La review

ARCH ENEMY + WINTERSUN + TRIBULATION + JINJER
Le Bataclan - Paris
23/01/18


Review rédigée par Matthieu


L’une des grosses affiches de ce début d’année, c’est celle qui s’apprête à nous débouler dessus au Bataclan ce soir : ARCH ENEMY revient pour défendre "Will To Power", leur dernier album. Pour cela, ils ont convié leurs amis finlandais de WINTERSUN, mais aussi leurs compatriotes de TRIBULATION et les petits nouveaux ukrainiens JINJER. Mais il fallait sortir tôt du travail, puisque les portes ouvraient à 17h30 ! Après le contrôle de sécurité réglementaire, nous recevons le précieux sésame (qui ressemble à un visuel de hardcore, mais passons) et patientons près du pit photo.



Il est 18h pile lorsque les lumières de la mythique salle parisienne s’éteignent et que les musiciens ukrainiens entrent sur scène. Le pit photo s’agite tranquillement sur les réglages de dernière minute dus aux lumières qui s’annoncent catastrophiques, alors que dans la fosse c’est le calme plat. A peine quelque bras levés pour accueillir JINJER. Même lorsque Roman Ibramkhalilov (guitare), Eugene Kostyuk (basse) et Vladislav Ulasevish (batterie) se mettent à jouer une rythmique lourde et entraînante, très peu réagissent. Il faudra attendre l’arrivée de la chanteuse, Tatiana Shmailyuk, pour entendre les premiers vrais cris venant de la fosse. Le groupe ne perd pas une seule seconde, et démarre son show, malgré une fosse désespérément vide. Les poses de Tatiana ne sont pas sans rappeler celles d’Alissa White-Gluz (ARCH ENEMY), et des mouvements charmeurs succèdent aux hurlements parfaits que la jeune femme pousse en se courbant, telle une gymnaste. Arpentant tant bien que mal la scène (trois batteries, même sur la scène du Bataclan, ça prend pas mal de place mine de rien…), elle mène le show comme une vraie pro. Ne laissant aucun répit au public qui commence à peine à rentrer dans le concert, le groupe enchaîne avec une deuxième composition, aux lumières tout aussi catastrophiques. Les musiciens avancent et reculent sur les deux mètres carrés maximum qui leur sont alloués en headbanguant un peu lors de breaks ravageurs sous des flashs incessants. Un petit "We need to be quick" de la part de Tatiana nous informe que le groupe ne communiquera pas beaucoup ce soir, car ils disposent de moins d’une demi-heure pour jouer, et préfèrent nous envoyer leur groove metal aux accents metalcore autant qu’ils le peuvent. Le miracle se produit, et les lumières deviennent potables pour "Pisces", mais nous devons quitter le pit photo à notre grand regret. La fosse peine à se remplir, alors que la sensualité de Tatiana captive les premiers rangs, et le groupe entame (déjà) son dernier morceau. Le concert de JINJER se termine sous des applaudissements mérités, et le groupe disparaît pour laisser aux techniciens le soin d’enlever la première batterie pour désencombrer la scène.

Setlist : "Words Of Wisdom", "Sit Stay Roll Over", "I Speak Astronomy", "Just Another", "Pisces", "Who Is Gonna Be The One".



La musique d’ambiance reprend le dessus quand soudain, moins de dix minutes après la fin du concert précédent… Edith Piaf. Non, ce n’est pas normal, alors je choisis de jouer la sécurité en me ruant à nouveau vers le pit photo juste avant l’entrée en scène de TRIBULATION. Ne connaissant le groupe que de réputation, j’assiste avec stupéfaction à l’entrée en scène d’ Oscar Leander (batterie), qui s’installe derrière ses fûts, impassible, sous une lumière verte qui lui arrive en pleine tête. Adam Zaars (guitare) paraît ensuite, vêtu d’un costume de squelette, et il est suivi par Jonathan Hultén (guitare), son camarade filiforme et androgyne, dont la tenue évoque une danseuse orientale gothique. Johannes Andersson (basse / chant) débarque alors, une Rickenbacker à la main, et la première composition débute. Alors que je m’attendais à un black metal aux sonorités originales, c’est un mélange de blues, metal progressif et death atmosphérique qui s’élève alors dans la salle. La fosse, hypnotisée à la fois par la musique et le jeu de scène des musiciens, ne semble pas réagir. Les riffs psychédéliques des musiciens collent parfaitement avec les mouvements à la fois gracieux et dérangeants de Jonathan, alors qu’Adam pose au devant de la scène avant de repartir dans le fond, monte sur les retours, fais des grimaces au public… Johannes se dégage souvent de son pied de micro pour aller narguer les premiers rangs d’un côté ou de l’autre, jouant avec ses guitaristes, le tout sur des rythmiques sombres et intrigantes aux introductions glauques et inquiétantes. Les lumières servent à merveille la prestation, mais sont un cauchemar pour les photographes, tantôt sombres, tantôt flashantes, mais toujours avec ce souci de conserver l’atmosphère gothique qui s’échappe de la scène et contamine la fosse. TRIBULATION continue son set, les musiciens sont froids, distants et imperturbables mais charismatiques, et le public applaudit la performance à chaque fin de morceau. A l’annonce du dernier, la fosse est pleine aux trois-quarts, mais tous ne semblent pas convaincus par ce surprenant mélange entre Carach Angren et X Japan. Les derniers riffs résonnent alors sur la scène du Bataclan, et la note finale est précédée d’un jeté de baguette en l’air par Oscar qui la récupère pour une dernière frappe sur ses cymbales. Les présents semblent avoir apprécié, et le groupe les remercie chaleureusement tout en profitant des applaudissements.

