Le groupe
Biographie :

Pensées Nocturnes est créé en 2008 par le compositeur Léon Harcore. Il compose sa première chanson, "Flore", en Août 2008 et sort son premier album "Vacuum" en Avril 2009, édité chez le label Les Acteurs De L'Ombre Productions, créé à cette occasion par Gérald Milani. De 2008 à 2016, les cinq albums studios sont entièrement composés, enregistrés et mixés par Léon Harcore. À cette époque, il considère qu'envisager des concerts est une limite à la créativité, bridant les possibilités de la composition par les contraintes matérielles du live. Toutefois, par contrainte technique, il utilise des synthétiseurs en remplacement de plusieurs parties instrumentales (violon, contrebasse, choeurs, orgue). En 2016, Léon Harcore souhaite jouer sa musique lors de concerts et invite alors des amis à le rejoindre. Pensées Nocturnes donne son premier concert le 4 Décembre 2016 à Lille, sans publicité préalable, son nom n'étant pas annoncé sur l'affiche. En concert, les musiciens sont maquillés comme des clowns tristes, habillés de débardeurs sales et Léon Harcore porte la veste traditionnelle de Monsieur Loyal, déchirée et sale. Le 1er Février 2019 sort l'album "Grand Guignol Orchestra", enregistré et mixé au studio Henosis. Le septième album du groupe, "Douce Fange", sort le 21 Janvier 2022, enregistré et mixé au studio Henosis.

Discographie :

2009 : "Vacuum"
2010 : "Grotesque"
2011 : "Ceci Est De La Musique"
2013 : "Nom D'une Pipe !"
2016 : "A Boire Et A Manger"
2019 : "Grand Guignol Orchestra"
2022 : "Douce Fange"


Les chroniques


"Douce Fange"
Note : 16/Vin

Sortez le pinard et les accordéons, Pensées nocturnes est de retour avec "Douce Fange" et la santé mentale ne s'est pas arrangée ! On repart pour un tour dans la vieille France avec ce mélange toujours aussi improbable entre le black metal, le bal musette, Jean-Marie Bigard et Yvette Horner. On retrouve donc les jeux de mots foireux, l'humour graveleux et ce croisement musical totalement barré et bourré.

On démarre sur une intro qui nous explique le comportement du coq avec des samples de documentaires animalier sur fond de rythme martial et de cuivres dissonants, ou bourrés, ça marche aussi. Le côté ironique et satyrique de la chose saute évidemment aux oreilles mais ça c'est une habitude chez Pensées Nocturnes qui a toujours aimé manier le vitriol. Quand le chant clair débarque, c'est tout en théâtralité et les racines black metal se ressentent surtout dans la froideur et la mélancolie des mélodies ou de certains riffs. Pour le reste, on brise les barrières de ce style et de loin, là encore ce ne sera pas une surprise pour qui a déjà jeté une oreille sur ces grands malades. Après un "Viens Tâter D'mon Caroussel" torturé, c'est le presque black metal big band "Quel Sale Bourreau" qui enchaîne et une fois de plus on remarque que si l'ensemble a l'air totalement déglingué, tout ça se tient très bien techniquement et n'est pas aussi incontrôlé que ça en l'air. Après un premier contact avec la musique du groupe, on peut avoir l'impression que c'est fait par dessus la jambe mais c'est loin d'être le cas et au-delà de toute considération de goût, le boulot réalisé ici est indéniable. Et en parlant de goût, vu la tronche de l'engin, c'est clair que ça passe ou ça casse, Pensées Nocturnes n'a jamais fait dans la demi-mesure et ce n'est pas avec "Douce Fange" que cela va commencer. Quelques blasts viennent encore se faire entendre au milieu de trémolos et d'arpèges dissonants qui donneront quelques points d'accroche aux amateurs de black qui viendraient se perdre par ici. Autant dire que les sonorités bal musette déglingué ou troupe de cirque raide bourrée vont faire un drôle d'effet aux puristes qui auraient la mauvaise idée de laisser traîner leurs tympans sur "Douce Fange", parce que le moins que l'on puisse dire c'est qu'il faut avoir l'esprit musical ouvert pour apprécier cette bestiole.

