En référence à la nouvelle de Philip K. Dick datant de 1966 "Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?", le groupe de thrash breton Voight Kampff (rien à voir avec Mein Kampf) tire son nom de ce test qui permettait de reconnaître les humains des androïdes. On se rappellera plus facilement de l'adaptation cinématographique Blade Runner tirée de cette nouvelle, avec Harrison Ford et Rutger Hauer. Les plus jeunes d'entre nous n'aurons pas connu cet excellent film soit dit en passant vu qu'il date tout de même de 1982. Et donc ce premier album "More Human Than Human" est un concept album basé sur ce thème. Le rendu musical que propose Voight Kampff rend parfaitement bien cette image artificielle, dans le sens robotique et non naturelle, que le groupe veut faire passer à travers ce premier album d'une durée de quarante-trois minutes environ pour douze titres. Le design du digipack, accompagné du booklet dont on peut découvrir à l'intérieur des photos qui rappellent les vues de nuit de Los Angeles lorsque le policier chasse les replicants, plus les paroles, aident fortement à se situer dans le thème de la nouvelle et à se plonger dans le monde artificiel. A l'intérieur de l'album, d'ailleurs Voight Kampff a inséré des samples du film si je ne m'abuse pour intensifier encore plus la plongée et aider l'auditeur à s'imprégner du concept. Ces samples sont au nombre de cinq, et peut-être que, vu que les sept vrais titres de l'album sont assez longs, cela a aussi bien aidé à raccourcir la durée de l'album. Donc ingénieux, facilité ou côté pratique ? Je ne sais pas, en tous les cas c'est synthétique.

Il s'agit ici d'un thrash metal très technique, dont les influences sont assez diverses mais pour lesquelles on reconnaîtra principalement par la facette technique et aussi très froidement glaciale, les Suisses de Coroner. C'est une inspiration qui se sent dans la manière de compliquer les morceaux et de rendre la technique sans "chaleur humaine", je veux dire impassiblement comme Coroner savait le faire. On peut entendre ça sur "Dangerous Days", plus particulièrement dans les premières minutes du morceau, mais même dès "Cityscape Horizon" qui rappelle la noirceur des albums "R.I.P" et "No More Color", on s'aperçoit rapidement de la référence.

Malgré tout, Voight Kampff joue dans son thrash technique de nombreux passages plus traditionnels, ce que l'on peut trouver plus dans le thrash des années 80's. Les riffs de "Emotionnal Response" sont par moments plus préposés à passer dans un thrash rentre-dedans, rapide et agressif délaissant un peu la technique pour balancer des rythmiques plus violentes et laisser la place à des passages plus aérés qui laissent la part belle à la basse d'ailleurs. Indépendamment de ça, dans chaque titre il y aura toujours une envolée de guitares avec des riffs à foison ; complexes et harmoniques bien que redondants pour montrer le talent indéniable de ses compositeurs. Les écritures d'un titre comme "Emotionnal Response" laissent tout de même un arrière-goût de jalousie, quand on entend la longueur des solos harmonieux qui descendent et qui remontent du manche sans jamais s'arrêter pendant de longues minutes on se sent tout petit. Dans ce style complexe qui parfois nous fait perdre le fil du morceau, je veux dire la compréhension de celui-ci, Voight Kampff se rapproche un peu de Chryseis. C'est à dire que c'est totalement technique et que ça inspire le respect, mais parfois, cela fait plaisir plus à son créateur qu'à l'auditeur.

Et enfin, à côté de toutes ces références thrash, on peut aussi relever que lorsque les morceaux commencent à partir sévèrement dans un virage brutal, ils arrivent à se rapprocher du death metal par leur intensité, ce qui est plus accentué grâce aux vocaux de Ramon qui viennent chercher et titiller la scène guttural death, même si souventes fois ils sont appuyés par des choeurs typiquement thrash sur les hurlements de refrains. Ce qui nous ramène en l'occurrence à la référence thrash plus traditionnelle de tout à l'heure.

Pour vous prouver que Voight Kampff sait jouer, ils ont aussi écrit quelques passages proches du groupe de Chuck Schuldiner, Death, avec "Dangerous Days" ou "World War Terminus" dont le début du morceau rappelle des titres comme "Midnight Mountain" ou "The Philosopher".

C'est un album froid, c'est vrai, il ne possède pas forcément de passages qui agrippent totalement l'esprit, mais chaque chanson est époustouflante de difficulté d'exécution et les harmonies plus les solos sont toujours superbement placés. Les deux titres qui auront absolument rallié mon esprit à la cause de Voight Kampff sont définitivement "In The Name Of God" et "World War Terminus" tellement complexes dans leur approche, avec des vocaux sur le "In The Name Of" qui font frémir de plaisir, avec une maîtrise parfaite vraiment similaire à Coroner époque "No More Color" pour "World War Terminus", avec des longueurs de passages lead guitare outrageusement splendides, des solos interminables et mélodiques qui en donnent la chair de poule pour les deux morceaux.

En fin de compte, si l'album ne paye pas de mine au départ on se rend compte qu'à l'arrivée c'est une petite pépite qui vaut son pesant d'or, avec laquelle on prend plaisir à redécouvrir le thrash technique. C'est un peu dommage que le son (enregistré au Studio 13 à Quimper par Yvan Le Berre) bien que correct n'eut pas été plus puissant sur l'ensemble. Alors pour la modique somme de 6 euros (oui vous avez bien lu) il serait sincèrement dommage de passer à côté d'un album d'une qualité aussi impressionnante.