Ce "Neutralized" se laisse boire comme du petit lait, c’est le moins qu’on puisse dire. Pas d’intro à cet album 8 titres (euh 8 titres dont la majorité dure 10 minutes je précise), Ram-Zet veut de suite rentrer dans le vif du sujet avec "Infamia", un bulldozer donnant dans un black envoûtant alternant avec la voix féminine très vraie de Sfinx, la chanteuse, notamment dans ce sublime passage délicieusement mélancolique entre 2’23 et 3’09. D’ailleurs Sfinx a plus d’un tour dans son sac, elle me fait penser à l’excellentissime Björk, niveau vocal sa palette de chants est assez impressionnante, elle peut se montrer parfois telle une gamine capricieuse, notamment dans "I Am Dirt", ce qui tranche avec sa voix chaude et puissante d’une assurance à toute épreuve. Qu’importe, quelque soit son registre de chant, la voix sadique de son binôme Zet se marie parfaitement avec la sienne, un pur régal tant tout ceci est superbement coordonné. Pour "Neutralized", Ram-Zet a fait très fort, à grand renfort de violons entêtants, et même le clavecin est de sortie. Le but est clair : déranger, aller au devant des idées préconçues, présenter un travail qu’on ne peut cataloguer dans un registre metal en particulier. Ram-Zet pousse même le vice jusqu’à nous faire avaler un passage jazzy (solo à la Pat Metheny et le son chaud de la contrebasse s’il vous plaît) sur fond d’orgue vampirique très étonnant sur le titre "222" entre 3’02 et 3’22. Ram-Zet = progressif ? Le superbe solo dans la plus pure tradition du metal progressif sur le titre "Addict" entre 5’36 et 6’16 peut le laisser penser en effet…
MAIS le terme progressif ne peut résumer à lui seul la complexité de leur musique, une musique réellement bouleversée et bouleversante. Les sons d’orgue et de violons entremêlés nous emmènent sans ménagement dans un monde dark et morbide, et alors qu’on commence à peine à s’habituer à la pénombre, arrivent des sonorités électroniques qui nous extirpent de cette atmosphère funeste, ou pire, même des passages de solo de guitare classique façon Al Dimeola sont de la fête notamment sur "God Don’t Forgive" entre 4’09 et 4’19, tout simplement ingénieux. Je suis d’avis qu’à l’écoute de ce disque il ne faut même pas essayer de comprendre, il faut juste se laisser faire. L’intro de "To Ashes" m’a fait un peu flippée, des voix d’outre tombe envahissent mes oreilles jusqu’à ce que Sfinx nous dit en Anglais que c’est la fin, qu’elle marche vers les ténèbres, bref on a compris le délire… et cet orgue qui nous renvoie l’image d’un vieux cimetière abandonné, hum, c’est très gai, et encore et toujours ce violon magnifiquement morbide qui étrangement ne lasse jamais… L’album se termine sur "Requiem", où la terrifiante voix de Zet est à son apogée, chacun de ses cris, chacun de ses soupirs, est comme de l’absinthe, exquis et dangereux à la fois, difficile de résister à son appel et de rester de marbre, malgré le froid qui nous glace le sang lorsqu’on écoute son chant. Et mon dieu que cette fin est bizarre et osée, alors que l’on croit le morceau terminé à 6’26, il reprend à 7’51 ! Oui vous avez bien compris, on repart de plus belle sur un passage instrumental de guitare mi-blues, mi-oriental. Bref, il n’y a plus rien à ajouter. C’est du grand art, je suis fan.
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