En tout cas, en termes de production, ça sonne parfaitement bien avec un son puissant, propre, clair et vu le nombre d'instruments et de couches de sons qui se croisent là-dedans il valait mieux que ce soit le cas. Ce qui prouve encore que tout ça n'est pas fait par hasard et qu'aussi malades ou bourrés que sont les membres de ce groupe complètement allumé, ils n'en savent pas moins ce qu'ils font. Jusqu'à maintenant, c'était un membre (oui, il y a une vanne grasse très subtilement cachée ici) puisque Vaerohn renommé ici Léon Harcore fait tout en temps normal mais il s'est visiblement entouré d'autres membres qui apparaissent d'ailleurs sur les photos promo, alors parlons de groupe pour cette fois. Les plus jeunes passeront à côté de certaines références et louperont quelques occasions de se marrer, notamment ce superbe sample de Mäïté sur "PN Mais Costaud" avec le fameux ortolan ou celui de "Fin Défunt". Ils seront peut-être plus nombreux à reconnaître celui tiré de C'est arrivé près de chez vous au début de "Saignant Et A Poings", ce qui confirme qu'on a de bonnes références chez Pensées Nocturnes. Les rapprochements qui ont été faits plus d'une fois avec Peste Noire ne sont pas si pertinents puisque en dehors du délire conceptuel orienté vieille France, ces derniers ont un visage bien plus punk que Pensées Nocturnes et leurs univers, malgré un fond commun, sont finalement assez éloignés musicalement. "Douce Fange" développe son propre univers et tout le monde n'arrivera pas à y entrer, un album pareil ça passe ou ça casse. Une fois de plus, la démarche est à saluer et que l'on aime ou pas, voilà des fous furieux qui se foutent totalement des barrières et des codes et qui se font du coup une patte bien marquée.

Pensées Nocturnes nous envoie donc avec "Douce Fange" un album une fois de plus complètement barré, à moitié bourré aussi et le mélange black / bal musette est toujours aussi improbable et pourtant toujours aussi bien foutu. Dire qu'il faut avoir l'esprit ouvert pour apprécier tout ça serait un euphémisme et je vais me contenter de vous conseiller d'aller jeter une oreille là-dessus, vous saurez bien vite si la musique de ces grands malades vous parle.


Murderworks
Mars 2022




"A Boire Et A Manger"
Note : Nom d'une pipe/20

Attention, aujourd'hui on s'attaque à un gros morceau, à savoir "A Boire Et A Manger", le nouvel album de Pensées Nocturnes. Si je dis ça c'est parce que la musique de Vaerohn a le don de ne laisser personne indifférent, on peut même dire que depuis le précédent album, le sieur à repoussé les quelques limites qu'il s'autorisait encore sur ses premières réalisations et que ce nouvel opus risque encore de bien faire jaser.

On comprend vite que ce genre d'album est un cauchemar pour les chroniqueurs et qu'il est bien difficile d'écrire sur un engin pareil, mais bon on va essayer de faire quelque chose qui tient à peu près debout. Si les premiers albums présentaient encore un visage black assez prononcé même si noyé au milieu de multiples influences, on ne peut plus en dire autant de "Nom D'une Pipe !" et de ce nouvel album. A partir de "Nom D'une Pipe !", la musique de Vaerohn est littéralement devenue un cirque, dans tous les sens du terme d'ailleurs. Un cirque qui mélange tout et n'importe quoi, du black, des sonorités baroques, de la trompette, de l'accordéon, des ambiances dépressives, d'autres complètement perchées etc... Un cirque qui tourne en dérision notre société, il suffit de voir les titres des morceaux ou de jeter un oeil aux paroles pour comprendre que c'est du cynisme et de l'ironie à tous les étages. Ce nouvel album, comme le précédent d'ailleurs, est une énorme satyre de la société actuelle, on a d'ailleurs souvent l'impression d'entendre une version musicale des Bidochons. Cela dit, j'avoue que cette surabondance de sonorités différentes, d'instruments divers et variés et de pas mal d'autres choses sur la présence desquelles on se pose des questions, bref j'avoue que tout ça a tendance à créer une saturation chez moi. Il y a trop de tout, ça devient un vrai défi de s'y retrouver au milieu de tout ce foutoir, pourtant on sent clairement que comme d'habitude il y a eu un gros travail sur la composition et les arrangements. Pour faire simple, disons qu'"A Boire Et A Manger" porte bien son nom.

