Le groupe
Biographie :

Schammasch est un groupe de black metal avant-gardiste suisse formé en 2009 et actuellement composé de : Chris S.R. (chant, guitare / Zatokrev, ex-Totenwinter, Ars Vitae), Boris A.W. (batterie / Cold Cell, ex-Atritas, ex-Totenwinter), M.A. (guitare / Blutmond ), A.T (basse / ex-Atritas) et J.B (guitare / Blutmond, Totgeburt). Schammasch sort son premier album, "Sic Lvceat Lvx", en Octobre 2010 sur le label Black Tower Productions. Il faudra attendre Avril 2014 pour voir arriver le deuxième album, "Contradiction", chez Prosthetic Records. "Triangle" sort en Avril 2016, suivi de "Hearts Of No Light" en Novembre 2019.

Discographie :

2010 : "Sic Lvceat Lvx"
2014 : "Contradiction"
2016 : "Triangle"
2017 : "The Maldoror Chants: Hermaphrodite" (EP)
2019 : "Hearts Of No Light"


Les chroniques


"Hearts Of No Light"
Note : 17/20

Les Suisses de Schammasch sont de retour avec un quatrième album qui emprunte la forme plus raisonnable de simple CD après le double "Contradiction" et le triple "Triangle". Ce nouveau méfait porte le nom de "Hearts Of No Light" et vu que son thème a l'air d'être la descente aux enfers, on se doute que la rigolade risque de ne pas être au rendez-vous !

Pour ceux qui ont vécu dans une grotte ces dernières années, Schamasch pratique un black metal aux accointances orthodoxes et surtout occultes. La furie destructrice n'est pas le propos du groupe et si les blasts ne ratent pas une occasion de s'exprimer quand le besoin s'en fait sentir, la musique du groupe tient plus de l'introspection qu'autre chose. Une introspection occulte et ésotérique, les albums du groupe ayant des allures de parcours initiatique. C'est donc le piano de "Winds That Pierce The Silence" qui nous accueille cette fois avant de laisser la place à ce fameux black occulte typique de Schammasch. Au niveau du jeu des ressemblances, on peut sentir le même fumet occulte que chez le Secrets Of The Moon période "Antithesis" mais sous une forme différente puisque Schammasch a sa personnalité et qu'elle est assez forte pour eclipser la plupart des influences du groupe. Toujours est-il que ce morceau pose une ambiance sombre aux percussions presque tribales, quand je vous disais que ça sentait le trip initiatique ! C'est avec "Ego Sum Omega" que commencent vraiment les choses sérieuses avec plus de huit minutes au compteur et une ambiance toujours aussi sombre à grand renfort de dissonances bien sales et de riffs noirs comme le veut la tradition. On retrouve ce sens de la mélodie dégueulasse propre à Schammasch qui fait que les ambiances du groupe sont vraiment prenantes. On sent une volonté claire de se démarquer mais pas pour le plaisir de tirer son épingle du jeu, c'est une véritable vision artistique qui s'affiche ici. Ou plutôt une démarche personnelle qui s'exprime par la musique, une introspection spirituelle que le groupe partage sous forme d'albums. Histoire de brouiller les pistes, le groupe s'amuse même à flirter avec les terres du rock gothique sur "A Paradigm Of Beauty" dominé par le chant clair et bien plus accrocheur que ses confrères avec un son de guitares proche d'un Faith And The Muse par exemple ! Précisons d'ailleurs que si le format de l'album est repassé à un CD standard, la durée n'en a pas été drastiquement raccourcie pour autant puisque "Hearts Of No Light" atteint tout de même soixante-sept minutes.

