Le groupe
Biographie :

Melted Space est un projet créé en 2007 par le pianiste et compositeur Pierre Le Pape (Wormfood, Embryonic Cells). Influencé par le metal, les bandes sonores de films et la musique électronique, il tente de créer des compositions qui mélange ces styles. Voici les racines d'un "monde" étrange. Un monde qui serait la dernière étape du voyage de Dante, un monde occupé par les âmes perdues et oubliées qui racontent leurs aventures aux voyageurs. Coulé dans l' oubli, c'est leur seule façon de perpétuer leur mémoire. Un album auto-produit instrumental est enregistré en 2009. Le décor est planté : sombre, obscur et plein de souvenirs comme ceux de Dante, Le Pendule de Foucault et le Soleil, qui nous guident dans ce premier voyage. Pour donner vie à cette saga épique, Pierre s'entoure de 26 chanteurs et musiciens de groupes tels que Hacride, Destinity, The Old Dead Tree, Carnival in Coal, Kells, Phazm, Gorod... Chaque membre met beaucoup d'efforts dans son rôle, apportant profondeur et originalité à son caractère ou son partie instrumentale. "From The Past" sort en Mars 2012. Après le vif succès de cet album, Melted Space est de retour avec "Between" dédié à la légende de Romulus et Remus. Liv Kristine (Leaves' Eyes) et Ashmedi (Melechesh), ainsi que d'autres chanteurs, font partie de l'aventure. En 2015, Melted Space signe chez le label américain Sensory Records pour la sortie de "The Great Lie" en Octobre 2015, puis part en tournée avec Symphony X et Myrath. Début 2018, Melted Space est de retour avec son quatrième album, "Darkening Light".

Discographie :

2009 : "There's A Place"
2012 : "From The Past"
2013 : "Between" (EP)
2015 : "The Great Lie"
2018 : "Darkening Light"


Les chroniques


"The Great Lie"
Note : 16/20

"Darkening Light" est le quatrième opus du projet Melted Space, impulsé par le claviériste, chanteur et compositeur Pierre Le Pape. Il s'agit pour moi d'une découverte car je n'avais, jusqu'à présent, jamais vraiment entendu parler du groupe.

Avant toute chose, c'est sa beauté graphique qui a attiré mon attention sur ce CD. Chaque élément de ce digipack respire l'élégance grâce au travail magnifique d'Adrien Bousson, qui allie ici onirisme et symbolisme avec un savoir-faire remarquable. D'ailleurs, en feuilletant le livret, on se rend compte que l'artiste a été vraisemblablement inspiré par un concept fort. En effet, je vois que les paroles des morceaux sont présentées de façon bien particulière en mettant en avant différents éléments. Au final, je réalise que les douze éléments présents dans le livret renvoient à douze chanteurs (et pas des moindres) qui ont collaboré à cet album. Pour moi qui ne connaissais pas le groupe jusque là, vous pouvez imaginer ma surprise en voyant apparaître côte à côte tous ces grands noms de la scène metal française et internationale ! Après "Beloved Antichrist" de Therion, me revoici déjà face à une autre œuvre qui apparaît être hors du commun.

Comme je le pressentais, "Darkening Light" est bien un concept album basé sur une trame narrative qui est assez originale, tout en restant dans la continuité des autres œuvres du groupe. Les douze voix des chanteurs et chanteuses y racontent la création de l'univers et de l'Homme par les forces de la nature. Sous l'influence du Mensonge, l'humain trahit ses créateurs et finit par ne plus respecter le monde qui l'entoure. Les forces élémentaires décident donc, à contre-cœur, de renier leur création pour créer une nouvelle ère, débarrassée de l'humanité.

