Bien que cela soit intellectuellement indéfendable, les chroniqueurs de bonne foi l'avoueront : il est des productions auxquelles on tarde à s'attaquer tant l'on pressent qu'elles ne vont pas nous ébahir. La pochette seule de ce "All Be True", très lisse, très féminine, ne laissait rien présager de franchement couillu.
Mes anciens collègues de la Fiesta du Rock et moi-même gardions un bon souvenir de Sheeduz pourtant, de leur rock'n'roll attitude lorsqu'Audrey chanteuse avait répondu à un grossier lancer de préservatifs : "Toi, la seule chose que tu vas baiser ce soir, c'est ta main". Hélas, sitot plongée dans cet ultime effort de leur part, me revient en mémoire un statut Facebook inspiré de mon idole et ami François Maigret. Il y déplorait que des groupes tels que Plasticines se cantonnent à des paroles comme "I'm a bitch" et ce faisant, ne contribuent guère à changer les a priori sur le rock féminin. En effet, là où certaines prennent les instruments comme on prend les armes, d'autres se complaisent dans un "rock de filles" qui ne dérange pas les voisins. À croire que certains carcans se sont invités jusque dans les studios d'enregistrement.
Pas assez énervé pour être du rock, pas assez entraînant pour être de la pop, le seul concept qui me vienne pour résumer ce disque est celui de langueur, voire de paresse. Entre guitares traînantes, basses baveuses, batteries distraites et chants pleurnichards à la Emilie Simon ("Feel Free"), ce n'est qu'un très long spleen qui se dévide sans grande variété d'un titre à l'autre. C'est pourquoi je relèverai avec plaisir les pistes de violon et de piano sur "Dirt", ainsi que cet élégant piano à la fin d'"Applause" qui clôt l'album. Mais on goûterait d'autant mieux ces repos si, auparavant, il y avait bien eu tempête.
Sans être à proprement parler mauvais, cet album sans évolution comparé à son prédecesseur sonne un peu comme un cas d'école de tout ce qu'il ne fallait pas faire pour laisser une empreinte. Simplement, j'aurais aimé que Sheeduz (comme elles le scandent dans le refrain de "Jimi" d'ailleurs) prennent le pouvoir à leur disposition, plutôt que de produire un caprice de "Moody Girl".
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