Setlist : "Lady Death", "Melancholia", "The Motherhood Of God", "Suspiria De Profundis", "Nightbound", "Strange Gateways Beckon".



A ma grande surprise, la deuxième batterie reste sur scène, et quelques minutes plus tard, les lumières s’éteignent à nouveau. A l’entrée de Kai Hato (batterie), le public réagit au quart de tour. Hurlements de joie, supplémentaires lorsque Teemu Mäntysaari et Asim Searah (guitares) se positionnent de chaque côté de la scène, à proximité d’un pied de micro. Les trois musiciens (aidés de samples de basse, claviers et autres orchestrations, le bassiste, Jukka Koskinen étant absent pour maladie depuis quelques jours) débutent alors un titre du dernier album de WINTERSUN, sorti très récemment, avec un caméraman sur scène, occupé à filmer la prestation.
La folie s’empare alors de la fosse, mais ce n’est rien à côté de l’excitation lorsque Jari Mäenpää (chant) arrive à leurs côtés et commence à hurler avec une voix puissante. Ayant récemment abandonné la guitare en live pour se focaliser sur son chant, l’homme peut maintenant bouger librement, et il est heureux de nous le montrer. Son scream absolument parfait se mêle aux harmoniques de ses guitaristes sous la double pédale assassine de Kai, mais il est également surprenant de voir à quel point il maîtrise son chant clair. Les choeurs des deux guitaristes créent une alchimie tangible, qui ne fera que se renforcer au fur et à mesure du concert, lorsque les deux se rejoindront pour jouer côte à côté. Dans son excitation, Jari, qui joue autant avec le public qu’avec ses guitaristes en les pointant par exemple du doigt pour attirer l’attention de la foule vers eux lors de passages techniques, fait malencontreusement tomber le ventilateur de Teemu, mais celui-ci est bien trop occupé avec ses parties lead pour s’en soucier. Le trio vocal millimétré ainsi que la complémentarité des guitares rend les compositions beaucoup plus vivantes que sur album, et les rythmiques impitoyables des finlandais provoquent mouvements de foule suivis de phases de contemplation ainsi que headbangs frénétiques. Concernant la setlist, le groupe explore les trois albums qui composent sa discographie avec deux titres de chacun. Si tout le show est majestueux et d’une qualité exceptionnelle, voir Jari bondir dans tous les sens puis arriver avec une tasse de thé juste avant "Time", en nous demandant (en anglais dans le texte pour le jeu de mots évidemment) si nous avons le “temps d’écouter un morceau supplémentaire” est vraiment drôle ! En véritable maître de cérémonie, ce dernier n’hésitera pas à battre des bras au rythme des mélodies, solos et autres harmoniques ainsi qu’à faire crier la foule en se plaçant au plus près, alors que les guitaristes se font des blagues sur scène. Après les derniers riffs et quelques médiators qui volent vers la fosse, le groupe prendra le temps de faire une photo souvenir devant un Bataclan qui est finalement rempli.

Setlist : "Awaken From The Dark Slumber (Spring)", "Winter Madness", "Sons Of Winter And Stars", "Loneliness (Winter)", "Battle Against Time", "Time".