Découpée en neufs chansons plus une courte introduction instrumentale, l'album est remarquablement bien construit. A la manière d'un Ayreon ou d'un Avantasia, "Darkening Light" est une œuvre progressive, épique et mélodique qui mélange metal symphonique, power metal et death metal. Les chants mélodiques de Pierre Le Papa, Clémentine Delauney (Vision Of Atlantis, Serenity), Guillaume Bideau, Lucie Blatrier (A Quiet Day For Mellow Dreams), Guillaume Bideau (Mnemic), Aily Gimenez (Sirenia), Øyvind Hægeland, Silje Wergeland (The Gathering) et Jeff Scott Soto y côtoient les voix extrêmes de Sakis Tolis (Rotting Christ), Black Messiah (ex-Seth), Meikael Stanne (Dark Tranquillity) et le chant lyrique de la cantatrice prodige Catherine Trottman. Le tout est appuyé par des musiciens virtuoses : Adrian Martinet à la guitare, Brice Guillon à la basse, Mike Soccoman à la batterie et Pierre Le Pape aux claviers, auxquels vient s'ajouter l'orchestre philharmonique de Prague.

Avec des compositions solides, un casting de dingue et une magnifique réalisation graphique au service d'un concept fort, ce "Darkening Light" semble rassembler tous les éléments pour faire un carton plein. Or, malgré tout cet attirail, il me manque pourtant encore quelque chose pour adhérer pleinement à cet album. En effet, on a ici la sensation d'être face à une super-production un peu tape à l’œil qui bascule trop ostensiblement dans un registre grandiloquent. De fait, même les plus beaux passages de cette œuvre parviennent difficilement à me toucher. Je retrouve là le défaut de nombreux groupes de power metal ou de metal symphonique qui peuvent proposer de superbes albums tout en puissance mais qui, personnellement, ne parviennent que très rarement à m'émouvoir.

Malgré ces quelques réserves personnelles, "Darkening Light" n'en reste pas moins une œuvre brillante qui ne devrait pas manquer de ravir les fans du genre.


Zemurion
Mars 2018




"The Great Lie"
Note : 16/20

Melted Space est un projet ambitieux du pianiste et compositeur Pierre Le Pape et se veut l’un des premiers opéras metal français. On parle ici d’un groupe "All Star" à la manière Ayeron (d’ailleurs, le populaire Arjen Lucassen fait une apparition sur la pièce "One Who Lost the Faith"), avec des chanteurs et chanteuses de renom tels Clémentine Delauney (Vision Of Atlantis), Guillaume Bideau (Mnemic) ou Viriginie Goncalves (Kells).

L’album débute avec la pièce "Listen To The Song Of Dispair", correcte sans plus, laissant transparaître le talent des chanteurs et la participation de l’orchestre philharmonique de Prague. La pièce suivante, "Called By The Queen", interprétée par Bideau et Christine Rhoades (Jeff Loomis) poursuit dans la même veine que l’intro : du prog metal proche du power metal, peu inspiré et plutôt prévisible si vous me demandez mon avis. La troisième pièce, "No Need To Fear", nous propose enfin le premier moment d’intérêt avec un passage aux voix growlées bien sympathique dans son agressivité ainsi qu’un beau  blast beat  tout en puissance ! Petite note au passage, cette pièce présente également un narrateur… Est-ce seulement moi ou bien n’existe-t-il aucun comédien de talent dans le monde du metal ? Je ne connais encore aucun album concept possédant un narrateur digne de ce nom. Fin de la parenthèse.

Le niveau augmente d'un cran avec "Terrible Fight", avec de la vitesse, des growls, des blast beats, des passages vocaux multi voix, etc. "The Great Lie" se découvre donc comme un film d’auteur. Départ lent certes, mais telle une histoire alambiquée, l’album laisse entrevoir ses couleurs au goutte-à-goutte. À souligner, la performance de Manuel Munoz (The Old Dead Tree) sur la magnifique ballade "A God Is Dead", pièce toute en subtilité piano / orchestre, très touchante.

Le travail de production par contre est remarquable. Le son est épique et immense, parfait pour ce type de projet complexe. Saluons donc le travail colossal réalisé par François-Maxome Boutault et Jan Hotzner. Coproduit par Boutault ainsi que Le Pape, il clair que ce dernier a su s’entourer d’une équipe de choix pour s’assurer de rendre à la perfection l’œuvre qu’il a imaginée. Au total, cela me fait drôle d’écrire que les meilleurs moments d’un album dit "metal opera" viennent des passages de vocaux "death" ! Un ambitieux projet certes, malheureusement victime de son manque d’originalité.