En tout cas, même si sa musique ne me parle pas particulièrement, je tire mon chapeau à Vaerohn. Ce type a une vision, il s'y tient, quitte à froisser et a depuis longtemps décidé d'envoyer chier tout le monde et de faire ce qui lui passait par la tête. Une attitude que tout artiste digne de ce nom devrait adopter. Si vous voulez avoir une description purement musicale, je vous annonce derechef que ça ne va pas être possible, la musique de Pensées Nocturnes est volontairement inclassable et il y a de toute façon tellement d'univers qui s'entrecroisent ici que je serais bien en peine d'en faire un quelconque inventaire. Le chant clair bien faux de Vaerohn risque toutefois d'irriter une fois de plus pas mal de tympans, même si là encore c'est sûrement volontaire. Encore une fois, cet album donne l'impression d'avoir affaire à un cirque totalement dégingandé dont le personnel est complètement bourré en permanence. La dépression est encore latente mais noyée dans un état d'esprit bien plus je-m'en-foutiste, Vaerohn envoie définitivement chier tout le monde et toutes les conventions. L'humour à base de jeux de mots foireux est toujours là, lui aussi, il s'exprime même plus encore que par le passé et il suffit de voir les titres des morceaux pour s'en rendre compte. Globalement j'avoue que je suis sûrement passé à côté de la bête, mais bon on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.

En temps normal, les notes posées sur les chroniques ne le sont qu'à titre purement indicatif, c'est encore plus vrai cette fois. Impossible de réellement noter un truc pareil, et ce n'est pas un reproche. Suivant les affinités et la façon d'envisager la musique, cet album pourra être vu comme un chef d'œuvre incompris, un merdier sans queue ni tête voir ni l'un ni l'autre. Pensées Nocturnes est plus que jamais un OVNI dans le paysage musical (pas seulement metal, ça va plus loin que ça), ça passe ou ça casse.


Murderworks
Avril 2016




"Nom D'une Pipe !"
Note : 17/20

"Vacuum" était noir et innovateur, "Grotesque" pouvait l'être encore plus, et il avait cet aspect unique, singulier, excentrique et à contre courant de toute scène. "Ceci Est De La Musique" a commencé à se déporter vers les méandres de la folie, dans un univers de plus en plus difficile à assimiler pour qui voulait bien l'écouter... Pensées Nocturnes était devenu quelque chose de vraiment, de totalement marginal. Quelque chose qui lui donne cette texture soit détestable soit tellement intéressante et soit disant vouée à une démarche intellectuelle qui motive une "élite" seule apte à comprendre ce que veut bien laisser transparaître son auteur.... Avec "Nom D'une Pipe !", je suppose que Pensées Nocturnes est allé une fois de plus vers l'exploitation de la mise à l'écart la plus totale vis à vis de toute forme de musique dite "commerciale", quelle soit de la scène metal extrême ou de n'importe quelle scène d'ailleurs.

On a la sensation d'avoir en face de soi, de la poésie du siècle dernier, avec l'âme de la vieille France, celle qui brille encore dans le regard de tous les autres pays du monde, quand ils nous voient. Celle qui fait de nous des porteurs de bérets, avec sous le coude une baguette, des enfants aux sabots de bois, de l'accordéon, de la brasserie parisienne, avec notre bonne vieille Tour Eiffel et la fameuse "2 CV", qui nous aidait à faire la route... Voilà ce qui pour moi est aujourd'hui Pensées Nocturnes.

