La review

DEVIN TOWNSEND PROJECT + PERIPHERY + SHINING
La Cigale - Paris
05/03/2015


Review rédigée par Rapha3l
Photos prises par Axelle Quétier


On ne va pas se mentir : cette soirée me faisait sacrément baver. D’abord, je n’avais jamais vu un seul des groupes présents ce soir-là (ma première tentative pour découvrir DEVIN TOWNSEND en 2011 s’était conclue par l’incendie de l’Elysée Montmartre deux jours avant). Ensuite, le fait de participer à une soirée ayant vendu toutes ses places promettait un fort beau moment de communion musicale. La foule s’entasse, l’excitation grimpe et soudain les lumières s’éteignent...



SCHIZOPHRENIE
Les Norvégiens de SHINING rentrent en scène. Dès les premiers accords de guitares, c’est la transe : l’efficace "I Won’t Forget" nous plonge dans l’univers prog-bruitiste-industriel-jazzifié du groupe. Ce titre – le premier de leur dernière galette "One One One" – est peut-être une de leurs compositions les plus accessible et se révèle une parfaite entrée en matière. Il s’enchaîne sur le martial "The One Inside", une véritable bombe portée par la prestation captivante du guitariste Håkon Sagen – aux allures de boy-scout – et du leader Jørgen Munkeby. Le show est violent, frénétique et extatique : si la fosse reste un peu trop calme à mon goût (probablement abasourdie), je me déboîte la nuque avec plaisir. SHINING nous offrira également une superbe prestation de l’une des plus aliénantes chansons de son répertoire : "Fisheye". Déjà impressionnante en album, celle-ci ce révèlera absolument jouissive en live : un groove de batterie monstrueux, une mélodie de piano totalement barrée et surtout une voix scandant des paroles aussi obscures qu’obsédantes ("1, 3, 7, 5 never 4, never I, wheel turn, god's eye, thirteen, fish eye"…). L’instrumental "Healter Skelter" fera ensuite la part belle au saxophone chaotique de Jørgen, véritable marque de fabrique de ce groupe décalé issu du jazz. Si l’ensemble peut paraître un peu déconcertant pour les profanes, il ravira les passionnés. Le son est de très bonne facture et permettra au final "crimsonesque" et mastodontique de "21st Century Schizoid Man" de littéralement nous achever d’une grosse patate dans la figure.

Setlist : "I won’t Forget", "The One Inside", "Fisheye", "Healter Skelter", "21st Century Schizoid Man".



CONFUSION
N’ayant jamais vu PERIPHERY en concert et étant parfois dubitatif sur leur musique un chouïa bavarde, j’étais curieux de voir ce qu’ils allaient nous proposer en live. Le goûtu "Icarus Lives !" – l’un des meilleurs titres de leur premier album – lance les hostilités avec groove et… et… et c’est tout. Je déchante rapidement : les aspérités effacées par la superproduction des albums ressortent et ce qui est à la base pensé comme ressource harmonique devient un talon d’Achille : trois guitares et une basse, c’est le bazar ! Et de grâce, ne blâmons pas systématiquement l’ingénieur du son (même si ce dernier a peut-être une part de responsabilité). Le mur du son créé par les quatre instruments à cordes empêche toute possibilité de saisir la complexité et les nuances de la musique des Américains. Aussi, impossible de savourer des titres tels que "Make Total Destroy" ou "The Scourge". Les chansons du diptyque "Juggernaut" s’enchaînent dans un magma sonore pachydermique et on ne saluera que la coiffure et la prestation vocale impeccable de Spencer Sotelo (assez bluffant) ou la puissante batterie de Matt Halpern, sauvant les tubes que sont "22 Faces", "Psychosphere" ou "Alpha".

Setlist : "Icarus Lives!", "Make Total Destroy", "The Scourge", "Psychosphere", "22 Faces", "Ji", "Alpha", "Graveless".



HUMANITE
C’est un Devin Townsend accueilli tel un messie qui entre sur la scène de la Cigale. Les premiers accords de "Truth" résonnent et l’on pressent immédiatement que ce concert va être mémorable : l’homme est heureux d’être sur scène et cela se sent ! Il n’hésite pas à interagir avec le public, comme avec cet enfant assis sur les épaules de son père à qui il donne une attention particulière en plus d’un médiator. Si l’ombre de Ziltoid plane (de nombreuses animations de l’extraterrestre défilent sur les deux écrans en fond de scène), la setlist fait la part belle à l’ensemble de sa discographie. On se régale avec le heavy "Namaste" de "Physicist" (pogos en prime), l’épique "Night" de "Ocean Machine" ou le mélodique "Storm" de "Accelerated Evolution". Les titres issus de THE DEVIN TOWNSEND PROJECT sont tout aussi efficaces. Les riffs lourds et accrocheurs de "Addicted!" ou de "March Of The Poozers" font vibrer l’ensemble de la foule tandis que le timbré "Lucky Animals" pousse la salle à scander le refrain en secouant les mains comme des demeurés. A l’inverse, "Ih-Ah!", interprété par un Devin seul à la guitare, est un véritable instant d’émotion. Rares sont les artistes qui donnent le sentiment d’être encore meilleurs sur scène que sur leurs albums. L’aura du bonhomme est palpable et vient couronner une prestation musicale parfaite. Celui-ci distribue du bonheur à la pelle et transforme la Cigale en une marée de sourires. La foule est béate, les musiciens sont heureux, Devin Townsend se fend la gueule : tout le monde prend son pied et l’instant est magique. Et au final, on se prend une claque majestueuse. Si nous devions faire les bons chrétiens, probablement que l’on tendrait l’autre joue… Et qu’on en redemanderait !

Setlist : "Truth", "Fallout", "Namaste", "Night", "Storm", "Hyperdrive", "Rejoice", "Addicted!", "March Of The Poozers", "Lucky Animals", "Heatwave", "Life", "Christeen", "Ih-Ah!", "Kingdom".

Photos tirées de : www.facebook.com/axellequetierphotography