Mathieu
Juillet 2016




"Between"
Note : 17,5/20

Depuis "From The Past" qui a marqué l'année 2012 comme une des sorties les plus brillantes de la scène françaises (qu'elle ait été reconnue ou pas), d'autant plus que c'était un double CD, avec des invités de prestige tels que Virginie (Kells), Manu Munoz (The Old Dead Tree), Liesbeth Cordia (Eve's Fall), Guillaume Martinot (ex-Gorod), Pierrick Valence (Phazm, Scarve), Dagoth (Otargos), Arnaud Strobl (Carnival In Coal) ; on peut dire que Pierre Le Pape (Wormfood) a lancé la machine et qu'elle n'est pas près de s'arrêter. Melted Space risque de prendre de plus en plus de temps à son compositeur s'il s'attache à sortir une production tous les ans, et qui plus est avec une production toujours ardemment peaufinée, et des compositions extrêmement bien arrangées et intéressantes.

Evidemment ici ce n'est pas un nouvel opus, il faut quand même laisser le temps aux auditeurs la possibilité de bien ingurgiter et de digérer un tel album comme "From The Past". Mais tout de même pour ne pas perdre le fil de l'actualité et certainement parce que le sieur semble être vraiment productif dans un environnement musical qui lui est véritablement adapté, le projet Melted Space offre donc cette année "Between". Un mini CD qui n'est pas là pour faire de l'ombre au double album, mais qui tout de même, lui sera totalement complémentaire avec à la base un sept titres et trois bonus tracks (dont deux versions acoustiques et un remix opéra de morceaux qui figuraient sur "From The Past") offerts gracieusement.

C'est donc un mini CD qui dure un peu plus de sa petite demi-heure, en soit ça reste correct à tous les niveaux, autant dans l'intérêt de la possession d'un tel objet que dans son écoute. L'intérêt de la possession c'est que ce "Between" se présente encore une fois sous la forme d'un petit digipack, dont l'artwork a été réalisé par le Strychneen Studio et pour lequel au delà du jeu des couleurs sables on peut y découvrir une imagerie véritablement somptueuse à l'intérieur et dans le booklet. Et pour celui qui est amateur du format physique, l'aspect digipack pour un petit (mais pas si petit que ça quand même) mini CD a son lot de demandeurs.

Avec ce nouveau CD, on peut largement estampiller Pierre Le Pape comme le Christos Antoniou français et Melted Space mis en avant comme le Chaostar français, cette comparaison serait amplement justifiée au vu du talent qui émane de son créateur et de la qualité de ses compositions dans lesquelles on entre facilement pour découvrir une histoire musicale et une œuvre encore une fois, magistrale et indispensable. En effet si Chaostar au fur et à mesure des albums a montré des arguments mettant en exergue un style lui aussi pouvant illustrer des films ou pouvant être qualifié d'opera metal, Melted Space dans un registre différent s'approche malgré tout dans sa démarche de ce que Chaostar a ouvert comme porte. Et "Between" vient prolonger l'exploration du monde de Melted Space d'une manière encore plus attractive que "From The Past" sur nombre de passages.

Les sept titres :