Exit le black metal dépressif jazzy, la torture mentale n'est plus du côté de la noirceur absolue, mais plutôt de celui de l'art contemporain, car "Nom D'une Pipe !" n'est ni de la musique, ni du black, ni du jazz, ni de l'avant-garde, c'est juste de l'art contemporain ; une espèce de ready-made où plusieurs courants musicaux viennent se rencontrer comme les affluents de la rivière de la vie, et à chaque moment important on peut écouter la torpeur, l'apathie, la haine, l'amour aussi, de son auteur, autant d'états d'âme qui font de cette œuvre musicale peut-être pas quelque chose au dessus de tout, mais un "album" ou plutôt une suite de musiques vraiment intéressantes pour peu que l'on y entre véritablement dedans et que l'on fasse attention aux moindres détails... Je veux dire par là, que d'une part, connaître la discographie de Pensées Nocturnes peut sembler important (sans être indispensable pour autant) pour placer ces neuf titres dans leur contexte, à savoir comme étant une suite logique de tout ce qu'à pu écrire Vaerohn, et donnant aujourd'hui une musique de saltimbanque du bizarre, une musique monstrueuse et magnifique à la fois.

Attirée comme les chants des sirènes, l'oreille curieuse, l'âme vagabonde y trouvera tellement d'anecdotes pétillantes, de passages si troublants et dérangeants que la curiosité grandira jusqu'à la fin de l'album, jusqu'à la fin des cinquante minutes... D'un autre côté la recherche de la puissance, de la violence, de la musique extrême et de quelque chose de connu ne sera jamais assouvie avec Pensées Nocturnes. Ainsi tout habitué de death, black ou thrash qui ne sort pas des sentiers battus, trouvera et ce à juste titre que "Nom D'une Pipe !", c'est simplement de la grosse merde, exploitée commercialement en argumentant odieusement que cette création est digne d'un virtuose, et en criant haut et fort au génie... Et en fonction de où l'on a bien envie de se placer, toute analyse peut bien être la bonne dans l'oreille de celui qui écoute et dans l'oeil de celui qui veut voir.

Quoiqu'il en soit, quoiqu'on en pense, au fur et à mesure des albums Pensées Nocturnes a néanmoins présenté à chaque fois un visuel travaillé, et l'artwork de "Nom D'une Pipe !" est au moins aussi somptueux que celui de "Grotesque", replaçant plus ou moins l'auditeur dans une époque trouble qu'était la fin du 19ème siècle, l'époque malsaine d'un monde où beaucoup de choses étaient permises... Produit, réalisé et mixé par Vaerohn, travaillé par réamping au Whitewasteland studio et finalisé au mastering par Benoït au Drudenhaus, c'était juste pour l'info, parce que le son de la production n'est pas vraiment le facteur essentiel qui fait de « Nom d'une pipe » l'oeuvre atypique qu'elle veut bien être... Tel le David Lynch de la musique extrême et non extrême en fait, Vaerohn nous fait traverser l'album comme si l'on traversait les générations, comme si l'on traversait les époques crades de Elephant Man, la tourmente d'un Twin Peaks ou encore la brume d'un Mulholland Drive.

Et donc on assiste sagement au spectacle, prêt à tout encaisser, surpris par tellement de segments, comme les parties au saxophone et à la trompette, les accords désaccordés de "Il A Mangé Le Soleil", les moments d'accordéon, les passages de narration, les samples fous et incongrus qui font passer au second morceau "Le Marionnettiste"  où l'atmosphère jazz et foraine d'un cirque de la rue avec des hurlements déchirés et des chantonnements "grotesques" et maladroits règne en maître pour finir sur une ambiance reggae malfamée de la France des année 80.

Pensées Nocturnes revisite le tour de France, non pas sur bicyclette, dopé pour la "gagne", mais un tour de France des traditions. "Les Hommes A La Moustache" et son atmosphère très patriote à la rescousse d'un chien, sur fond de trompettes orchestrales annonce avec fracas "Le Berger" qui désoriente totalement l'auditeur avec sa brutalité burlesque où s'entrechoquent la violence de vocaux extirpés des entrailles de l'enfer avec des guitares et une batterie qui se veulent black dépressives.

