Le groupe
Biographie :

Shining est un groupe norvégien de musique avant-gardiste venant d'Oslo. Treize musiciens ont fait partie du line-up de ce groupe durant son histoire, avec à sa tête le chanteur, guitariste, saxophoniste et compositeur Jørgen Munkeby qui en est le seul membre constant. Shining a été créé en 1999, en tant que quartet de jazz instrumental dont les membres initiaux sont Munkeby, le batteur Torstein Lofthus, le pianiste Morten Qvenild et le contrebassiste Aslak Hartberg. Ils ont sorti leurs premiers albums "Where The Ragged People Go" et "Sweet Shanghai Devil" respectivement en 2001 et 2003. Leur album de 2005 "In The Kingdom Of Kitsch You Will Be A Monster" a guidé le groupe vers un son plus avant-gardiste, plus électrique et orienté rock, puisque Qvenild se met à jouer du synthétiseur et d'autres claviers électroniques, et Hartberg remplace sa contrebasse par une basse. Qvenild et Hartberg quittent le groupe à la sortie de l’album, et seront remplacés en 2005 respectivement par Andreas Hesse Schei et Morten Strøm. Fort de ce line-up, Shining publie "Grindstone" en 2007, un album qui leur fait prendre une direction plus lourde et les éloigne de plus en plus du jazz, intégrant des éléments de rock progressif, de pop, ainsi que de la musique classique des 19ème et 20ème siècles. Au cours des années, Andreas Hesse Schei a été remplacé par Andreas Ulvowho, qui a lui-même été remplacé par Bernt Moen, tandis que Tor Egil Kreken remplaçait Morten Strøm à la basse. De plus, le groupe intègre le guitariste Even Helte Hermansen comme nouveau membre en 2010, ce qui étend la formation à un quintette. La sortie de "Blackjazz" en 2010 a fait de Shining un groupe avant-gardiste de metal extrême, notamment avec l'utilisation de la voix grondante de Munkeby. Cette même année, Hermansen a été remplacé par Sagen. "One One One", sorti en 2013, suit la direction musicale lancé par "Blackjazz". Dans les années suivantes, Lofthus (le seul membre original qui restait à part Munkeby) Løchsen et Kreken quittent tous le groupe. Les deux premiers ont été remplacés par Tobias Ornes Andersen et Eirik Tovsrud Knutsen. "International Blackjazz Society" sort à l'automne 2015 chez Spinefarm Records. "Animal" sort en Octobre 2018.

Discographie :

2001 : "Where The Ragged People Go"
2003 : "Sweet Shanghai Devil"
2005 : "In The Kingdom Of Kitsch You Will Be A Monster"
2007 : "Grindstone"
2010 : "Blackjazz"
2013 : "One One One"
2015 : "International Blackjazz Society"
2018 : "Animal"


Les chroniques


"Animal"
Note : 15/20

Voilà un album qui va faire, ou a déjà fait, couler beaucoup d'encre ! Lequel ? "Animal" de Shining, non pas le Suédois, le Norvégien qui faisait du jazz. Et ça va décevoir du monde parce que de jazz il n'est plus question. De metal non plus d'ailleurs.

En effet, les influences jazz ont totalement disparu, le saxo aussi par la même occasion et le groupe a décidé de se faire un trip régressif fun typé années 80. Des influences que l'on pouvait entendre sur les derniers albums pendant les morceaux les plus accrocheurs sauf que là il n'y a que ça, j'imagine donc que certains vont hurler de rage à l'écoute de ce nouvel album. Concrètement, c'est plutôt bien fait même si on note certains tics vocaux dignes de la variété internationale de la pire espèce qu'on nous matraque à longueur de journées sur les ondes. Rien que sur le couplet de "Take Me" qui ouvre l'album ça saute aux oreilles, même si à côté de ça le refrain est accrocheur et plutôt sympa. On se retrouve avec une sorte de power pop avec quelques arrangements electro et des relents de rock / hard rock, bien loin du metal jazz expérimental que le groupe balançait il y a encore quelques temps. Tous les morceaux sont donc compacts et tournent autour de trois minutes trente, un format radio en quelque sorte. Et en dehors de quelques parties de chant un peu hurlées, on a effectivement un album très radio friendly, c'est d'ailleurs ça qui va le plus faire bondir certains fans du groupe. "Animal" va être vu par certains comme une compromission alors qu'il y a de bonnes choses là-dedans, les morceaux accrochent bien, les mélodies et lignes de chant sont en général bien trouvées et l'ensemble est percutant. C'est vrai que comme je le disais plus tôt, on a d'autres éléments plus irritants, des mélodies et des lignes de chant qu'on jurerait sorties des gros mastodontes de la variété insipide typiquement américaine. Sans compter que j'ai suspecté à plusieurs reprises sur l'album une utilisation légère d'autotune mais je peux me tromper, ce sont peut-être d'autres effets ou une surproduction du chant par moments.