Sur fond d'histoire biblique relatant celle de Romulus et Remus, créateurs de Rome, frères jumeaux élevés par une louve, les sept "véritables" morceaux qui composent la majeure partie de ce mini album, sont d'une écriture divine. Pas une seule fois on peut se vanter d'avoir une pensée négative, même pas par méchanceté gratuite, bien au contraire, Pierre Le Pape arrive dès la première seconde à nous entourer de sa magie d'Opéra mais encore plus loin à nous donner l'image fictive et virtuelle de sa musique grâce à ses notes. C'est totalement vrai de considérer ses chansons comme une B.O de film et l'impact est si fort qu'on arrive à s'imaginer ce film au travers de l'oeuvre de Melted Space. "Return To The Land Of The Forgotten" est un générique à lui tout seul, un générique d'oeuvre cinématographique épique comme pouvait l'être celle de Basil Poledouris dans Conan le Barbare. La BO qui traverse les âges et dont tout le monde sera fan à tout jamais. Alors comme pour "From The Past", il fallait s'attendre à des invités de marque, ce qui je pense sera une des signatures artistiques de Melted Space sur le long terme, un peu comme le Avantasia de Tobias Sammet. Cette fois-ci on peut découvrir sur le premier titre "Dying Legend", la sirupeuse voix de Liv Kristine (Ex-Theatre Of Tragedy, Leave's Eyes) qui épouse à merveille les mélodies symphoniques en prenant le rôle de la louve et en apportant cette touche personnelle qu'elle a su donner il y a longtemps maintenant à Theatre Of Tragedy avec ses montées dans les tonalités aiguës qui apportent à chaque fois cette facette doom / gothique si particulière et envoûtante. Il est à supposer que la présence de Liv Kristine est en corrélation directe, l'un ayant été la cause ou la conséquence de l'autre, avec le fait que le mini CD ait été produit, parmi plusieurs autres endroits, au Mastersound Studio qui n'est autre que le studio d'Alex Krull (Atrocity et compagnon de Liv Kristine) ; le rendu final du CD, mixé et masterisé au Walnut Groove par Axel Wursthorn, rendant hommage avec une puissance inouïe aux chansons écrites par son auteur.

Des chansons un peu moins métalliques que l'étaient certaines de "From The Past" pour d'un autre côté avoir pris en profondeur, en maitrise et en symphonie. Il est vrai tout de même que "Si Vis Pacem" a gardé ce côté agressif, ce qui est aussi dû à la dualité des vocaux plus black de Black Messiah (Seth) et à l'art théâtral de Emmanuel (Wormfood) qui ont les rôles de Romulus et Remus. Les invités (multiples mais dont nous ne citerons que certains) défilent au fur et à mesure de l'écoute, car après l'agressive "Para Bellum" et les traversées symphoniques de "They Were Brothers", mais encore plus de "The Man With Two Faces", la présence de Ashmedi (Melechesh) sur "Welcome To This World", se fera progressive, ce dernier prenant le rôle de Janus la divinité romaine, dont la voix sera légèrement modelée pour faire ressortir l'effet du puissant Dieu. Ce dernier morceau est un véritable feu d'artifice, bouquet final qui explose dans la virtuosité et qui fait voyager notre esprit quelques années en arrière, jusqu'à voir la première pierre de Rome.

Si ce mini CD raconte l'histoire des frères initiateurs de la création de Rome, avec une manière proche de celui de Septicflesh, Melted Space a su avec génie (et là c'est un euphémisme) mais également grâce à un visuel on ne peut plus représentatif de l'histoire, ainsi qu'à des vocalistes de talent qui se sont accaparés les personnages ; s'emparer de l'essence même d'une telle légende pour nous offrir ce qu'il y avait de mieux en terme d'adaptation musicale. "Between" est un pur chef d'oeuvre, tout simplement, au delà de toute attente, on reste sans voix, à l'écoute de ce joyau.

Les compos acoustiques :

Quant à elles, apportent la poésie acoustique qu'il fallait pour terminer le CD dans un repos mirifique. Entre des guitares proches d'un Ulver "Ksveldssanger" et de celles de "Alone" de The Last Embrace les deux premiers titres issus de "From The Past" revisités pour le coup, avec des réminiscences très hispaniques pour "Dante's Memory", donnent à l'auditeur une savoureuse leçon de romance et de lyrisme. Même les lignes vocales de "When I Was A God" nous font penser à "In Through The Looking Glass" de Auspex et sa manière de fournir du rêve. Le mix opéra de "War For The World" vient définitivement placer le dernier coup de marteau pour vous montrer que la capacité de Melted Space à écrire, à réécrire, à adapter, à béatifier et canoniser la musique est infinie et sans faille. Mais on pourrait en parler et décortiquer le rôle de chacun, tant les musiciens que les interprètes pendant des heures pour faire une chronique de dix pages, cela n'aurait plus de sens au final. Juste achetez ce mini CD, savourez-le du plus profond de votre âme, analysez le vous-même, écoutez-le des centaines de fois, c'est ce qu'il faudra pour en déceler toutes les subtilités qu'il possède et en comprendre l'essence complète.