Puis vient le temps de "La Chimère" : le moment de compassion, l'instant nostalgie, celui où les larmes tombent sur le sol jusqu'à ce que l'on se noie dans notre tristesse à en inonder notre conscience protégée faiblement par les parois créées par notre solitude, face à cette introduction composée de samples de Coluche, soutenue par un piano qui aurait plu au "Clair De Lune" de Beethoven, avec toute cette orchestration, ces violons, ce piano, ces guitares spleenantes qui nous mettent face à nous-mêmes et nous montrent la triste réalité de la vie (ou de la mort) et où comme le dit si bien le texte : "Les vers savent qu'ils n'ont pas d'ailes, c'est pourquoi ils se cachent sous terre".

Pensées Nocturnes joue avec les notes et les ambiances comme Raymond Devos ("L'Androgyne") jouait avec tous nos "sens (interdit)", et comme un homme orchestre il inclut dans ses moments les plus sombres, après nous avoir parlé de Léon Zitrone, des arrivées triomphales d'instruments inattendus, comme le passage tango-bal musette de "L'Androgyne" où la voix féminine surpasse toute attente, où la chanson offre une dimension multiculturelle joignant à son approche black une musique d'antan qui mariera plusieurs générations. Jusqu'au bout, Vaerohn joue l'illusionniste qui nous transporte dans son "musette black metal" qu'il contrôle de mieux en mieux, qu'il façonne comme il veut pour donner l'impression de créer de la musique. Mais au fond c'est une bande son, un fond sonore trompe l'oeil qu'arrive à composer Vaerohn, un chef d'oeuvre magistral qui ne s'écoute pas comme un album musical. Non c'est une œuvre complète qui nous fait vivre de véritables émotions, qui nous raconte quelque chose. "Nom D'une Pipe !", on ne l'écoute pas, on le vit. Le dernier titre "Bonne Bière Et Bonne Chère" clôt l'album symphoniquement, avec une première partie dont je n'ai pas réussi à retrouver les influences classiques, et avec une seconde partie où les bandasses ont la part belle. Et comme le faisaient si bien les guets parisiens, Pensées Nocturnes termine son œuvre par "Il est minuit, tout est tranquille dormez braves gens"...

Plein de références de notre bonne vieille France, "Nom D'une Pipe !" est savoureux comme une bavaroise aux fraises sur génoise, et onctueux comme une forêt noire. Si l'écoute de ce nouveau chapitre ne doit peut-être plus se prendre comme un album de musique mais plutôt comme le générique de notre pays aux cours des deux derniers siècles, une personne non avisée risquerait bien évidemment d'y cracher dessus comme on crache sur ce que l'on considère avec mépris sans en connaître la véritable teneur. Quoiqu'il en soit le travail sur cet album est colossal, qu'on apprécie ou pas son contenu... Alors rien que pour cela, on salue l'artiste bien bas...


Arch Gros Barbare
Septembre 2013




"Grotesque"
Note : 14/20

On dit que le ridicule ne tue pas, mais le grotesque subjugue c'est certain... J'avais déjà succombé à la musique de Pensées Nocturnes parce que son maître Vaerohn avait réussi à me faire sortir de ma torpeur grâce à une musique si étrange et si originale que pouvait présenter "Vacuum", au travers d'un black metal agrémenté de musique classique et de passages blues urbanisés. Cette fois-ci la démarche est encore isolée, avant-gardiste au possible, et l'on se retrouve au beau milieu d'un monde de folie où tout tourne autour de vous sans comprendre pourquoi c'est vraiment là, mais en fait vous suivez le fil conducteur d'un des éléments et tout vous paraît censé, jusqu'au moment où vous reperdez les pédales et votre cerveau ne peut plus discerner la réalité de la fiction, ne sachant pas sur quoi ou qui se repérer.