"Animal" est donc en équilibre précaire entre des parties accrocheuses et efficaces et d'autres qui cristallisent tout ce que la plupart des métalleux considèrent comme de la musique fast food et calibrée. Je pense par contre que le groupe s'est sincèrement fait plaisir avec ce nouvel album, une tentative de séduire le grand public aurait peu de sens puisque c'est le public metal qui a donné sa relative notoriété au groupe. Son nom ne circulait pas autant à ses débuts quand il faisait du jazz pur et dur et risque de faire fuir une partie du public qu'il avait réussi à gagner à partir de "Blackjazz". Je ne suis pas certain que ce soit commercialement viable de tenter une hypothétique opération de séduction sur un public que l'on n'est pas sûr de convaincre, surtout quand il y en a un de l'autre coté que l'on est quasiment sûr de décevoir. C'est donc l'envie de faire ce genre de musique plus directe, accrocheuse et fun que a guidé le groupe vers "Animal" et sur pas mal de morceaux, il faut avouer que ça fait mouche ! On pourrait reprocher que l'album va manquer de profondeur par rapport à ses aînés mais son but n'était de toute façon pas de proposer quelque chose d'extrêmement complexe et profond. Si on met de côté la transition brutale entre son prédécesseur et lui, "Animal" a des arguments pour convaincre les amateurs de ce genre de musique plus soft, plus radio friendly et clairement dénuée d'éléments metal. On entend quelques trucs un peu plus nerveux de temps en temps comme "Everything Dies" qui aurait presque des airs de rock indus, toujours accrocheurs évidemment.

En gros, si vous passez le choc du changement de style et que vous n'êtes pas dérangés par le fait d'écouter des choses plus simples et radio friendly de temps en temps, "Animal" a de quoi vous faire passer un bon moment, dans le cas contraire vous allez vomir des arcs en ciel par les oreilles.


Murderworks
Mars 2019




"International Blackjazz Society"
Note : 16/20

Depuis quelque temps, déclinée sous la forme d’une société secrète fictive et mystérieuse, la promotion de ce nouveau Shining est complètement barrée. En effet, nous pouvons découvrir sur la toile l’étrange (et très épuré) site d’"International Blackjazz Society". Nous y retrouvons toutes les informations de base d’un site d’entreprise : missions, contacts, objet…  Par ailleurs, nous apprenons l’existence du "commandement 1375" dont "aucune information ne peut être donnée pour le moment".. Autrement, la vision et devise de cette organisation est tout aussi singulière : "Pour une ère dédiée à la vie, à la liberté et à la recherche de l’excellence culturelle […] qui ne périra jamais sur cette planète […] pour l’excellence". Une section "propagande" est même mise à disposition afin de partager sur le net diverses bannières et autres liens. De plus, du contenu (photos, messages …) est régulièrement actualisé sur le Tumblr de la société. A l’image de la musique avant-gardiste et difficilement abordable de Shining, cette petite campagne promotionnelle, que je n’ai d’ailleurs pas entièrement décrite, respire le grand WTF. Auditeur non averti, sache que tout est normal et que les fans de ces Norvégiens y sont habitués. En effet, le groupe est réputé pour fusionner jazz (du vrai, à la frontière même du free jazz) et du metal (globalement industriel, il faut avouer). Inventeur du concept "blackjazz" depuis leur cinquième album du même nom en 2010, la formation ne fait pas dans l’abus de langage et nous propose véritablement une musique au son criard et bruyante (comme du black metal).

