Le groupe
Biographie :

Ulver est un groupe norvégien fondé en 1993. Le chanteur Kristoffer Rygg, alias "Garm", est le seul membre du groupe ayant participé à l'intégralité de la discographie d'Ulver. Le style musical d'Ulver a énormément évolué depuis sa fondation. Le groupe pratiquait aux débuts des années 1990 un black metal satanique, très violent et très cru comprenant de nombreux passages dark folk. Après une trilogie d'albums consacrés à ce style, le groupe change quelque peu d'orientation en 1998 à l'occasion d'un album-concept consacré à la poésie de l'auteur britannique William Blake. La musique électronique fait alors son irruption dans l’œuvre d'Ulver. L'année 1999 voit le groupe amorcer un changement radical, puisque le groupe abandonne définitivement le monde du metal extrême et devient un groupe de musique avant-gardiste, aux confluents du trip hop et de l'ambient. Ulver n'a - quasiment - jamais donné de concerts entre 1993 et 2009. Il s'agissait d'un groupe uniquement studio. Le groupe a mis fin à cette pratique en donnant ses premiers concerts en 2009 et en continuant depuis de partir en tournée en Europe.

Discographie :

1994 : "Bergtatt - Et Eeventyr i 5 Capitler"
1995 : "Kveldssanger"
1997 : "Nattens Madrigal - Aatte Hymne Til Ulven i Manden"
1998 : "Themes From William Blake's The Marriage Of Heaven And Hell"
2000 : "Perdition City"
2005 : "Blood Inside"
2007 : "Shadows Of The Sun"
2011 : "Wars Of The Roses"
2013 : "Messe I.X–VI.X"


Les chroniques


"Messe I.X–VI.X"
Note : 19/20

A l'écoute de "As Syrians Pour In, Lebanon Grapples With Ghosts Of A Bloody Past", premier titre de ce dernier album d'Ulver, j'ai immédiatement repensé à la poignante Symphonie N°3 de Gorecki... le groupe ne s'en cache pas et revendique le chef d'œuvre de ce compositeur polonais très religieux, qui se serait inspiré d'une prière à la vierge Marie retrouvée sur les murs de la cellule d'une prisonnière polonaise à Zakopane, durant l'occupation nazie.

Ce dixième album d'Ulver est en fait une commande du Tromsø Kulturhus, en collaboration avec l'Arctic Opera And Philharmonic Orchestra. On devine alors l'excitation de Garm et ses sbires à relever un tel défi : l'écriture d'une "Messe". Composé de six titres, cette pièce musicale electro / symphonique enregistrée à cette occasion avec le Tromsø Chamber Orchestra, ne craint pas d'utiliser tous les ressorts dramatiques empruntés à différents genres musicaux. Il n'y a qu'à entendre (toujours sur "As Syrians..."), ce violon aux accents Yiddish, pénétrer un fourmillement sonore où l'on discerne comme des loups hurlants. Le climat est pesant, triste et pourtant on se sent plonger dans une introspection bienveillante, protectrice. Le piano se fait minimaliste, les bidouillages electro soutiennent cette ambiance tour à tour angoissante et romantique, tandis que le violoncelle ronronne en boucle un motif dans la tradition d'un Steve Reich. Avec "Shri Schneider", le second titre, on entre dans un univers plus ambiant/electro qui n'est pas sans rappeler le krautrock des 70's de Tangerine Dream.

Indissociable des deux premiers titres, "Glamour Box" continue dans cet esprit krautrock à base de claviers séquencés, de quelques notes de piano timide. C'est planant, expérimental, jusqu'à l'arrivée de violons. Le thème est angoissant, répétitif, comme s'il y avait urgence... le morceau se termine dans une ambiance plus orchestrale. Avec "Son Of A Man" et son intro à la Haendel, Ulver continue de nous faire voyager à travers les âges. S'adressant à la figure du Père (dans le sens religieux), la voix de Garm manifeste toujours autant de profondeur, mêlée cette fois ci à, des remords, de la tristesse. On le retrouvera dans le dernier morceau, le magnifique "Mother Of Mercy", où la figure de la Mère est alors sollicitée pour consoler, tel une prière, le chant y est une nouvelle fois de plus, déchirant de sincérité. Ce morceau nous sort du cauchemar "Noche Oscura Del Alma" avec ses dissonances, l'utilisation de chants de l'après guerre, cette voix pitchée borderline qui rappelle l'ambiance moite du film d'Alan parker Angel Heart.

Avec "Messe I.X–VI.X", encore une fois, Ulver se joue des époques, des styles musicaux qu'il maitrise comme personne, pour servir au mieux une œuvre introspective passionnante à échelle humaine.


