Le groupe
Biographie :

Wayfarer est un groupe de black metal atmosphérique / folk metal américain formé en 2011 et actuellement composé de : Isaac Faulk (batterie / Blood Incantation, Lykotonon, Stoic Dissention, Stormkeep, ex-Centimani, ex-Abysmal Dimensions), Joey Truscelli (guitare, ex-Kitezh, ex-Belhor), Shane McCarthy (guitare / Lykotonon, Stormkeep) et Jamie Hansen (basse, chant / Lykotonon, Stormkeep, ex-Centimani). Wayfarer sort son premier album, "Children Of The Iron Age", en Novembre 2014 chez Prosthetic Records, suivi de "World's Blood" en Mai 2018 chez Profound Lore Records, de "A Romance With Violence" en Octobre 2020, et de "American Gothic" en Octobre 2023.

Discographie :

2014 : "Children Of The Iron Age"
2018 : "World's Blood"
2020 : "A Romance With Violence"
2023 : "American Gothic"


Les chroniques


"American Gothic"
Note : 16/20

"Ce qu’on a maintenant c’est un monde plein de puits de pétrole, barons de chemin de fer, voleurs de bétail et hommes d’entreprise. C’est cela le nouvel American Gothic", ces mots qui sont déclamés à la fin de "Black Plumes Over God’s Country" sonne comme une présentation de la vue qui s’offre à nous face à la quarantaine de minutes qui vient de s’écouler en compagnie de Wayfarer qui reviennent en 2023 pour son troisième album studio, plusieurs années après l’excellent "A Romance With Violence". Si cet "American Gothic" nous plonge toujours dans le même type d’ambiances musicales, il apparaît un peu plus décousu que son prédécesseur dans la continuité des morceaux qu’il propose. En effet, sur ce troisième opus, la formation semble plus dévoiler tout un panel de paysages et personnages qui vont venir peupler l’album et construire tout son visuel et son monde. Si ce concept est donc bien différent de l’approche plus linéaire, presque scénarisée, de "A Romance With Violence", il n’est pour autant pas moins séduisant et sait nous transporter dans cette univers poussiéreux et rustique de la vieille Amérique au temps de la ruée vers l’or tout en gardant ce qui fait l’identité musicale du groupe. Et à travers ces "portraits", car c’est ce à quoi s’apparente chaque morceau, une ambiance particulière se distingue et donne toute son identité à chaque morceau, de sorte que l’album fournisse une sorte d’exposition complète.

On trouvera donc beaucoup moins de morceaux qu’on pourrait qualifier "d’hybrides" comme "Masquerade Of The Gunslinger" ou encore "Vaudeville" dans le précédent album qui proposaient tous deux un mélange d’ambiances avec des passages en chant clair très calmes qui plongent ensuite dans la brutalité comme pour symboliser les différentes étapes d’un récit. Ici, ce sont des morceaux plus monolithiques dans leur direction qui vont se présenter avec d’une part ceux axés sur la violence pure comme "The Thousand Tombs Of Western Promise" ou "To Enter My House Justified" dans lesquels on aura pratiquement aucun chant clair et on fera face à un black metal pur et dur, accompagné par moments par un blast à la production juste massive et jouissive à laquelle on a rarement été habitués dans ce genre de production. C’est ainsi un portrait très violent qui est dessiné ici avec une mise en lumière désespérée de ce que l’avarice et la violence humaine ont amené sur des terres jusque-là vierges de tout conflit. On retrouvera également ce thème dans le morceau "The Cattle Thief" qui sera majoritairement axé sur un black metal cru et violent lui aussi.

Cependant, la formation n’abandonne pas ses influences country au profit d’un black metal purement violent et nous sert plusieurs morceaux beaucoup plus calmes avec un chant clair très en retrait, semblant presque teinté de regret et de nostalgie face à la désolation qui a pris place dans "A High Plain Eulogy" et "Reaper On The Oilfields". On trouvera également dans ces morceaux une guitare acoustique reprenant des tonalités appartenant directement à la musique country, rythmée par une batterie lente et traînante complétement à l’opposé du blast qui nous est servi dans les parties black metal. La fin de l’album se pose un peu plus comme un panorama de tout ce qui a été présenté au début, à travers les morceaux "Black Plumes Over God’s Country" et "False Constellation" on retrouvera un peu plus les ambiances distillées dans les albums précédents alliant passages calmes et déchaînement instrumental, le tout pour venir dresser une véritable toile de fond rassemblant tout ce qui a été présenté jusque-là, nous le mettant devant les yeux dans toute sa violence et sa saleté. Il se dégage une ambiance particulièrement mécanique et poussiéreuse de ces morceaux et il est assez impressionnant de contempler à quel point Wayfarer semblent surpasser l’art d’imager ses couches sonores tant on peut bien visualiser tout ce qu’il veut nous présenter dans chaque album. Le tout se retrouve avec des sonorités qui font que l’on distingue le groupe sans soucis et il est impossible de ne pas reconnaître ses compositions tant sa signature est singulière. La formation ne réinvente jamais et ne sublime même pas non plus son genre, elle se contente de le décliner avec brio sur un autre concept qui marche tout aussi bien que le précédent et parvient, sans rien changer à la formule, à tout de même nous faire ressentir un vent de fraîcheur dans ses compositions et dans le paysage black metal, ce qui constitue un sacre tour de force. On notera tout de même un changement sur le plan de la production qui, cette fois, et notamment dans les morceaux plus axés sur un black metal violent et viscéral, met la batterie beaucoup plus en avant que dans les précédents albums dans lesquels, sans être complétement effacée, elle semblait parfois trop discrète par rapport aux évènements. On la trouve en effet ici en pleine forme avec un blast absolument percutant que l’on pourrait assimiler à des impacts de balles à chaque coup de grosse caisse dans "Thousand Tombs Of Western Promise", ce qui, une fois de plus, vient parfaitement illustrer le propos d’une épopée sanglante teintée de morts inutiles sur la promesse d’une richesse pour ceux qui auraient le courage de tenter leur chance dans le désert sec de l’Ouest des Etats Unis.