Il y a une intensité émotionnelle chez Schammasch que l'on ne retrouve pas forcément chez les autres représentants du black orthodoxe, occulte, ou d'autres variantes encore. Une implication sincère, une honnêteté dans la démarche qui distingue de facto le groupe du reste de la scène. Par conséquent, "Hearts Of No Light", comme ses prédécesseurs, demande un investissement de la part de l'auditeur et il va falloir l'écouter avec toute votre attention. Schammasch ne fait rien pour faciliter la chose et si son black metal n'est pas non plus expérimental, on sent bien vite que ces gars-là n'ont aucune envie de plaire à qui que ce soit. La descente aux enfers qui sert de thème à ce nouvel album n'est pas illustrée par un black metal rageur et bourrin, les blasts sont d'ailleurs assez rares ici. "Qadmon's Heir" en balance quelques uns au milieu de riffs et de mélodies très noirs créant une ambiance apocalyptique sentant la désolation à plein nez. Les morceaux sont vivants et ne répètent que très rarement les mêmes patterns, évoluant d'un point A à un point B naturellement au gré de la descente. Le black metal de Schammasch est loin de celui des origines qui pouvait se montrer presque primitif, ici c'est varié, réfléchi, mûri. On sent tout le travail de composition qui a été fait pour produire ce black metal habité et évocateur qui a la bougeotte et va fouiller dans les moindres recoins de notre esprit sans jamais se perdre, ni nous perdre, en route. Cette descente aux enfers est intérieure et n'a rien de mythologique, d'où l'implication émotionnelle et la sincérité dont je parlais tout à l'heure. Le black metal présent ici est certes malsain et noir mais loin de la classique vague norvégienne et s'il emprunte à la vague orthodoxe ses dissonances et son feeling occulte, il s'en démarque encore une fois par une vision propre. Schammasch sait où il veut aller et suit sa propre route en se foutant des dogmes, des petites hypes atour de telle ou telle scène, de tout en fait.

Si "Triangle" pouvait légèrement s'égarer sur son troisième CD ambiant, ce nouvel album ne souffre d'aucun passage faible. Le groupe a condensé son univers, recentré son propos et tout en gardant la même ligne directrice propose quelque chose de plus contrôlé. Pourtant, les morceaux sont toujours aussi longs évoluant régulièrement entre six et huit minutes mais le talent et la vision bien définie que Schammasch a de son art font que ces soixante-sept minutes prennent des allures de gouffre temporel, on sait quand on y entre mais jamais quand on va en sortir ! Les neufs morceaux passent tout seuls alors qu'ils font preuve d'une profondeur indéniable et ne sont pas spécialement accrocheurs non plus. On doit probablement ce tour de force à la démarche sincère et personelle de Schammasch, oui je me répète, qui du coup nous touche. Le black metal du groupe, loin de vouloir jouer au méchant, s'infiltre dans votre esprit et vous montre le chemin, pointe du doigt cette route que vous n'aviez pas vu, ou que vous refusiez de voir jusqu'à maintenant. Cette route tortueuse, casse-gueule aux pentes raides qui descend encore et toujours en vous pour finir par vous remettre face à ce que vous y aviez caché. Encore plus que ses prédécesseurs, "Hearts Of No Light" est une expérience auditive et non pas un simple album de black metal. Je n'ai pas eu la chance de voir le groupe live mais j'imagine que l'intensité de la chose doit être impressionnante et que c'est le genre de concert dont on ne ressort pas indemne.

Tout ça pour dire que Schammasch continue son chemin seul et nous livre avec "Hearts Of No Light" un album qui suit la voie tracée par les précédents albums mais en en perctionnant chaque élément et en poussant l'introspection encore plus loin. Il paraîtra peut-être encore plus hermétique à certains mais si vous vous donnez la peine d'essayer de voir ce qu'il renferme, nul doute qu'il vous marquera au fer rouge et que vous y reviendrez pour découvrir ce qui se cache sous la surface.


