Saligia est un groupe de black metal norvégien originaire de Trondheim. Formé en 2006, le groupe officie dans une branche assez occulte du milieu. Ce choix peut en général amener à deux options : une production totalement barrée, qui laisse sans voix et en pleine interrogation en fin d’écoute, ou alors un ensemble tellement fouilli qu’on fronce les sourcils et on se demande ce qui vient de se passer. C’est en tout cas mon expérience personnelle dans ce domaine. On va donc essayer de voir dans quelle catégorie on peut classer Saligia.

L’album s’ouvre sur "Fire : Tear Apart The Veil" sans introduction ni fiorirute. On est aussitôt mis en situation, et les vocaux commencent dès la première seconde. Parlons-en d’ailleurs de ces vocaux. Ils semblent à mi-chemin entre le growl traditionnel et les cris. Une majorité du temps, les vocaux sont growlés mais... étonnemment clairs si vous voyez ce que je veux dire. C’est sans doute un parti pris artistique, et au moins on arrive à comprendre les paroles. Ce qui est assez original pour être souligné. Sinon que dire de ce titre ? J’ai été totalement perdue à la première écoute. Il y a à boire et à manger dans ce morceau. Mais j’aurais tendance à dire que les derniers instants du titre font tout le travail. Suit "Revelation : A Sign Reveals" qui exprime davantage l’ambiance occulte que Saligia recherche à atteindre. Là, le rythme et les vocaux se veulent lents et hypnotiques, comme pour plonger l’auditeur dans une sorte de transe. Se mêlent alors violence et hypnose dans un combo, somme toute, assez convaincante. Les vocaux atteignent parfois des pics dans l’intensité, et on en aurait presque un frisson. Mais ici, presque est le mot. Vient ensuite "Abyss : In Darkness Forge Alight" qui change de rythme avec un tempo qui se veut plus martial. Pour moi, ce titre pourrait être une métaphore de la folie, tellement ça part dans tous les sens. En fait, c’est comme être étiré à l’extrême, et tenter malgré tout de regarder derrière soi en essayant de tourner la tête. C’est une sensation assez déroutante, et je pense que le but recherché par Saligia était de provoquer la confusion. Si tel est le cas, le but est atteint. Et l’apothéose de cette folie est atteinte dans les derniers instants, avec ce background qui peut franchement rendre dingue. Sans rire.

Le titre suivant, "Voices : Her Hidden Darkness" injecte une dose glaciale dans le mix de Saligia. Mais on retrouve toujours ce côté métaphorique de la folie qui peut être franchement perturbant à écouter. En fait, le mot résumant l’album dans sa globalité est tout trouvé : perturbant. Je suis une grande fan de ce morceau qui, par ailleurs, jongle avec facilité entre nuances et variations. Le travail fourni sur ce titre en particulier est colossal, et le rendu est tout aussi jouissif que problématique. En clair, ça passe ou ça casse. Et chez moi, c’est passé. A ma grande surprise. On en termine avec "Fønix : Flame Coronation" qui, de par son titre, indique qu’on est censés être en présence du morceau le plus abouti de l’album. On doit se retrouver face à une montée en puissance telle qu’elle aboutira à un couronnement enflammé. Il s’agit également du titre le plus long de l’album. Et c’est justement cette longueur qui permet au titre de prendre tout son sens, en lui laissant l’opportunité de développer son atmosphère. Les instruments prennent une forme de martélement incessant, et franchement... j’ai l’impression que si on écoute ce titre en boucle, on peut perdre la tête. Et ça doit être soit de la folie, soit du génie. Et l’un ne va probablement pas sans l’autre.

Je reste perturbée par cet album, et je ne sais au final pas trop quoi en penser. Il y a effectivement beaucoup à commenter sur le travail effectué par Saligia, mais on ne peut pas leur enlever le fait qu’effectivement c’est foutrement barré. Il y a des passages qui relèvent de la magnificence, et d’autres qui vous font vous demander comment vous en êtes arrivés là. Et c’est ça que j’apprécie : c’est un travail entier, qu’on aimera ou pas, mais qui pourra se targuer de ne pas avoir fait les choses à moitié. Et les groupes convaincus et passionnés par leur proposition musicale, ça me fait du bien. Donc folie ou pas, j’ai envie de les encourager dans cette voie et de leur souhaiter de continuer à me faire plonger dans la folie la plus totale, parce que c’est quelque chose qu’ils font remarquablement bien.