Vous reprendre bien une louche de metal instrumental ? C'est Shardborne qui régale cette fois, groupe irlandais ayant déjà un EP "Aeonian Sequence" sorti en 2011 dans sa besace et qui revient cette fois avec un album complet du nom de "Living Bridges". Plus de cinquante minutes de metal instrumental donc, aux accents progressifs assez prononcés.

Si la technique est bien entendue présente au sein de cet album, elle n'en est pas la reine pour autant, Shardborne préférant axer sa musique sur les ambiances aériennes et les mélodies. Une sage décision qui permet d'apprécier la musique du groupe qui, sur un aussi long format, aurait vite pu devenir un peu trop lourde à digérer si elle avait donné dans le shred à outrance. Au lieu de ça, on a un intéressant contraste entre puissance et mélodie, certains riffs de "Not That, Axis" pouvant même rappeler nos chers Gojira. Avec des morceaux d'une durée qui varie autour des 6 ou 7 minutes le groupe se permet pas mal de changements d'ambiance ou de structure, l'album est globalement très vivant et plutôt dynamique. Shardborne évite deux écueils à la fois, d'un côté celui de la musique trop planante qui s'appesantit sur la répétition des mêmes riffs et mélodies et de l'autre celui de la technique à outrance virant à la jam démonstrative. On retrouve bien entendu les relents de prog voire même de jazz à plusieurs reprises mais le background du groupe est bel et bien metal et Shardborne présente un visage bien plus puissant et lourd que la plupart des groupes de metal instrumentaux. Pourtant comme je le disais plus haut, la mélodie et les ambiances planantes sont légion sur "Living Bridges", mais quand le groupe décide de laisser place aux riffs, ceux-ci se font assez souvent puissants (on a même droit à un blast sur le morceau éponyme).

Voilà donc un groupe qui évite tous les pièges inhérents au style et qui en plus se permet de montrer une personnalité affirmée dès son premier album, une très bonne surprise dans une période où la plupart des groupes instrumentaux montrent les mêmes influences et sonorités. Contrairement à plupart des petits nouveaux dans ce style, Shardborne ne s'est pas accordé plus bas que terre et ne présente aucune affinité avec le djent et n'est pas non plus une pompe de Cynic non plus malgré son côté parfois éthéré et aérien voire mélancolique. Comme quoi la scène irlandaise nous prouve une fois de plus qu'en matière de metal, ses groupes ont tous quelque chose de particulier, sans jamais faire appel à la musique traditionnelle de son pays pour autant (ou peut-être légèrement dans certaines mélodies de "Mind The Gap"), le groupe se démarque de la plupart des représentants actuels de l'instrumental tout en ayant probablement les mêmes racines musicales qu'eux. Je parlais de Cynic en disant qu'on était loin de la pompe mais bien entendu on entend de loin l'héritage qu'ils ont légué aux nouvelles générations (je sais, le groupe est encore là, mais sa musique a mis du temps à être appréciée à sa juste valeur). Cependant, une fois de plus, Shardborne s'émancipe très vite de toutes ses influences et dès qu'on croit pouvoir coincer le groupe en flagrant délit d'influences visibles il nous file entre les doigts et développe sa sauce.

Voilà donc un premier album prometteur et déjà marqué d'une personnalité totalement affirmée qui constitue par conséquent une très bonne surprise ! Du metal instrumental de haute volée évitant tous les pièges du style, ne ressemblant à personne en particulier et se permettant en plus de nous faire voyager pendant une cinquantaine de minutes. Dans un style qui commence paradoxalement à être de plus en plus balisé, Shardborne apporte un grand bol d'air frais avec "Living Bridges", si l'instrumental est votre truc il serait judicieux d'y jeter une oreille attentive.

"Mzoraxc' Forbandelse" est un album plutôt bon et qui s’écoute facilement. On ne s’ennuie pas mais cela manque parfois d’un soupçon de relief. Ce n’est qu’un détail car on passe cependant un bon moment.