Les Ukrainiens de Stoned Jesus sont de retour avec leur cinquième album "Father Light" et comme le nom du groupe l'indique, c'est évidemment du stoner croisé avec du doom. Six morceaux pour quarante-trois minutes, le ton est donné, on sait que ça va ramper et fuzzer dans tous les sens. Et encore, par rapport aux standards du genre, Stoned Jesus ne s'étale pas trop, car si certains morceaux atteignent les neuf ou onze minutes, d'autres ne dépassent pas les quatre minutes, il va donc falloir s'attendre à une approche un peu différente.

C'est le morceau-titre qui ouvre l'album en douceur et en acoustique pour introduire gentiment le pavé de l'album "Season Of The Witch" et ses onze minutes. Et là, tout de suite, ça doome beaucoup plus, le rythme est lourd, les riffs ne peuvent renier l'héritage de Black Sabbath et les guitares et la basse bourdonnent suffisamment pour faire vibrer les murs et vos voisins avec. Le chant est totalement clair donc ne vous attendez pas à du growl, ce qui est tout à fait logique pour un groupe lorgnant sur le stoner et le rock psychédélique. Vous comprendrez donc que l'ambiance générale n'est pas non plus à la dépression et que Stoned Jesus balance au contraire un groove imparable décuplé par ce rythme pachydermique justement. Après quatre minutes bien doom, c'est d'ailleurs le rock stoner qui prend le dessus sur ce premier long morceau et là, il devient impossible de ne pas taper du pied sur ces mélodies et leads tout droit issus des années 70 ! On comprend donc vite que le groupe sait varier les ambiances et éviter le piège du mono riff répété pendant des plombes. Associé au fait que "Father Light" dépasse à peine les quarante minutes, cela garantit un impact optimal et des morceaux qui passent suffisamment vite pour que l'on ne s'ennuie pas. Une durée assez compacte qui s'explique peut-être par le fait qu'un album du nom de "Mother Dark" est prévu pour l'année prochaine, à eux deux ils représenteront donc deux facettes d'une même pièce. "Thoughts And Prayers" prend la suite et enchaîne là aussi avec un groove très rock et ancré dans la même époque pour un morceau globalement accrocheur et plus rythmé.

Il y aussi une mélancolie qui s'infiltre dans ce morceau et qui tranche avec ce qui l'a précédé, ce visage un peu plus sombre permettant de créer un contraste intelligent avec le groove tout en fuzz et riffs écrasants de "Season Of The Witch". Ce nouvel album prend en tout cas une approche un peu plus directe et un peu plus efficace qui délaisse un peu les éléments les plus psychédéliques pour se concentrer sur les ambiances et le groove. Quoique "Porcelain" propose quelque chose de plus épuré même si les gros riffs arrivent encore à se faire entendre de temps en temps, de quoi déployer une ambiance plus posée mais un peu plus planante et psychédélique justement. Cette facette du groupe s'exprime moins que par le passé mais ce morceau prouve qu'elle n'a pas disparu pour autant. Stoned Jesus ne change donc pas son fusil d'épaule mais choisi d'aller un peu plus à l'essentiel cette fois, peut-être pour laisser le champ libre au futur "Mother Dark" qui ne manquera probablement pas de prendre une voie différente. En attendant, "Get What You Deserve" clôt l'album avec neuf bonnes minutes qui laissent elles aussi entendre quelque chose de plus posé et des ambiances plus sombres. Le groupe y sort parfois du registre stoner / rock / doom pour proposer quelque chose de plus proche du rock progressif avec une mélancolie prégnante et là encore quelques petits relents psychédéliques. Le groove typique du stoner s'exprime le reste du temps et le mélange de ces deux univers donne un morceau très intéressant qui tranche avec le reste de l'album et donne envie d'entendre ce que le groupe a prévu pour le prochain album.

Stoned Jesus nous envoie donc un album un peu plus direct avec "Father Light" tout en gardant les éléments doom, stoner ou psyché qui font sa personnalité. Une approche qui sera probablement à mettre en opposition avec la facette "Mother Dark" prévue pour l'année prochaine et qui risque de nous réserver encore quelques surprises.

C'est en cette fin d'année 2019 que le trio ukrainien Stoned Jesus fête ses dix années de carrière, et c'est ainsi une très bonne occasion pour ressortir des placards de vieux morceaux très peu connus venant de leurs deux premières démos, remastérisés pour l'occasion. C'est donc avec une seconde jeunesse que nous redécouvrons (ou découvrons tout court) les cinq titres de cette compilation nommée "From The Outer Space".

