquinerie - Paris
25/03/2012


Review rédigée par Braindead


Que l’on aime ou non, peu d’artistes peuvent revendiquer un univers aussi étrange, complexe, indéterminé et définitif qu’EMILIE AUTUMN. Ce n’est donc pas un hasard si une file de près de 300 mètres s’étend en ce Dimanche après-midi, devant la petite salle de la Maroquinerie.

J’avoue à ce moment ne pas savoir quoi attendre, outre un premier contact "Wikipédia / YouTube" et la réputation "Diva sulfureuse" de la Demoiselle, rien ne laissait supposer au coup de foudre artistique auquel j’allais m’exposer. A commencer par le décor, structure scénique majestueuse pour une scène aussi petite, optimisée dans les moindres détails selon les passions et expériences personnelles de l’artiste ; les grilles d’un hôpital psychiatrique agrémentées de crânes, rats et autres réjouissances, une gigantesque horloge à connotation steampunk trônant fièrement au milieu de la scène, la Maroquinerie en deviendrait presque attirante ; belle performance. Le spectacle est aussi dans la salle, avec une assistance haute en couleur ; l’ambiance sereine, conviviale presque familiale, donne l’impression d’une grand-messe orchestrée par Miss Autumn.



Le show commence, par une succession de scénettes sonores, extraites de vieilles comédies musicales, entrecoupées par une basse sourde censée nous plonger dans l’univers d’Emilie telle une mise en abyme annoncée. Les Bloody Crumpets, magnifiques créatures au look Victorien, bloomers, corsets et accessoires capillaires flamboyants (créées par elles-mêmes) font leur entrée d’une manière très théâtrale, suivies par Emilie masquée d’une tête d’oiseau sertie, qui aurait fait sensation Piazza San Marco, telle une Marie Poppins burlesque née dans les méandres de la Révolution Industrielle, fin 18ème.
La demoiselle commence son récital avec le très sombre "Best Safety Lies In Fear", une phrase très Shakespearienne car emprunté à Hamlet, parachevant la présentation d’un univers, qu’il appartient à chacun de cerner par une réflexion plus complexe qu’il n’y paraît (Ndlr : une lecture de sa bible "The Asylum : For Wayward Victorian Girls" s’impose). La voix d’Emilie envoûte et déroute, tour à tour baroque, douce et saccadée que n’aurait pas reniée une Nina Hagen ; l’orchestration luxuriante laissant place à des séquences minimalistes amène sa variété de richesses expérimentales.



Le répertoire, essentiellement basé sur son dernier opus "Fight Like A Girl", est très différent de sa précédente tournée mais tout aussi intéressante ; Emilie faisant évoluer la forme tout en gardant le fond de ses sources d’inspiration. Chaque chanson est d’ailleurs introduite par un sketch où l’artiste, prouve s’il le fallait, ses talents d’actrice, merveilleusement secondée par ses girls, créant un émoi certain au sein d’un public mis constamment à contribution. Sur "Time For Tea", les demoiselles, plus dingues que jamais, lèchent cupcakes et autres muffins, finissent par les broyer avant de les balancer sur l’assistance ravie tandis que Blessed Comtessa vide sa théière sur les têtes du premier rang ; du burlesque à l’état pur ; une folie Kafkaïenne décomplexée, totalement assumée, preuve nouvelle que Miss Autumn et ses Crumpets sont des performeuses très complètes.



En témoigne ces instants magiques où Blessed Comtessa et Captain Magot s’échangent des torches enflammées dans une obscurité complète ; surréalistes quand Lady Aprella, vamp ensorcelante habillée de plumes, se lance dans un numéro à la Zizi Jeanmaire avant de se livrer au fameux Rat Game où plusieurs jeunes filles du public sont initiées sur scène à une séance de patins langoureux. Charnel et hypnotique à la fois. Bien entendu, les titres phares de la Miss ne sont pas en reste, "Time For Tea", "The Art Of Suicide", "Liar" et bien entendu "Fight A Girl" sont repris par les fans ; les deux surprises provenant de l’absence du monstrueux "Opheliac" sur la setlist et d’une seule chanson interprétée au violon électrique tandis que le clavecin est omni présent. Un changement lié à l’aspect mutant du projet.



Extraordinairement bien monté, sans jamais être surproduit (comme beaucoup de shows Américains) ; chiadé comme il faut mais laissant place à l’improvisation, la Diva industrielle a montré une fois de plus toute l’étendue de ses talents, mêlant imaginaire et vécu.
Nul doute qu’EMILIE AUTUMN aurait le potentiel pour remplir des salles plus grandes, mais elle préfère à n’en pas douter l’intimité que lui confère les petites structures, la proximité avec un public qui lui est tout acquis. Chapeau Mesdemoiselles.



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