Arch Gros Barbare
Juin 2013




"From The Past"
Note : 20/20

Introduction :

Laissez-moi vous raconter une histoire, tellement connue certains me diront, mais rarement évoquée comme ici je répondrai, laissons le temps faire les choses, laissons l’espace nous dévorer, perdons-nous un long moment et devenons à notre tour, nous les hommes, spectateurs des dieux, des chimères, des anges et des démons en perpétuelle tourmente afin de savoir qui mènera la danse, qui restera et qui succombera...

Book I : Gods Of The Ancient Times

Le Chapitre I : "Lost Village", nous emporte directement dans l’ambiance de Melted Space, voilà un morceau, entièrement instrumental à l’orchestration digne d’un bon Hans Zimmer, Danny Elfman ou encore Klaus Badelt... Et pourtant non ! Ici, c’est Pierre Le Pape qui nous en met direct plein les oreilles avec un morceau puissant, envahissant, une énergie débordante, une introduction parfaite qui se mêlent dans la sensualité en contradiction avec la dualité, des nappes orchestrales sévèrement bien gérées, un ensemble instrumental qui d’entrée de galette te donnera le grand frisson.

Le Chapitre II : "When I Was A god", nous lancera sur les prémices d’Apollon, Dieu grec du chant, de la musique et de la poésie avec sa sœur jumelle, fille de Zeus et Leto, Artémis déesse de la chasse sur lequel découlera le Chapitre III : "Brother And Sister". Nous voilà emporté dans un duo magnifique interprété ici par Manuel Munoz et Lisbeth Cordia, tous deux ont des voix qui portent très loin, clairement surpris par la profondeur du chant de Manuel et la beauté de la voix de Lisbeth, ses montées, quand elle dit "Arrows in the sky" te clouent sur place ne laissant qu’un long soupir te parcourir l’échine. Ce morceau nous lance dans l’épopée lyrique de Melted Space, un savant mélange entre l’opéra et le metal. Quel puissance autant sur l’aspect vocal, que sur la batterie au trig pesant, le tout sous des envolées de cordes et de bois, donnant une atmosphère qui t’envahit littéralement, je suis déjà moi-même au septième ciel.

Le Chapitre IV : "Damned Lovers" nous amène un échange entre deux dieux qui évoquent leurs aspirations, Arès fils de Zeus et Héra, évoque sa passion pour la guerre et le sang, tandis qu’Aphrodite déesse de la germination, des plaisirs et de la beauté évoque l'amour et la tranquillité. Un vrai duel "vocalistique" s’impose ici aux dieux interprétés par Guillaume Martinot et Crystina Maez. J’ai beaucoup apprécié la mise en forme de ce titre où Arès débarque pour exposer sa haine, sous une batterie au son léger avec des guitares cristallines, l’ambiance se pose dès l’arrivée de la belle Aphrodite à la voix à faire pâlir de belles sirènes. La tension monte via le jeu à la batterie, les textes en opposition jonglant sur des passages calmes et éclairés face à d’autres emplis de noirceur. Ceci se lancera définitivement sur le Chapitre V : "A Favoured Existence" insistant sur le fait que les dieux ont fait leur temps, pas de regret, plus de guerre stupide entre dieux, plus de débat sur l’avenir de l’homme. Ce titre avancera dans cette optique, les dieux se doivent d’accepter d’appartenir au passé et de laisser les hommes face à eux même, ayant pour seuls guides leurs prières. Ce titre a un côté assez épique dans le jeu à la batterie avec une double pédale étant jouée en leitmotiv et une guitare aux riffs incisifs mais restant en retrait sur l’ensemble, pour nous imprégner dans ce qui semblerait être une divergence continuelle entre le sort des dieux et celui des hommes.