Le son est certes meilleur, et heureusement pour un remastering, mais il reste très roots, ce qui est plutôt logique pour ne pas perdre l'esprit d'origine. On retrouve donc l'instrumental "The Sweet Whore Of Babylon", puis dans une mouvance plus progressive "Insatiable King" et "Eastern Magic", issus de la première démo datant de 2009. Puis, avec "Occult" tiré de la seconde démo, nous allons vers un titre plus planant et stoner, tout comme le plus connu "Black Woods" dans un style plus Sabbathien que le groupe joue souvent en live.

Ces cinq morceaux forment un beau cadeau pour les fans du groupe. On est cependant assez loin de la musique actuelle pratiquée par le groupe, il est donc possible que cette compilation ne plaira pas forcément à tous, mais ce n'est pas grave car il s'agit surtout d'un clin d'oeil au passé.

C'est toujours un moment plein d'excitation que de découvrir un nouvel opus de Stoned Jesus ! Et pour cause, le groupe réinvente sa musique en permanence, ainsi chaque album est different du précédent. Ce sont donc des électrons libres mais qui réussissent malgrè les changements à plaire à leur public. C'est donc très difficile de les catégoriser, et c'est tant mieux. On les a découverts dans un doom / stoner tendance Black Sabbath, dans un stoner plus atmosphérique, dans une musique plus rock à la sauce américaine, et enfin dans un jam complètement à l'ouest avec l'album "The Harvest" en 2015. Aujourd'hui, avec les dix morceaux de "Pilgrims", le trio urkrainien a suivi encore une fois un autre sentier et pas le plus évident et rassurant.

En effet, le groupe aime surprendre et n'a pas l'air d'aimer la facilité. Avec ce nouvel opus, Igor, Dmitry et Sid nous proposent une musique plus obscure qui n'a rien à voir avec les précédents travaux. On a ici un stoner froid et oppressant, "Excited" nous met direct dans le bain en nous immergeant dans une atmosphère stressante et sombre. Le ton est grave et inquiétant avec des riffs tortueux et une batterie zombifiée. Il y a un petit côté new wave étonnant dans ce morceau, et la basse nous donne notre dose de groove. Les compositions sont chaotiques mais organisées, ce qui les rend hypnotiques. C'est le cas pour "Thessalia" qui se révèle vite psyché avec une répétition qui devient vite de la tension, et un climat de menace. La voix d'Igor est vraiment prenante, surtout à la fin où elle se fait plaintive et pleine d'émotion, elle nous transperce !

Ensuite, on part loin dans l'espace avec un "Distant Light" très stone, c'est un titre assez étrange qui se mouve tantôt en doom décalé, tantôt en rock stoner planant. C'est déroutant et plaisant ! "Feel", comme tous les autres morceaux de cet opus, nous destabilise lui aussi. Au départ, il est assommant et lancinant, nous mettant dans un malaise étrangement agréable, pour finir sur une note mélancolique. Puis vient "Hands Resist Him" qui est sans doute le titre le plus facile d'écoute, sans être simpliste. C'est simplement que certaines mélodies accrochent vraiment l'oreille et même s'il y a de la technique et des bizarreries tout au long, on arrive peut-être plus vite à cerner ce que l'on entend. Cela n'enlève pas le côté complétement perché du morceau, avec une énergie sauvage par moments. "Water Me" arrive aussi à nous captiver avec une musique lourde, lente, saccadée à souhait. On ajoute à tout cela une instrumentation minimaliste et répétitive qui fonctionne et on a un morceau juste parfait. On termine l'écoute avec un "Apathy"... apathique qui finit de nous attaquer le cerveau.

Stoned Jesus n'a pas choisi la facilité avec cet opus qui tranche encore plus que leurs autres travaux. L'énergie habituelle et le groove laissent place à autre chose qui en vaut tout autant la peine. "Pilgrims" est à part niveau originalité, dans un autre espace temps, c'est un album glacial, fou et plus qu'intéressant avec un vrai travail d'inspiration et beaucoup de talent ! On ressent que les musiciens sont passionnées et se sont fait plaisir, ce qui en fait surement l'opus le plus mature et réfléchi de leur discographie. Ils nous emmènent "ailleurs" et on les suit avec plaisir !