"American Gothic" n’est pas qu’une œuvre musicale, c’est un tableau dont chaque élément nous est présenté d’une certaine façon avec des détails saisissants qui nous permettent parfaitement de visualiser ce que le groupe veut nous transmettre, pour finalement mieux visualiser la toile de fond dans son ensemble en fin d’album. Sans réinventer sa formule, Wayfarer réussit un nouveau tour de force à travers un album solide qui vient confirmer que le groupe possède une patte artistique qui lui est propre et qu’il sait la manier au fil des albums, on ne peut donc qu’attendre et espérer que la suite soit encore meilleure.


Praseodymium
Février 2024




"A Romance With Violence"
Note : 17/20

Au sein de black metal, les thèmes récurrents sont souvent la mort, le vide, le satanisme, la noirceur de l’âme et tout ce qui va avec. Avec l’arrivée de la branche black atmosphérique, on a pu voir émerger des thématiques moins morbides comme la nature ou l’histoire. Si la plupart des formations évoquent souvent des paysages naturels comme les forêts, les montagnes ou les lacs, assez peu vont aller parler des grandes étendues désertiques et sèches. Ce n’est pas le cas de Wayfarer qui nous parlent du "Wild West" et de son histoire depuis 2014 déjà. La formation est donc revenue en fin 2020 pour un nouvel album, "A Romance With Violence", récit d’une épopée en trois actes.

En effet, impossible d’appréhender l’album sans le considérer dans sa globalité, il est possible de constater cela rien qu’en regardant la construction de l’album : trois titres d’une dizaine de minutes, un de six qui fait office de deuxième partie du premier et le reste faisant office de transition. Le titre de l’album nous plonge aussi directement dans une dimension très narrative de la musique, à travers v on comprend rapidement qu’en plus de l’expérience musicale, on va avoir affaire à une structure très cinématographique de l’album, avec des apex et des retombées plus ou moins attendues. Et c’est totalement le cas, l’album commence par "The Curtain Pulls Back" qui se pose comme une véritable scène d’introduction. Léger et court mais sans pour autant perdre en efficacité, le morceau prépare le terrain pour l’action à venir dans les deux parties de "Gallows Frontier".

L’album est donc composé de trois gros morceaux qui se démarquent en étant les principaux pics d’intensité musicale même si ces derniers sont eux-mêmes composés de hauts et de bas. Il convient cependant de remarquer que tous ces morceaux ont une dimension propre qui permet de voir évoluer la forme que le récit prend. Dans "The Crimson Rider", on a affaire à une instrumentale plus rapide, plus brute, portée par un chant guttural sombre et caverneux donnant une impression très sûre et majestueuse. Ces morceaux mettent ainsi en relief une réelle confiance en soi du protagoniste de l’histoire qui va tendre à évoluer au fil de l’album pour être remise en question. On a affaire là à la suite directe de la scène d’introduction. Ainsi, aucune pause n’est faite dans cette scène d’exposition qui nous montre une réelle force. Même dans la partie moins brutale instrumentalement du morceau on a une guitare réduite à la condition d’instrument d’accompagnement pour une ligne de basse fortement mise en avant et qui traduit un réel rapport de supériorité à travers sa fluidité. "The Iron Horse", comme indiqué dans le titre, se présente comme la suite directe du morceau précédent et la conclusion du premier acte. Se caractérisant par un chant plus diversifié, on a la sensation de l’introduction d’émotions plus complexes qui pourrait ressembler à une problématique qui pourrait être posée, ce qui semble se confirmer à travers de nombreux trémolos bien plus désespérés qui semblent introduire une remise en cause de la confiance introduite dans le premier morceau.