Lorsque l’ambiance musicale nous envoie d’un seul coup "Ace Of Spades" de Mötörhead, tout le monde sait ce que cela signifie. Le pit photo s’ouvre, ARCH ENEMY est sur le point d’investir la scène. C’est d’ailleurs Daniel Erlandsson (batterie) qui s’installe en premier sur la bande-son introductive, puis Michael Amott (guitare) qui a abandonné sa coloration capillaire rouge pour un noir de jais qui lui durcit le visage, Jeff Loomis (guitare) et l’imposant Sharlee D’Angelo (basse). Les cris de joie des fans leur parviennent et tous sourient, mais la foule ne se déchaînera vraiment qu’avec l’arrivée d’Alissa White-Gluz (chant), qui lance par la même occasion le coup d’envoi avec l’un des derniers singles du groupe, "The World Is Yours".
Les lumières rendent cette fois hommage au groupe, et si quelques flashs sont à déplorer, les spectateurs en ont pour leur argent avec un titre plus ancien, mais ô combien symbolique, et qui permet à la jeune femme d’effectuer quelques sauts sur scène : "Ravenous". Difficile de ne pas headbanguer en prenant des photos, mais la nouvelle tenue d’Alissa, plus sombre et décorée avec des studs et boucles en métal, attire les objectifs comme des aimants. Du côté de la foule, ça moshe sans discontinuer, certains hurlent les paroles, et les slammeurs commencent à arriver. Michael et Jeff se retrouvent au milieu de la scène, décorée de bannières aux couleurs du groupe, pour effectuer leurs parties lead dos à dos sous les acclamations de la fosse. Si Michael Amott fait réellement ça depuis vingt ans avec un imperturbable sourire sur le visage, Jeff Loomis a largement pris ses marques et il est presque impossible de dire qu’il n’est que depuis un peu plus de trois ans dans le groupe. Le show suit son court, avec des mouvements charismatiques et (un peu trop ?) millimétrés de la part de chacun, mais le pit photo ferme. Le groupe part, puis le décor change soudain juste avant "My Apocalypse" grâce à l’aide de deux techniciens qui enlèvent un drap du promontoire de la batterie. Michael revient sur le devant de la scène débuter le titre en duo avec Daniel, puis ils sont rejoints par le reste du groupe, tandis qu’Alissa fait des allers-retours en coulisses lorsqu’elle ne chante pas, avant de motiver la foule à la suivre sur le break mélodique. Elle nous apprend ensuite qu’elle aime énormément Paris, et que les concerts que le groupe donne à la capitale sont toujours exceptionnels. Elle vérifie ensuite qui connaît "Will To Power", pour l’aider à chanter sur "Blood In The Water". Sharlee, plus discret, maltraite les cordes de sa basse, Une réelle cohésion de groupe se fait sentir pendant l’enchaînement "You Will Know My Name" / "Bloodstained Cross" : les musiciens jouent entre eux, sourient, ils semblent tous réellement heureux d’être présents avec nous ce soir. De temps à autre, Jeff et Michael aident Alissa grâce aux micros situés aux deux extrémités de la scène pour quelques choeurs rapides comme sur "As The Pages Burn", mais c’est "Intermezzo Liberté" qui interpellera l’intégralité des spectateurs. Jeff et Michael sont tous deux seuls sur scène pour ce titre à la mélodicité extrême, et ce dernier en profitera pour jeter un de ses médiators à la foule à la fin. Alissa reviendra effectuer son petit rituel avec un drapeau noir à l'effigie du groupe pour "Dead Bury Their Dead", juste avant que Michael Amott n’offre un médiator à une petite fille qui a négocié avec l’agent de sécurité pour passer devant les barrières, le tout sous les yeux bienveillants de son père. "We Will Rise" déclenche une crise de sautillements générale dans la fosse, à la demande d’Alissa, et une fois le morceau terminé le groupe se retire.
Les musiciens reviendront bien vite pour un rappel de quelques titres : la merveilleuse "Avalanche", "Snow Bound" débutée par Jeff Loomis puis rejoint par Michael Amott dans l’effort, juste avant que la fosse ne se sépare d’elle même pour un wall of death magistral pour marquer l’arrivée de "Nemesis". Le concert se termine alors sur "Fields Of Desolation", l’instrumentale qui date des débuts des Suédois. Le groupe remercie alors le public qui les ovationne, puis distribue des dizaines de médiators aux premiers rangs. Alors que l’on pensait que la place d’honneur serait faite au dernier album, "Will To Power", elle est finalement réservée à l’album précédent, "War Eternal", mais les deux galettes occupent plus de la moitié de la setlist.

Setlist : "Set Flame To The Night" (sur bande), "The World Is Yours", "Ravenous", "Stolen Life", "The Race", "War Eternal", "My Apocalypse", "Blood In The Water", "No More Regrets", "You Will Know My Name", "Bloodstained Cross", "The Eagle Flies Alone", "Reason To Believe", "As The Pages Burn", "Intermezzo Liberté", "Dead Bury Their Dead", "We Will Rise".
Rappel : "Avalanche", "Snow Bound", "Nemesis", "Fields Of Desolation", "Enter The Machine" (sur bande).

Le public est conquis. JINJER a tout donné malgré un espace réduit et un set minimum, TRIBULATION nous a envoûtés grâce à leurs mélodies atypiques, alors que WINTERSUN nous a éblouis avec une claque monstrueuse autant en termes de prestation scénique et de qualité sonore, mais c’était à ARCH ENEMY que revenait l’honneur de nous relever pour nous cribler de riffs avant de nous asséner le coup final. Dommage que leur prestation soit toujours la même au fil du temps (c’était la quatrième fois pour moi, plus de surprises). Dans un public d'ARCH ENEMY, il y a plusieurs types de personnes. Le fan hardcore qui connaît toutes les mélodies et toutes les paroles, le fan torse nu qui slamme vingt fois, le spectateur qui profite simplement du show, et il y a ce père avec sa fille sur ses épaules. Une belle preuve de transmission de la passion de la musique, nourrie par des musiciens hors pair qui s’investissent totalement dans leur groupe.