"Hymns From The Apocrypha"
Note : 19/20
Suffocation n’a rien perdu de sa toute-puissance. Depuis 1988 et malgré une courte pause
entre 1998 et 2002, le groupe mené à présent par Terrance Hobbs (guitare, Castrofate,
ex-Criminal Element), Derek Boyer (basse, ex-Criminal Element, ex-Decrepit Birth,
ex-Disgorge, ex-Dying Fetus…), Eric Morotti (batterie, Castrofate, ex-Killitorous),
Charlie Errigo (guitare, The Merciless Concept, ex-Pyrexia) et Ricky Myers (chant,
Cinerary, Disgorge, Sarcolytic) est reconnu comme l’un des meilleurs groupes de
brutal / technical death metal. En 2023, ils annoncent la sortie d’"Hymns From The Apocrypha",
leur neuvième album studio, qui est le premier sans leur vocaliste emblématique, Frank
Mullen.
Dès "Hymns From The Apocrypha", le premier titre, le groupe frappe incroyablement fort avec
une rythmique massive, des hurlements féroces et surtout un mix absolument parfait qui
rend chaque instrument audible. La basse claquante, le blast, le chant et les guitares
tranchantes savent parfaitement ralentir pour créer des passages étouffants avant
d’accélérer à nouveau pour laisser le solo exploser, puis le groupe revient à sa vitesse de
croisière en nous menant à "Perpetual Deception" qui profite de patterns saccadés pour
placer ses furieuses pointes de technicité. Le groupe surprendra avec une seconde de
temps mort, mais les frappes déferlent à nouveau très vite sur nous, notamment avec le
break final apocalyptique qui ne s’arrêtera que lorsque "Dim Veil Of Obscurity" et ses
influences old school travaillées prendra la suite. La guitare lead entêtante pioche ses
influences dans un heavy motivant, créant un véritable contraste avec la base surpuissante
qui nous écrase jusqu’à ce hurlement final avant de nous lâcher sur "Immortal Execration" qui
adopte une atmosphère assez majestueuse pour délivrer sa lourdeur, avant de laisser les
musiciens repartir à pleine vitesse. Les leads ressortent à nouveau du mix, offrant un rythme
différent à ce monolithe de violence qui va une fois de plus nous souffler avec sa mosh part
finale, avant que "Seraphim Enslavement", le premier titre dévoilé, ne frappe à son tour.
Outre
le clip vidéo aux allures de jugement dernier, cette composition reste très solide et alterne
également les passages écrasants avec des moments de haute complexité, tout comme le
fera "Descendants" qui intègre aisément des éléments dissonants et inquiétants tout au long
du morceau. On notera également l’approche martiale très agressive du groupe, qui ne
ralentit la cadence que pour frapper encore plus fort et plus lourdement, laissant le rôle
principal au solo déchirant avant d’enchaîner avec "Embrace The Suffering" qui n’est
clairement pas le morceau le plus calme et qui n’hésite pas à mêler ses riffs enflammés aux
vociférations monstrueuses ainsi qu’au rouleau compresseur qu’est la batterie. "Delusions Of
Mortality", le titre le plus court, ne perd pas une seule seconde pour déverser toute sa fureur,
avec une fois de plus une originalité du côté du solo pendant que la rythmique nous martèle
en permanence, avant de laisser "Ignorant Deprivation" clore l’album de la même manière
qu’il a commencé, laissant la violence brute de chaque instrument rencontrer des patterns
travaillés et sombres dans un seul et unique but : l’annihilation totale, comme il l’était déjà
trente ans plus tôt sur "Breeding The Spawn".
Ce nouvel album de Suffocation était très attendu au sein de la scène death metal, toutes
branches confondues. Sans surprise, il ne faudra que très peu de temps avant qu’"Hymns From The Apocrypha" n’apparaisse dans tous les tops de l’année, tant cet album est violent et
minutieux.
"...Of The Dark Light"
Note : 17,5/20
Je cherchais depuis quelques minutes une phrase pour vous présenter Suffocation, et en fait j'ai arrêté. Pourquoi ? Parce que si vous avez une fois dans votre vie écouté du death metal, le nom ne vous est pas inconnu. Qu'on aime ou qu'on aime pas, le groupe new-yorkais règne sur le monde du death technique depuis 1988. Même leur pause de 1998 à 2002 n'a pas entaché leur réputation ! Frank Mullen (chant, seul membre d'origine) s'est rapidement entouré de Terrence Hobbs (guitare, également présent dans Criminal Elements et Deprecated) en 1990, mais le line-up a subi énormément de changements. En 2004, le poste de bassiste est pris par Derek Boyer (jouant aussi avec Criminal Element, Deprecated, ex-Decrepit Birth, ex-Deeds of Flesh, ex-Disgorge, ex-Dying Fetus, ex-Vital Remains), et c'est en 2016 que les places de batteur et de deuxième guitaristes sont attribués respectivement au jeune Eric Morotti (Killotorous) et à Charlie Errigo (The Merciless Concept, ex-Pyrexia, ex-Internal Bleeding). Huit albums et deux EPs au total, c'est pour nous présenter "...Of The Dark Light" que Suffocation revient distribuer ses bûches. J'espère que vous avez la nuque solide...
