Le groupe
Biographie :

Portal est un groupe de death metal expérimental australien, formé en 1994, et actuellement composé de : Horror Illogium (guitare / Vomitor, ex-Invocation), The Curator (chant), Aphotic Mote (guitare), Ignis Fatuus (batterie / Grave Upheaval, Impetuous Ritual, ex-Internecine Excoriation) et Omenous Fugue (basse / Impetuous Ritual, ex-Internecine Excoriation, ex-Limb from Limb). Le combo a déjà sorti plusieurs albums comme "Seepia" (2003), "Outre'" (2007), "Swarth" (2009), et "Vexovoid" en 2013, ainsi que plusieurs démos, EPs et splits. Portal fait partie du label Profound Lore Records depuis 2007. Le cinquième album, "Ion", sort en Janvier 2018. "Avow" sort en Mai 2021, suivi le même jour par "Hagbulbia".

Discographie :

2002 : "The End Mills" (EP)
2003 : "Seepia"
2004 : "The Sweyy" (EP)
2007 : "Outre'"
2009 : "Swarth"
2013 : "Vexovoid"
2018 : "Ion"
2021 : "Avow"
2021 : "Hagbulbia"


Les chroniques


"Avow"
Note : 19,5/20

L’art de l’horreur musicale est un thème très souvent abordé dans les musiques extrêmes, dont le but est de repousser les limites de l’imagination, certains groupes comme The Great Old Ones nous mettent face à une horreur psychologique, s’inspirant des écrits de Lovecraft pour montrer l’insignifiance et l’ignorance de l’humanité face à l’immense et froid cosmos. Portal est également de ces groupes qui jouent sur l’horreur psychologique plus qu’explicite, mais va largement plus loin que le groupe précédemment cité, ne réduisant pas l’auditeur à une place minime dans l’univers mais au contraire en le plaçant directement en son centre et face à tous les cauchemars qui lui sont donner d’imaginer. C’est donc avec "Avow" que la formation australienne revient traumatiser son public, si l’album ne change pas les codes qui définissent le style de Portal, on retrouve toujours cette unicité qui n’a jamais été égalée par un autre groupe. Avec Portal, il faut définitivement abandonner tout espoir de se raccrocher à des mélodies ou structures harmonieuses, c’est sur un chaos total que se base l’intégralité de l’œuvre musicale du groupe. Imposant ainsi des pièces très monolithiques et oppressantes, c’est un gouffre d’une noirceur totale et sans concession qui s’ouvre à nous pendant les quarante minutes de l’album.

C’est donc sans changer son inimitable recette que Portal nous sert un nouveau chef d’œuvre, monument incontournable de ce qu’on pourrait qualifier de musique horrifique tant elle est évocatrice en termes de sonorité et d’images. En effet, comment ne pas se retrouver immédiatement pétrifié face à la voix étouffée et inhumaine si particulière du Curator, cette voix qui vient nous hanter tout au long de l’album, portée par des riffs complètement chaotiques qui ne semblent donner aucune cohérence musicale et pourtant fonctionnent à merveille tout au long de l’album. A cela sont bien sûr ajoutés de nombreux éléments noisy (qui viendront pleinement s’imposer dans le deuxième album sorti en même temps que "Avow", "Hagbulbia", qui ne sera pas traité ici). Les morceaux arrivent donc à présenter des visions d’horreur particulières à travers des ambiances parfaitement maitrisées qui montrent qui Portal est bel et bien en parfaite possession de son art.

Rarement la musique n’aura eu de dimension visuelle aussi évidente portée par des riffs de guitare totalement distordus à travers lesquels il est impossible de distinguer le haut du bas et qui semblent parfois évoquer des cris tourmentés comme à la fin de "Manor Of Speaking". On semble être perdu dans une spirale infernale de folie et ce dès le premier morceau, "Eye", qui vient directement attaquer frontalement avec une batterie martelée et assassine pour nous plonger dans ce gouffre avant de nous y conserver froidement et lourdement dans un tempo beaucoup plus bas à la fin du morceau. La guitare, elle, se veut tantôt mise en avant, tantôt plus éclipsée pour mieux revenir, telle une horreur rampante dont on essaierait de se cacher mais qui ne lâchera jamais la poursuite jusqu’à une fin inévitablement tragique qui se traduira par des assauts répétés sur la cymbale de la batterie dans le morceau qui va suivre, accompagné par un riff beaucoup plus urgent comme l’engagement d’une course poursuite vouée à être perdue. Ce que Portal arrive à présenter ici est un véritable tour de force car plutôt qu’une horreur convenue et purement basée sur l’effet de surprise et l’angoisse, c’est une terreur psychologique qui est infligée ici, non sans être dénuée de toute violence, il serait tout de même exagéré de caractériser l’album comme quelque chose de brutal, la violence n’étant pas ici explicite mais implicite. Et c’est à travers tous ces riffs impossibles à caractériser, à ranger dans une case avec des mélodies, que se traduit la violence, une véritable torture musicale pour l’esprit qui va chercher à se rapprocher de quelque chose qu’il connait. C’est face à cette plongée vers l’inconnu qui terrifie tant l’être humain que les titres nous transportent, dans cette musique définitivement hantée par des entités inimaginables et malveillantes qui apparaissent et disparaissent aussi vite, mises en relief par les montées et descentes en intensité des riffs de "Manor Of Speaking".