Boris
Octobre 2013




"Wars Of The Roses"
Note : 14,5/20

Il est loin le temps où Ulver faisait partie des groupes phares émergents d'un black metal personnel, cette fameuse trilogie qui est restée à tout jamais dans le patrimoine musical non seulement norvégien, mais aussi mondial je pense... Si les quatre années principales de 1993 à 1997, ont été la pierre angulaire d'une carrière ascendante, on sait très bien que c'est fini depuis longtemps, et Ulver s'est tourné petit à petit vers un courant avant-gardiste, électronique et ambient. Un courant musical qui malgré tout a su charmer une horde de fans qui sont restés fidèles au groupe, car force est de constater que les albums "Blood Inside" ou "Shadows Of The Sun" restent des monstres sacrés de la grande musique, celle qui nous transcende par sa beauté, celle qui nous fait réaliser la grandeur de l'humanité, celle qui nous laisse réfléchir....

Mais tout n'est pas si simple, tout n'est pas si beau, car si "Shadows Of The Sun" peut faire tomber des larmes de plénitude, ce "War Of The Roses" est tout de même loin de nous procurer les mêmes sensations. En effet les vibrations quasi introspectives que l'on pouvait découvrir sur "Shadows.." se sont transformées en quelque chose de plus urbain. Sans doute est-ce cela qui déjà a joué sur la longueur de l'album, car dépassant cette fois les quarante minutes, avec un bon trois quarts d'heure, où Ulver n'a pas voulu réitérer l'expérience presque métaphysique de l'album précédent.

On découvre cette fois-ci un album surprenant, mais pas pour autant réellement prenant. La manière dont sont présentés les titres, et je parle des intitulés, non pas du contenu musical, nous laisse à penser que l'optique de ce nouvel album est de mettre en avant un aspect plus terre à terre des choses plus humain, plus social sans doute. Avec des titres tels que des mois de l'année, des noms de pays et autres choses relativement matérielles et mathématiquement "indiçables", on ne se laisse pas transporter dans un vague à l'âme insaisissable immédiatement... Pour le coup, une fois de plus Ulver ne s'est pas laissé encerclé par la lassitude, ou par l'habitude et ils y ont préféré tenter encore quelque chose de déstabilisant, nettement plus contemporain, avec cette fois-ci une facette avant-gardiste plus en avant. C'est le constat que l'on s'impose à l'écoute de "February Mmx", chanson très répétitive, très pop electro, suivie de près par "Norwegian Gothic" qui lui sert de suffixe ambient avec des réminiscences Pink Floydienne...

Certes il ne faudra jamais s'attendre à quelque chose de facilement palpable, maintenant lors de chaque nouvelle production d'Ulver. Mais il faudra tout de même arriver à "Providence" pour retrouver cette fascinante et déconcertante aptitude pour la création divine. C'est bien là une chanson qui nous redonne les frissons dont nous étions partis à la recherche en début d'écoute de l'album, des frissons que nous pensions évaporés. Mais non, c'est sur une base un peu trip-hop au groove quasi soul, où une fois encore la présence de la chanteuse de R&B Siri Stranger fait son effet. Chanteuse qui avait déjà été invitée par Ulver auparavant et dont la sirupeuse voix apporte une doucereuse volupté au morceau. Mais il serait tellement impoli de ne pas parler non plus de la participation de Attila Csihar (Mayhem pour ceux qui ne savent pas), au chant également. Aux allures presque néo-classiques parfois, ce morceau n'est pourtant pas le plus long de l'album, mais il marque malgré tout un genre de mi parcours sur la totalité de l'oeuvre.

C'est certainement le déclic qu'il fallait pour bien lancer l'album, et enfin lâcher un savoir faire electro pop art, avec des thèmes plus complexes et des accélérations plus agressives telles que sur "September IV". En fait avec ce "War Of The Roses" on se rend compte qu'il s'agit d'une continuité de la progression intellectuelle d'Ulver, compromis obligatoire entre passages incontournables et fédérateurs d'aérations planantes plus proches de "Shadows..." avec "Island" notamment, mais aussi avec l'ajout de nouveautés plus glauques en fait grâce à des morceaux tels que "England".

Cette guerre des roses, se basant certainement sur l'histoire et les batailles qu'il y a eu en Angleterre au Xvème siècle, nous montre de nouveau quelque chose d'étrange et de complémentaire chez Ulver. Ce n'est certainement pas leur meilleur album, mais la poésie est toujours là. Cette poésie d'ailleurs qui pousse Daniel O'Sullivan à nous narrer un texte de Keith Waldrop, un poème écrit en 1997, "Stone Angels", afin de terminer l'album sur une touche très mélancolique. Album touchant malgré tout, avec une pléiade d'invités tant aux vocaux que pour les instruments aussi divers et variés, réalisés aux côtés de John Fryer (Depeche Mode, et les merveilleux Cocteau Twins), même si l'on n'est pas touché par la grâce divine à la sortie de l'écoute de "War Of The Roses", il n'en reste pas moins qu'on n'en ressort pas indemne.


Arch Gros Barbare
Juin 2011


Conclusion
Le site officiel : www.jester-records.com/ulver