Murderworks
Décembre 2019




"Triangle"
Note : 16/20

Schammasch nous avait fait forte impression avec son deuxième album "Contradiction", très bon concentré de black à tendance orthodoxe dont les seules petites faiblesses étaient dues à sa longueur puisque cet album était double. J'avais dit qu'ils auraient pu gagner en impact s'ils avaient légèrement raccourci la durée de l'album, d'où une petite frayeur quand j'ai vu arriver "Triangle" qui, comme son nom l'indique, est un triple album...

Trois CDs d'un peu plus une demi-heure chacun, vous comprendrez que l'on est face à un gros morceau, mon petit doigt me dit que tout ça va être dense et difficile à digérer. Dès "Crepusculum" qui ouvre le premier CD, on sait d'office que le groupe n'a rien perdu de son aura quasi mystique, ce côté presque rituel, ésotérique, occulte, mélangé à son black metal souvent pesant. Une musique qui a incontestablement une âme, et même si la scène black orthodoxe commence à être chargée Schammasch tire largement son épingle du jeu par ses influences peut-être un peu plus larges et surtout par un talent de composition et une sincérité indéniables. Quelques accès de rage sont bien entendu toujours présents, comme l'atteste par exemple le début de "In Dialogue With Death" et ses blasts destructeurs, mais globalement le propos de Schammasch n'est pas dans la violence débridée. Pour ceux qui connaissent déjà la musique du groupe, il n'y a rien de nouveau, Schammasch continue son chemin et son introspection. Son black metal est toujours dans la même lignée, tant mieux d'ailleurs puisque le groupe a montré son aisance dans ce domaine sur ses deux précédents albums. Il faut avouer que ces gars-là ont vraiment quelque chose, le feu sacré peut-être, quelque chose qui vous prend les tripes et qui vous emmène de force dans le monde poisseux de Schammasch. Les lignes de chant d'un "Satori" qui se répètent tel un mantra et qui donnent un côté presque religieux au morceau vont vous emmener loin, une fois redescendus sur terre c'est la mélancolie rageuse de "Metanoia" qui vous accueillera par un crochet en plein estomac.

Les deux premiers CDs sont clairement irréprochables, les quelques longueurs qu'on pouvait encore déplorer sur "Contradiction" ont disparu et ces deux premières parties de l'album accrochent l'oreille sans problème en développant des ambiances très fortes. On note aussi une variété assez impressionnante, pas mal de sonorités et d'ambiances s'entrecroisent sans jamais que la musique de Schammasch ne perde en cohésion. Là où l'album peut commencer à faiblir, c'est sur le troisième CD, loin d'être mauvais il n'est pas indispensable pour autant. Le groupe y développe des morceaux ambiants instrumentaux (sauf "The Empyrean") et si les morceaux sont bons dans le genre je trouve quand même qu'il n'était pas forcément nécessaire de rallonger l'album avec ça. J'ai bien conscience que l'album est un concept et que ce troisième CD y a sa place mais j'exprime mon point de vue d'auditeur, musicalement j'ai du mal à le considérer autrement que comme un CD bonus. Il y a pourtant d'excellents moments sur ce CD, la fin de "Cathartic Confession" est magnifique, poignante. "The Third Ray Of Light", par contre, aurait pu être amputé de deux ou trois minutes tant il met de temps à démarrer sans proposer autre chose que de l'ambiant noisy, avant de démarrer enfin dans une veine musique ethnique et traditionnelle. Pour faire simple, je trouve l'inspiration en dents de scie sur ce troisième CD, là où les deux premiers sont irréprochables. Ce qui finalement est déjà pas mal, deux très bons CDs pour une heure de musique et un troisième CD peut-être perçu comme étant superflu mais qui fait entendre lui aussi de bien belles choses par moments. Au moins, on ne peut pas dire que le groupe cède à de quelconques sirènes, il a une vision et la poursuit sans se préoccuper de ce qu'on peut bien en penser. Attitude tout à fait compréhensible et louable, une démarche véritablement artistique pour le coup.