La fin des morceaux est également intéressante, ces derniers ne se finissant jamais de manière brute et concise mais toujours par une baisse progressive du volume sonore, comme pour montrer que l’horreur ne fait que s’éloigner pour mieux revenir dans le morceau suivant et c’est particulièrement dans ces instants que se trouvent les passages dans lesquels la noise se fait la plus intense, faisant office de pont tout à fait déstructuré, comme un passage à vide froid et oppressant dans un noir total dénué de toute présence, avant que ces dernières ne reviennent nous hanter dans un nouveau morceau. C’est particulièrement remarquable dans le pont entre "Bode" et "Drain" où le silence ne se fait que très court entre les deux morceaux avec le début du second sur les chapeaux de roues et d’une violence froide et intense. Seul ce dernier se terminera de manière abrupte et nette pour clore brutalement ce cauchemar.

Volontairement bien plus chaotique que son prédécesseur, "Ion", qui se voulait d’une rigueur scientifique froide et sans concession, "Avow" nous plonge dans un cauchemar sans limites, une noirceur totale et étouffante de laquelle on ne ressort pas vraiment, laissé abattu par une fin brute et glaciale. Portal se révèle ainsi une fois de plus comme les maîtres absolus de l’horreur musicale, nous présentant une terreur plus imagée que bon nombre de films et ceci seulement à travers une expérience musicale. Se présentant comme un Silent Hill ou The Evil Within sonore encore plus déstructuré et chaotique que les œuvres citées, "Avow" se classe aisément parmi les albums les plus intéressants de 2021 par ce qu’il apporte à la musique et l’art horrifique en général, magnifiquement complété par "Hagbulbia", qui sans être lié à cet album, viendra apporter lui aussi une tout autre dimension à l’horreur selon Portal.


Praseodymium
Juillet 2021




"Ion"
Note : 16/20

Lorsque l’occasion de voir Portal sur scène se présente, avec ce chanteur étrange, la tête enfermée dans ce qui semble être une horloge à coucou, cela ne laisse pas indifférent. Toujours costumés d’une manière assez originale comme Attila Csihar de chez Mayhem qui possède une garde robe impressionnante, les membres de ce groupe masqué préservent l’anonymat. Ajoutons à cela une musique ésotérique capable de réveiller les grands anciens et nous voilà donc prêts à sonder les abysses du néant, accompagnés par les étranges humanoïdes de chez Portal. Frénésie, densité et mouvement sont les maitres mots pour définir "Ion", disque tout frais sorti en ce début d’année. Dissonant, tel un Morbid Angel sous acides, le déluge de notes qui déferle tout au long de l’écoute de ces 9 titres participe à façonner un environnement sonore stressant et suffocant. Avec ces cavalcades de riffs de guitares aux fréquences indésirables, les membres de Portal étendent un voile musical opaque, hermétique, qui favorise la sensation de vertige chez l’auditeur.

Pour ceux qui découvrent ces Australiens, le style de musique proposé ici se situe dans une veine brutal death metal / black metal, mais en développant tout de même une approche personnelle de cette musique de la mort. Ainsi, Il est très délicat de ranger Portal dans une catégorie précise. En ce qui concerne l’exécution instrumentale, les guitaristes pourraient gagner haut la main le "tremolo picking championship" (compétition fictive) tant ça va vite !! Aucun solo n’est à déplorer durant le déroulement de l’album. Pas de repos non plus, le disque n’est pas du tout aéré, si ce n’est que pour laisser s’installer un climat sonore pesant comme sur les intros de "Crone" ou "Revaults Of Volts". Il y persiste cette volonté de semer la confusion chez l’auditeur par un enchevêtrement constant de sonorités, qui participe à l’effacement des formats traditionnels typiques du genre. Il y a du blast et des breaks partout, ça gronde dans tous les sens et ce chant chuchoté et étrange, tel un asthmatique possédé n’est pas là pour arranger les choses. Ces musiciens aux pseudos énigmatiques prennent un malin plaisir à torturer nos esgourdes.