L'album commence avec le titre le plus violent et entraînant qu'il contient : "Clarity Through Deprivation". On retrouve alors les blasts sur des riffs assassins et variés, mais surtout le growl caverneux de Frank Mullen. Ecoutez-moi ce refrain... Le son si lourd et caractéristique de Suffocation n'a absolument pas pâti du changement de line-up, et il en est de même pour "The Warmth Within The Dark". Ce deuxième morceau confirme largement ce que je vous disais : Suffocation est de retour pour de bon ! "Your Last Breaths" se veut quelque peu plus atmosphérique que d'habitude, mais qu'importe ! La technicité est la, la basse se distingue clairement des autres instruments et c'est un plaisir d'entendre de nouveaux titres du combo de Long Island ! Une arrivée lointaine pour "Return To The Abyss" qui prendra de l'ampleur après un break bien senti pour un solo dantesque, alors que "The Violation" viendra nettoyer une fosse trop compacte. Le titre n'a absolument aucun temps mort, et les moshers risquent de s'en donner à coeur joie. Le mix est d'excellente qualité, ce qui permet encore une fois d'entendre distinctement chaque instrument, ce qui apporte un vrai plus. Nouveau brûlot technique, le titre éponyme qu'est "Of The Dark Light" fera son effet auprès des fans de son plutôt moderne. Bien qu'uniforme avec le reste de l'album, il semble que ce titre soit un peu différent des autres. On repart sur les chapeaux de roues avec "Some Things Should Be Left Alone" et ses blasts dévastateurs, alors que la rythmique semble se simplifier un peu tout en restant très efficace, tandis que "Caught Between Two Worlds" ralentira le tempo pour se permettre de jouer sur les harmoniques. Le dernier titre de l'album, "Epitaph Of The Credulous", fera rebasculer les fans de la première heure des années auparavant. La basse est clairement mise en avant sur cette composition, qui est littéralement un monstre de technicité. Même si le titre ralentit vers la moitié, il reste d'une technicité imparable. Vous fantasmiez sur les vidéos des enfants prodiges ? Eh bien écoutez Suffocation et réévaluez vos critères.
Convaincus ? Ah pardon, vous l'étiez déjà... Dès le premier extrait, les critiques négatives ont commencé à pleuvoir car Suffocation ose innover un peu tout en gardant les racines qui les ont fait connaître. J'ai attendu avec difficulté d'avoir l'album entier pour juger de quoi que ce soit, et je ne suis clairement pas déçu... Le Motocultor est votre prochaine scène française, et vous m'y verrez !
"Pinnacle Of Bedlam"
Note : 15/20
Oreilles chastes, fuyez… Les pionniers du brutal death sont de retour avec leur septième album en vingt-trois ans de carrière sans compter une multitude de EPs et démos.
Le brutal death est peut-être le genre le plus difficile à chroniquer, tant les "surprises" sont peut nombreuses et le couillu semble tomber aux oubliettes ; à l’exception de formations comme Cerebral Bore, Aborted ou encore Benighted qui réussissent à apporter le second souffle dont le genre à besoin.
Suffocation, en qualité de précurseurs, se revendiquent des Cannibal Corpse, Krisiun et autre Dying Fetus ; une œuvre sans concession, aussi douloureuse qu’un uppercut mal placé, à l’image d’"Human Waste", la référence des New Yorkais.
Qu’importe si le combo a splitté au début des années 2000, qu’importe si l’album de la reformation a déçu, Frank Mullen et son gang ont persévéré jusqu’à ce "Pinnacle Of Bedlam", prouvant s’il le fallait, que la voix du mythique frontman est loin d’être aussi fatiguée que celle d’un CorpseGrinder ; rien que pour ça l’objet mérite une attention toute particulière.
Blast à mort, riffs linéaires et acérés, gutturaux intra pulmonaires, refrain réduit au minimum mais technique hyper chiadée incluant des saccades et variantes rythmiques et vous obtenez le produit type du New York Death Metal. Pas de doute, Suffocation est de retour, quatre ans après "Blood Oath", album imparfait mais annonciateur d’un renouveau dont l’accouchement s’est produit début 2013.
Tout comme "Cycles Of Suffering", "Purgatorial Punishment" s’inscrit dans la ligne directrice artistique que le combo s’est fixée, ouvrant sur une petite mélodie qui n’est pas sans faire penser aux Contes de la Crypte, couplée à des accélérations foudroyantes.
"Eminent Wrath" et son long solo de guitare, minimaliste pourrait-on dire, débouche sur un débit sonore où une double caisse frénétique apporte une évolution dans la violence sonore bien pensée dans les trois premiers titres de l’album ; même constat pour "As Grace Descends".
"Sullen Days" et son intro très calme, harmonieuse, déraille petit à petit sur une explosion de riffs graves, particulièrement pêchus, d’une massivité qui fait plaisir à entendre.
Le sixième titre éponyme est assez intéressant par son côté folie furieuse maîtrisée, à l’ambiance théâtrale, tant les variations brutales sont nombreuses et partent dans tous les sens ; "My Demise" et "Inversion" sont en revanche assez convenus et n’apportent que peu de choses à l’album, contrairement à "Rapture Of Revocation" dont le mid tempo et le phrasé très articulé, apporte au côté martial de la compo.
Avalanche sonore pour conclure, "Beginning Of Sorrow" et sa démonstration technique de solos speed, alternance blast / mid tempo, saccades, cut et autres joyeusetés.
"Pinnacle Of Bedlam" n’est peut être pas le chef d’œuvre qu’auraient souhaité les fans les plus hardcore de Suffocation, mais la qualité n’en est pas pour autant absente. Ceux qui découvrent en auront pour leur argent, les vieux de la vieille verront en cet opus, le grand retour d’un groupe référence.