Un troisième album de qualité de la part de Schammasch dont les deux premiers CDs devraient aisément contenter tous les amateurs du groupe. Le troisième CD, quant à lui, passera très bien chez certains, pas du tout chez d'autres et une troisième catégorie dont je fais partie en reconnaîtra la qualité sans forcément l'écouter à chaque fois.


Murderworks
Juillet 2016




"Contradiction"
Note : 16/20

Après le dernier Tryptikon, on retourne en Suisse pour le nouvel album de Schammasch qui succède à "Sic Luceat Lux" sorti en 2010 et qui présente la particularité d'être un double album. Pari risqué pour un groupe officiant dans le black metal, près d'une heure et demie de musique nous attend en effet sur ce "Contradiction".

Bien entendu, taper dans le true black pur et dur pendant une durée aussi longue n'aurait certainement pas été bien passionnant, ça tombe bien puisque ce n'est pas le registre dans lequel évolue Schammasch. Dès "Contradiction" qui ouvre l'album, on pense plutôt à du metal extrême occulte teinté de black comme peut le proposer Secrets Of The Moon, un black lent et oppressant, plus porté sur le côté malsain et presque rituel que sur l'agression pure. On sent aussi quelques sonorités de black orthodoxe via quelques arpèges dissonants et malsains, quelques blasts aussi qui viennent pointer le bout de leur nez histoire de pimenter ce double pavé aux allures pachydermiques. Parce qu'avec 9 morceaux pour plus de 80 minutes, vous vous doutez bien que la plupart sont très longs, on tape régulièrement dans les 10 minutes en moyenne avec une pointe à 17 minutes pour le final "JHWH". Autant dire que le groupe prend le temps d'installer ses ambiances et ne fonce pas tête baissée dans le tas, une fois de plus on sent le côté très Secrets Of The Moon, jusque dans le jeu de batterie aux roulements parfois presque tribaux. Vivement déconseillé à ceux qui cherchent un black brutal et primaire donc, ici on prend son temps et laisse la noirceur s'exprimer. Et même si l'album accuse parfois quelques longueurs ou passages à vide, on ne peut que saluer l'initiative et le travail qu'à dû demander un tel pavé.

On retrouve pas mal de passages écrasants et malsains se rapprochant d'un croisement entre Tryptikon et du doom bien pesant, la variété des influences et des sonorités utilisées tout au long de l'album est d'ailleurs un de ses gros points forts. On a aussi quelques chants grégoriens qui se font une place de temps en temps, comme chez d'autre représentants de cette scène d'ailleurs, et ça fonctionne toujours aussi bien au milieu de ce metal occulte et malsain. Ou ce break quasiment ambiant bien glauque qui coupe "The Inner World" en deux, installant par là même une ambiance presque rituelle avec cette batterie qui se fait tribale et proche des percussions. Et même si les blasts ne sont pas les plus présents au milieu de tout ce melting pot, il n'empêche que quand ils débarquent, ils ramonent comme il se doit, l'accélération soudaine qui débarque en plein milieu de "Split My Tongue" en témoigne. Le fait de les placer intelligemment décuple bien entendu leur puissance de frappe, quand la violence se montre chez Schammasch elle ne fait pas semblant. Signalons aussi en passant que la prod' est de très bonne qualité, puissante, assez claire pour distinguer tout le monde et parfaitement adaptée à la musique du groupe.

La seule véritable faiblesse que l'on pourrait pointer sur cet album est la présence de quelques longueurs, ce qui est quasiment inévitable sur un projet aussi ambitieux. Rien de vraiment rebutant cependant, le groupe propose une musique et des sonorités assez riches pour que l'on ne finisse pas l'album en baillant aux corneilles. Pour un deuxième album et vu le style pratiqué, je ne peux que saluer la prise de risque et la volonté de proposer quelque chose de personnel, c'est toujours appréciable de tomber sur un groupe qui n'en fait qu'à sa tête et qui sait ce qu'il veut.


Murderworks
Juillet 2014


Conclusion
Le site officiel : www.schammasch.com