La musique de Pensées Nocturnes c'est cela. Si l'on devait donner une équivalence, "Grotesque" c'est un peu la série Twin Peaks mis en musique pour ceux qui ont connu. En peinture ce serait la rencontre de Des éléphants de Salvador de Dali qui traversent l'enfer de Jérôme Bosch, ou encore la tourmente d'Elephant Man qui cherche du réconfort dans une ville des années 30, dominée par les personnages du film Freaks... Tout ceci peut paraître "Grotesque", mais c'est la sensation, les frissons, le mal-être qui ressort de la musique de Pensées Nocturnes. Vaerohn se présente en véritable Rita Mitsouko du black metal. Je dis du black metal car c'est avant tout la prédominante qui ressort encore de cet opus, comme pour le premier, un black metal dépressif que l'on redécouvre immédiatement sur "Paria", mais avec également ce petit, tout petit passage blues / jazz en début de morceau à la basse, qui remonte à la surface, laissant deviner l'intérêt du créateur de tant de folie pour cette musique. Mais passé l'idée principale de black dépressif, on se rend compte que "Grotesque", encore plus que son prédécesseur, ne peut s'écouter que d'une oreille attentive, afin de se rendre compte de tous les petits détails que Vaerohn a inséré dans sa musique. Ce n'est pas un album en tant que tel, mais un déroulement de sons, de rythmes qui pourraient accompagner plusieurs scènes de la vie quotidienne, mais également l'enfermement cérébral que l'on peut s'infliger parfois lorsqu'on est confronté à la solitude. Vaerohn réussit à créer la différence musicale, un univers bien à lui qui va au delà de notre ordre musical établi. Les passages ultra rapides, où la batterie ne cesse de percuter inlassablement, où les modulations de voix de Vaerohn nous font frémir par tant d'explorations torturées, reviennent sans cesse, s'arrêtant net pour laisser libre cours à des atmosphères tourmentées et pesantes qui ne font qu'aggraver cette sensation étrange de trouble de l'esprit.

"Grotesque" fait l'effet d'une véritable drogue, tant d'imagination ne peut pas sortir que d'un seul esprit. A côté des passages black metal, viennent se confronter des passages symphoniques grâce à l'utilisation de sons de cuivres et de pianos, façons néoclassique des années 30's qui agrandissent la puissance des morceaux. Le nom de cet album lui va à merveille, il ne pouvait pas se nommer autrement. C'est vrai qu'il est difficile de parler d'album et non pas de bande-son, car un peu à la manière d'un "Death' Design" de Diabolical Masquerade, "Grotesque" pourrait facilement être compris en tant que tel plus qu'en tant qu'album. Ce nouvel opus nous fait facilement oublier "Vacuum" qui pourtant était touchant d'originalité et de singularité. Ici c'est l'enchainement des passages black metal et des astmosphères sorties tout droit de films d'angoisse et de thriller psychologiques qui font de cet album un véritable petit bijou. La beauté pure, et fragile vient aussi pointer le bout de son nez à environ une minute de la chanson "Eros". Simplicité naturelle et fragilité tendre d'un moment d'égarement Vaerohn propose à ce moment là, une musique orientée vers le shoegaze black qui nous rappelle un petit peu Alcest.

Bizarrerie de cirque, foire aux monstres ou encore pauvreté de la rue avec "Monosis" ou alors spiritualité morbide de "Hel", Pensées Nocturnes repousse "l'irrepoussable" à chaque chanson de son album. C'est "Thokk" qui viendra décocher la place de chanson la plus rationnelle avec des envolées symphoniques et mélodiques, aux allures de musique de cathédrale, annonçant la fin de l'album, sans doute comme la mort de l'âme. Et effectivement c'était bien cela car "Suivant"dernier morceau de cet exceptionnel recueil morbide, vient clôturer celui-ci pas des notes de piano néo-classique si tristes et mélancoliques qu'on ne peut que recommencer l'écoute de l'intégralité de "Grotesque" pour être certain d'avoir compris ce qu'il y avait à comprendre...

Du début de son introduction "Vulgum Pecus", faisant office d'oeuvre titanesque "Grotesque" est une curiosité sortie d'un esprit génialement sadique. Si "Vaccum" m'avait époustouflé, il n'y a pas de mot pour celui-ci. Accompagné encore d'un artwork réalisé par 3 crosses qui reflète exactement le contenu effrayant et attirant de cet album, "Grotesque" est un album incontournable.


Arch Gros Barbare
Mai 2010


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/pnrecords