Il aura fallu six années et une campagne de crowdfunding pour que W.A.S.A.B.I. acquiert cette maturité nécessaire à la réalisation d’un premier album, un délai pouvant paraître long mais nécessaire à la cohésion parfaite d’un groupe qui sait mieux que quiconque ce qu’une complicité à toute épreuve apporte dans la pérennisation d’un projet. Surtout que le sextuor n’a pas fait les choses à moitié, avec des membres tous issus de départements différents, la gestion d’un tel "melting potes" n’était pas gagné d’avance. En témoignent quelques changements de line-up, finalement sans gravité. Dopé après deux EPs très bien accueillis par la presse spécialisée, le combo a multiplié les expériences scéniques explosives, proche d’un Shaka Ponk, ce qui n’est pas étonnant au vu du style electro rock fusion proposé par le groupe.

Un mix de sonorités teintés de metal pour les riffs, de punk dans la rythmique et de hip-hop pour le phrasé de Damien. Même configuration qu’un Lacuna Coil mais style complétement différent, plutôt entre un Linkin Park première génération, Enter Shikari ou Body Count période "Born Dead"… Une énergie naturelle pour un combo qui doit beaucoup à la dualité des voix masculine / féminine, entre le chant agressif de Damien et la voix catchy de Charlotte, mais également à des samples élégants (la Dany’s Touch), jamais gratuits, habillant parfaitement les riffs inspirés de Vincent. Mais W.A.S.A.B.I. se dénote de la concurrence par d’énormes progrès réalisés au sein de la production. Des velléités avérées qui imposent une identité propre notamment par une batterie qui ne se la joue pas "drummer hero", offrant une homogénéité dans le mix, la construction des morceaux, et refusant toute facilité inhérente aux jeunes formations. Refrain accrocheur, groove imparable, alternance de titres en mid-tempo et déferlantes à la Suicidal, autant d’alternances refusant tout stéréotype.

Dès l’intro, à l'ambiance jeux vidéo et bandes dessinées, débouchant sur un premier titre punchy, "This Is A Call", qui devrait faire des vagues dans le pit, le combo annonce la couleur : toutes les influences suintant dans le premier EP aboutissent à des compos chiadées et riches en univers, à l’image de "Revolution" où chant rapé à la Cypress sur un tempo à la "Rollin’" de Limp Bizkit gagne en puissance grâce à une batterie particulièrement massive. La complémentarité des voix et le travail survitaminé des guitaristes sur le titre "Invade" nous rappellent les Beastie Boys, tout comme "Nothing" et son flow à la Fred Durst qui propose des variations rythmiques jouissives. Comparé aux précédents opus, Charlotte gagne ici en temps de présence au chant, notamment sur "Run", un titre conçu pour son chant clair et appuyé. "Back To Square One" offre une intro electro typée synthé aux sonorités vintage tandis que celle de "Step Away" est un clin d’œil non voilé au "Blind" de Korn. Le musclé "Was" est la démonstration évidente que l’on peut produire une fusion plus riche et intéressante que ne l’était celle des groupes de nu metal première génération (Pleymo, Enhancer…). "Breakout" clôture l’album sur ce que l’on pourrait qualifier de power ballad, histoire de démontrer que les Franciliens en ont sous le pied.

Au final, un premier album qui représente le renouveau d’un genre, un apport de fraîcheur doublé d’une réalisation qui frôle l’excellence, à l’image d’une pochette qui magnifie l’objet. A découvrir impérativement.

"W"
Note : 17/20

Une pilule de Mentos dans une cannette de Soda, c’est l’effet ressentit à l’écoute du deuxième EP de W.A.S.A.B.I., jeune formation francilienne qui, en à peine trois ans, a écumé nombre de salles parisiennes pour défendre une premier EP prometteur. "W" est donc le deuxième effort d’un groupe qui a le mérite de réchauffer l’ambiance en ce début d’année glacial. C’est bien simple, après les bombes Smash Hit Combo et Rise Of A Northstar, la fusion dans sa définition la plus noble fait son grand retour avec ce combo explosif et plein de fraîcheur, portant comme jamais les couleurs d’un groove abouti. Des références, il y en a dans ce rock electro aux riffs metal appuyés, duo de voix masculine / féminine alternant phrasés hip-hop et chant clair. Un dynamisme associé à un parti pris qui fait du bien, on pense inévitablement à un mix entre Infectious Grooves et Cypress Hill.

A commencer par le transcendant "Savage Is Our Name" et son intro clavier débouchant sur une gratte groovy avant que Charlotte, minuscule frontgirl au tempérament volcanique, n’assène le coup d’envoie d’un hip-hop offensif où la voix particulièrement catchy et maîtrisée de Damien, bassiste / chanteur, donne envie de pousser les murs pour jumper à tout-va. "Webzone" et son intro dubstep à la Shoot The Girl First est un titre particulièrement dansant où les progs vintage stylées San Ku Kaï (pour les plus vieux) cohabitent avec une voix hargneuse et fédératrice que les fans de KMFDM devraient apprécier. "7 Deadly" multiplie les styles avec son intro très metal indus (à la Deathstars), où Dany démontre une fois de plus ses capacités à instaurer un climax dès les premières notes. S’ensuit une compo stylée Muse, voire Billy Talent, au refrain acidulé. "Losts Souls", sous ses allures de ballade pop, peut se prévaloir de riffs constants et discrets, intelligemment mixés, conférant un certain volume à une composition classique, moins originale que le reste de l’EP, mais particulièrement bien produit. Cinquième et dernier titre, "Angel" et son power hip-hop en mid tempo, très BodyCount, sur lequel Charlotte couche sa voix douce, soutenue par la mélodie du clavier, distillant des accélérations lorsqu’on s’y attend le moins.

Un EP très mature, explorant différents genres avec une rare efficacité ; chaque membre apportant ses références, sa culture ; la rythmique des deux guitaristes et du batteur, la convergence de Charlotte et Damien dont l’anglais et vraiment très bon. Mention spéciale à Dany dont les mélodies et samples programmés sont distillés de manière homogène. Ce nouvel opus mérite donc d’être découvert, un côté punchy tout en maîtrise, des compositions riches en références, sans jamais tomber dans l’overdose, une production au petits oignons de Guillaume Mauduit.

Braindead Mars 2013