Le morceau que l’on peut qualifier de central dans cet album est définitivement "Masquerade Of The Gunslinger". Beaucoup plus sinusoïdal dans sa forme, on alterne entre partie rapide avec riffs abrasifs, chant éraillé et les parties acoustiques, plus calmes, accompagnées par un chant clair et mélancolique. On se rend ainsi compte que c’est ce morceau qui correspond à toute la partie "d’errance" dans le récit, une période de doute rythmée par une action qui revient périodiquement, symbolisée par des apex de violence dans le chant et les instruments. "Vaudeville" vient faire office de conclusion à ce long récit, cette épopée, commençant par un riff très urgent, comme une ultime course poursuite, l’action finale, avant d’embrayer sur une partie beaucoup plus calme même dans les parties qui ne sont pas acoustiques. Beaucoup plus lent et posé, il est le symbole d’un apaisement lié à une retraite ou une rédemption. Les morceaux "Fire & Gold" et "Intermission" sont à cet album ce que la photographie est au cinéma, à savoir des périodes de contemplation très transitoires qui ne sont pas focalisées sur le récit mais bien sur l’image et ici sur tout ce qu’on peut s’imaginer à l’aide des sonorités et de ce qu’elles nous évoquent, avant de replonger dans l’action et un scénario plus complexe.

Ainsi, la formation américaine nous délivre un album digne d’un western musical, empruntant au format cinématographique, on a affaire à travers la musique à une véritable narration qui passe par toutes les phases classiques du récit. Si musicalement l’album ne révolutionne pas le genre, il n’a totalement pas à rougir et ne devient pas trop long grâce à l’évolution du récit qu’il dépeint.


Praseodymium
Février 2021




"World's Blood"
Note : 17/20

Quel plaisir d'être surpris quand on pense avoir fait le tour d'un style musical ! C'est le cas avec le nouvel opus de Wayfarer, "World's Blood", sorti chez Profound Lore Records. Le black atmosphérique des Américains a muté pour nous offrir une belle palette variée au travers de cinq titres.

On a ainsi le premier morceau, "Animal Crown", qui nous remue à coup de cavalerie épique dans une sombre forêt et ensuite un autre, "On Horseback They Carried Thunder", plus langoureux, amenant un petit côté stoner / doom que l'on ne soupçonnait pas. "The Crows Ahead Cry War" est très relaxant et nous emmène dans un univers aérien et lancinant avec des passages hypnotiques. On a ensuite une impression d'apocalypse encadrée qui nous ravit encore plus, pour finir sur une note plus nostalgique. Le quatrième titre nous laboure le crâne à grand renfort de riffs lourds et psychés bien brumeux, alors que nous allons vers une musique plus conventionnelle avec le dernier morceau, "A Nation Of Immigrants", qui est assez court et atmosphérique avec du chant clair. Que de rebondissements ! En effet, avec cet album, on n'a pas le temps de s'ennuyer tellement c'est varié et différent de ce que l'on entend d'habitude dans les autres groupes de black atmosphérique.

Tout l'opus est prenant avec beaucoup de richesse et de subtilité. Les riffs sont excellents, tranchants et même parfois groovy, et les growls, sans être transcendants, rajoutent de la profondeur à la musique. Il s'agit donc d'une belle réussite pour ce troisième album des Américains, qui est unique !


Nymphadora
Juin 2018




"Children Of The Iron Age"
Note : 17,5/20

Il y a des jours où le moral n’est pas là et d’un coup, tout va mieux. Cela peut être dû tout simplement à une belle découverte musicale, et c’est la cas avec Wayfarer en découvrant son premier album ! Après une démo en 2012 , ils nous offrent l'opus "Children Of The Iron Age", contenant 8 titres, chez Prosthetic Records.

Vous l’aurez compris, cet album rend enthousiaste et pour cause, il est excellent. Quand on lit les informations sur le groupe et que l’on lit : black atmosphérique / folk, on se fait une idée qui est en vérité plutôt loin de leur musique. En effet, au lieu d’être une pâle copie de tous les groupes de ce style, Wayfarer se démarque avec son propre son et sa personnalité. Avec des morceaux durant en moyenne 10 minutes pour une durée globale de plus d’une heure, l’opus aurait pu vite tomber dans le répétitif et traîner en longueur (surtout pour un jeune groupe). Mais au contraire, il passe relativement vite sans que l’on en perde une miette. Ils ont créé une musique directe, surtout grâce à la batterie martiale et au taquet, et aux chants gutturaux plus black ou death. Les guitares sont bien plus mélodiques avec souvent une tournure plus atmosphérique. Les titres sont ainsi entrecoupés de passages rapides et rentre-dedans, et d’autres plus courts et ambiants comme dans "Forest Ash By Dawn" ou "A Place Among Stars". Certains titres sonnent plus black metal que d’autres avec des riffs tranchants plus en avant. Le côté folk est souvent très léger sauf dans l’intermède "Stormcall" et dans "Skysong", le titre le plus long durant 15 minutes. Les compositions se révèlent alors bien plus épiques que folkloriques. On découvre au fur et à mesure l’étendue musicale et les différentes influences qui font vivre cet opus et on est surpris de trouver notamment dans "Toward Mountains" des touches doom et death. Cela donne un titre vraiment accrocheur et surprenant. Puis, il y a "The Elemental", c’est un titre plus planant mais énergique dans un esprit purement atmosphérique de qualité.

Quelle bonne découverte venant des USA ! C’est un album vraiment bien construit avec des titres variés et prenants. On ressent un énorme boulot pour un premier opus aussi bon !


Nymphadora
Décembre 2014


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/wayfarercolorado