Lors d’un après-midi quelque peu brouillasseux, et après ma traditionnelle sieste dominicale, je m’interrogeais silencieusement sur le sens de la vie et d’autres sujets philosophiques tels que "Pourquoi ne pas tout plaquer pour un tour du monde en caravane vintage ?". À vrai dire, l’idée intrépide de vivre dans la peau d‘un Raphaël et d’esquisser quelques notes au pif sur un manche acoustique m’a déjà parcouru plusieurs fois l’esprit avant de me paraître complètement incongrue. Et une nouvelle fois, c’est ce qui se passa. En effet, la vision d’esquinter mes cordes vocales en brayant des paroles niaises d’abandon a souvent raison de toutes mes soudaines ardeurs manouches. Au diable donc les frères Lopez, les fêtes foraines et le siphonage d’huile sur une aire d’autoroute où roucouleraient deux ou trois amants d’un soir. Puisqu’ici nous parlerons "Gateways" et The Vintage Caravan.

Et puis, c’est moins risqué de causer rock 70’s psychédélique que d’essayer de chouraver de l’électricité aux frais de sa majesté sur quelques lignes à haute tension. Détails de genres et d’appartenances culturelles à part, "Gateways" se veut être le quatrième opus des Islandais de The Vintage Caravan. Le plus ironique dans tout cela est qu’en plus d’avoir humilié les Anglais lors de l’Euro il y a quelques années, les Islandais se permettent désormais de les reprendre en termes de musique. De là, "Gateways" a tous les arguments du bon disque de rock’n’roll : des riffs entraînants aux soli dansants, de la voix douce et roucoulante aux refrains efficaces et langoureux ("All This Time", "The Way", "Nebula").

Et ce "Gateways" commence par une "intro" qui te donne immédiatement envie de te transformer en Walter White et d’inhaler toutes sortes de drogues et autres substances psychédéliques ("Set Your Sights"). Même s’il est loin de résonner dans les pas d’un certain "Gateways To Annihilation" et de sa brutalité sans fin, "Gateways" contient également des galopades rythmiques plus effrénées, notamment sur "Reflections". Mais pour la suite, c’est bien dans un mid-tempo que s’inscrit "Gateways", oscillant ainsi entre électrique et acoustique, effets guitaristiques et effets psychotropiques ("The Chain", "Tune Out", "Reset").

Parfaitement taillé dans l’essence même des années d’or qui ont vu vieillir dans la fleur de l’âge Françoise Hardy et Annie Cordy, soit de 1965 à 1979. Et cela fait bien plaisir de sentir une vague de jeunes fanfarons rejouer des airs bien connus des anciens. "Gateways", quant à lui, permet de ressortir de son écoute presque aussi stone qu’après avoir arpenté les couloirs d’une exposition consacrée à Dali et aux stroboscopes trop épileptiques. Alors oui, encore et toujours du "revival hard rock 70’s", mais du "revival hard rock 70’s" bien foutu !

La grosse blague revival du glam rock semblant heureusement s’essouffler, un style beaucoup plus respectable semble pérenniser et cette fois pour le meilleur : une vague rendant hommage aux origines d’un genre, non pas en le copiant vulgairement mais en sublimant un son très 70’s par une prod' des plus modernes. De jeunes formations comme Scorpions Child ou Blue Pills, pour ne citer qu’elles, rivalisent désormais avec les mastodontes belges de Triggerfinger, proposant des albums très inspirés. De cette nouvelle vague, un groupe fascine car originaire d’Islande, un pays qui a vu naître d’autres ovnis musicaux, mais également en raison de l’âge du trio, à peine sorti de l’adolescence.

Créé en 2006, The Vintage Caravan annonce la couleur par un artwork chiadé, gonflé au LSD. Proposant un rock psychédélique, entre hard prog et blues, le trio s’est rapidement fait remarquer par ses deux premiers albums, au point de signer avec Nuclear Blast pour ce troisième opus sobrement intitulé "Arrival" (peut-être une réponse au précédent baptisé "Voyage"…). Dix titres sous forme d’un "back to the future" vers l’âge d’or du rock mais là où les Islandais frappent fort, c’est en réhabilitant le genre tout en se créant leur propre identité musicale. Les vocaux d’Oskar impressionnent tout comme son jeu à la guitare, en totale osmose avec ses compos, le frontman est soutenu par une basse judicieusement mise en avant, comment c’est le cas sur ce genre de prod', et une batterie cadencée qui donne à l’ensemble un son vraiment "loud". Groovy ou revendiquant un prog travaillé aux relents de doom, surtout dans les vocaux, on pense à Sabbath, à Purple, mais également à Billy Gibbons sur les parties de riffs très électriques et gras à la fois, une massivité surprenante mais rock’n’roll comme il se doit, surtout quand Oskar choisit d’arrondir les angles pour nous livrer une presta digne du grand Hendrix.

Le combo n’invente peut-être rien et ce n’est d’ailleurs pas son ambition, plus soucieux d’apporter sa pierre à l’édifice d’un genre qui l'a musicalement construit malgré son jeune âge. De la pure musique de graisseux, un album réussi de bout en bout, une cure de jouvence assumée et jouissive qui devrait rapidement devenir le "must have" de l’été.