Dans "International Blackjazz Society", Shining ne semble pas avoir mis de l’eau dans son vin et nous inflige toujours des moments d’une rare sauvagerie. Le morceau d’intro "Admittance" fixe la barre très haut sur l’échelle de la violence dès la première note. En première ligne de ce chaos organisé, l’instrument roi de Shining, le fameux saxophone de Jørgen Munkeby, nous perse les oreilles. La suite nous emmène en terrain connu avec "The Last Stand", probablement un des titres les plus abordables, où l’on retrouve tous les éléments de base de nos Scandinaves : nappes de clavier industrielles, guitare au son chirurgical et la voix distordue de Jørgen Munkeby. Piste plus calme, "Burn It All" nous entraîne dans une ambiance un peu plus malsaine et cette fois-ci sans saxophone. Autre morceau notable, "Thousand Eyes", nous rappelle à quel point  Shining aime jouer avec les tempos et les mesures. A mon sens le meilleur titre d’"International Blackjazz Society" ! N’ayant pas vraiment d’exemples de comparaison plus pertinents sous la main, je dirais que je retrouve dans ce titre une brutalité me rappelant "City" de Strapping Young Lad (peut-être la voix, les claviers quasi-omniprésents et le tempo super énervé) et Marilyn Manson pour les instants plus fédérateurs et rock avec ces lignes de chants scandées telles des slogans. Autre instrument phare du groupe, assurément cette fichue batterie ne tenant pas en place plus de 3 temps ! L’instant le plus frappant est sûrement "House Of Warship", piste totalement déstructurée où batterie et saxophone ne font plus qu’un dans ce joyeux foutoir digne d’une jam session d’improvisation. Ceci nous remémore les racines jazz de nos Norvégiens. Quant à la guitare, cette dernière a droit aussi à ses moments de bravoure comme dans "Need". Au programme, "solo" (= bruit) très expressif, totalement en accord avec l’ambiance impitoyable dans laquelle nous baignons.

Découvert en début d’année en première partie de la tournée de Periphery et The Devin Townsend Project, je retrouve l’énergie et la claque que j’ai reçue en live et c’est peut-être ça le gros plus d’"International Blackjazz Society", et de Shining en général. Les fans de la première heure ne seront peut-être pas vraiment surpris par ce nouvel album qui n’innove pas vraiment dans le style déjà très spécifique et unique de Shining. Quoi qu’il en soit, 9 morceaux dont un interlude, ça vous laisse peut-être sur la faim, mais étant donné l’intensité et la nervosité des compositions, c’est probablement suffisant pour les oreilles les plus sensibles !

Fan de post-hardcore type Dillinger Escape Plan, de metal progressif en général ou même tout simplement de jazz, jette-toi immédiatement sur Shining si tu ne connais pas encore !


Vinny
Août 2015




"One One One"
Note : 15/20

Attention, il y a deux erreurs à ne pas faire à propos des Norvégiens de Shining. En premier lieu, les confondre avec les Suédois du même nom. Certes, les deux sont barrés mais leurs univers respectifs sont aux antipodes l’un de l’autre. La seconde erreur serait d’écouter ce disque un lendemain de cuite (non non, ça sent pas du tout le vécu). L’abondance d’informations et l’hystérie non-stop risquerait de faire remonter illico votre taux d’alcool.

Avec ce sixième album studio, les doux-dingues sont passés maîtres dans l’art du chaos organisé, sorte de mix bouillonnant et tourbillonnant de toutes les sortes de musiques les plus extrêmes qui soient, passées à la moulinette jazz… On passe d’un Lemmy Kilmister sous cocaïne (crédible en plus) à de l’indus martial, du metal au punk, du grind au free-jazz sans aucun temps mort. Et s’envoyer l’album dans son intégralité en une fois relève presque de l’exercice physique. Mais la performance ne réside pas ici dans le gros niveau de technique des musiciens mais dans le fait d’arriver à canaliser toute cette folie pour en ressortir des compos intelligentes, fouillées et possédant une certaine cohérence les unes par rapport aux autres. Et pour ceux qui, comme moi, associent presqu’instantanément le son du saxophone aux films porno des années 80, ils ont ici de quoi se raviser tellement il est utilisé de manière originale pour finalement se fondre à l’ensemble comme élément mélodique au même rang que les guitares.

Donc toi, oui, toi, le fan de Dillinger Escape Plan, Between The Buried And Me, Ephel Duath ou The Safety Fire, jette-toi sur ce disque sans attendre, ça t’occupera le neurone un bon moment.


Ben
Juillet 2013


Conclusion
Le site officiel : www.shining.no