D’un point de vu de la progression du groupe, le son est plus précis par rapport au précédent LP de 2013, "Vevoxoid". Les structures ont également évolué, elles sont plus complexes, moins linéaires. Malgré une densité encore plus compacte que sur les productions précédentes, le magma sonore généré par cette formation dégénérée est mieux dilué, on distingue plus facilement tous les instruments. Si stylistiquement, un penchant esthétique éventuel pouvait permettre de rapprocher Portal d’un metal plus européen, à la Suédoise comme on dit, ici il y a une emphase sur le développement de structures complexes qui confèrent un aspect plus brutal death à l’Américaine : riffs à tiroirs, multiples changements, exécution instrumentale plus précise, contours plus anguleux, les membres de ce groupe étrange se font plaisir à sculpter des morceaux alambiqués au sein desquels il est difficile de s’orienter. Cependant, et c’est en ça que réside la force de Portal, le groupe arrive à susciter l’image d’un monde sans couleurs et complètement déshumanisé vraiment intriguant. On peut considérer qu’"Ion" représente un tournant discographique, une évolution légère mais notable par rapport aux anciennes productions de la formation, et laisse entrevoir de nouvelles perspectives pour l’avenir. Leur musique parapsychologique est plus ambitieuse, l’identité sonore déjà présente est ici consolidée, et la rigueur instrumentale démontre une progression à la fois compositionnelle et technique.

Portal fait partie de cette génération corrompue qui axe son mode d’expression sur la densité et le foisonnement apocalyptique à grands renforts de dissonances. A l’instar de formations excellentes comme Abyssal, Mitochondrion ou encore Tetragrammicide, il est agréable de noter qu’une partie des acteurs du metal extrême s’engouffre vers d’autres univers sonores. Certes, Portal comme les autres formations précitées, propose une musique qui n’est pas facile d’accès, mais le jeu en vaut la chandelle. "Ion" est un album à la fois intéressant, intriguant et accrocheur. Il n’autorise cependant pas le headbanging tant le death / black ésotérique déployé dans "Ion" s’éloigne des notions de groove et de riffs, tout en supprimant les formes et les structures conventionnelles. Portal vous invite ici à partager son univers durant 37 minutes et ça vaut le coup, mais attention, car à trop vouloir sonder les profondeurs de l’inconscient, vous prenez des risques. Ceci dit, le grand Phil Anselmo s’y est essayé, et apparemment ça lui plaît, si si, c’est lui qui le dit, il est fan de Portal et il a bien raison !


Trrha’l
Février 2018




"Vexovoid"
Note : 14/20

"Kilter", le premier titre, commence fort et nous met dans le bain, le chant est guttural, assez grave mais quelques passages aigus et medium sont à noter, cela contraste avec les guitares vraiment lourdes et le blast incessant de la batterie. On remarque des passages très down tempo et surtout dissonants, on sent qu'il y a eu de la recherche, c'est agréable à l'écoute. On entend aussi quelques riffs un peu black dans l'esprit, ce qui fait toujours plaisir quand on aime le black metal. Le côté expérimental ressort vraiment de cet album, certains passages sont très inattendus et pourtant, ils s'enchaînent bien, car tout de même, derrière ces passages inattendus on sent la recherche et le travail, le bémol vient de l'enregistrement, on aimerait entendre les instruments plus clairement, mais il est vrai qu'un enregistrement un peu sale parfois peut accentuer une atmosphère, et encore plus lorsque la musique est expérimentale. Globalement, cet opus est plutôt bien et intéressant mais lors de l'écoute, on a quelque peu le sentiment d'entendre la même chose mais jouée différemment. C'est quand même à écouter car la recherche musicale en vaut la peine ainsi que l'atmosphère mystique donnée, après il faudra suivre un peu l'évolution sur un prochain CD. Pour les fans de Oracle Of Fire, Rain Delay, Earth, Unna, Ars Moriendi.


Black Beer
Mars 2013


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/portaldeath