Cette vengeance arrivera sur le Chapitre VI : "The Gods Are Livings". Elle nous mènera sur le discours de dieux refusant d’accepter leur sort et de s’éteindre, ce titre est une réponse directe au message d’Arès et Aphrodite. Ici nous avons Poséidon, le dieu des mers et océans en furie, des tremblements de terre et des sources face à Héphaïstos, fils de Zeus et d’Héra, dieu du feu, des forges et des volcans. Nos dieux ont ici soif de vengeance, leur seule envie : se venger, Poséidon refuse de se résigner à se laisser mourir alors qu’il a fait ses preuves face aux titans et Héphaïstos laisse la haine l’emplir face à Zeus et Hera l’ayant rejeté tel un monstre et ne veut qu’une chose, naître à nouveau. L’ambiance est ici violente, la haine de nos protagonistes est transmise à merveille dans l‘orchestration, le tout déborde d’envie et de volonté. Les voix de Poséidon et Héphaïstos interprété ici par Pierre Leone et Jesus "The Butcher" sont puissantes et caverneuses, et Hermès, le messager des dieux, celui qui guide les héros aux Enfers, viendra se joindre à eux, interprété par Maxime Galatry qui va bizarrement apaiser la puissance des voix de nos dieux tout en les poussant à la révolte, sous une batterie bourrée à la dynamite, l’ensemble n’attend qu’une chose, exploser...

...Il n’en sera rien, enfin pas tout de suite, puisque la puissance de Chapitre VI va se retrouver apaisée sous le Chapitre VII : "Spirit Of Love", un moment empreint de beauté, de calme, les nappes orchestrales sont magnifiques et restent à nous mettre en suspens malgré leur légèreté, venant donner un ton malgré tout dérangeant avec ces saccades de violons et de violoncelles. Morceau très apaisant donc, au son magnifique, on se laisse emporter par les voix de nos déesses : Aphrodite amenant son message de paix en faveur des hommes et dénonçant quelque peu l’ego des dieux et Héra, la femme de Zeus, protectrice de la femme et du mariage qui viendra détendre le jugement de la précédente. "Spirit Of Love" est mené de main de maître, une fois de plus on ressent le travail conséquent apporté ici que ce soit en amont ou en aval de l’enregistrement qui est d’une qualité indéniable.

Le Chapitre VIII : "I’ll Release The Dead" nous amènera à un affrontement conséquent entre deux dieux que tout sépare autant que tout uni en fait, le dieu régnant sous la terre et souvent assimilé aux Enfers, Hadès fera son apparition empli de haine et de colère qui lui vont si bien. Le titre démarrera sous une batterie percutante et pesante, avec un son d’orgue en fond, comme si l’on sentait à l’audition ce cher Hadès sortir sous nos pied, le tout explose sur des guitares tranchantes et une batterie qui ne sera pas en reste sous la voix de Pierrick Valence, gérant son rôle comme un chef, avec un timbre colérique venant des profondeurs les plus noires de son être, chapeau ! Hadès étant bien décidé à relâcher ses chimères et à libérer les morts pour se venger de l’Olympe, cela ne se fera pas sans l’intervention du big boss de l’Olympe, j’ai cité Zeus ! Ici interprété par Stéphane Métayer, Zeus prêt à punir Hadès et à lui montrer qui est le membre puissant de la bande, le défi est lancé, les menaces de Zeus ne mènent rien si ce n’est à la provocation et aux rires d’Hadès, le tout se passera dans la même ambiance qu’au début du morceau, pesante, puissante, bourrée d’attaques au niveau des guitares, digne d’un bon gros duel entre dieux.

Le Chapitre IX : "All Together" te met une claquouille d’entrée de jeu avec ce piano magnifique à faire pleurer une armée de vikings, des flûtes si je ne m’abuse viennent appuyer l'atmosphère sublimée du piano en accompagnant les cordes en fond venant faire déborder l’émotion de ce morceau... un instant chers lecteurs... je reprends mon souffle... un défibrillateur svp ! Atmosphère grandissante avant l’arrivée de Virginie Goncalves alias Héra, qui viendra appuyer la claque de ce titre grâce à sa voix vraiment magnifique, elle me fout le frisson dans ses poussées de vocalise, ça te parcourt le dos et te met un nœud au ventre, un pur moment de plaisir ce morceau qui nous emmènera dans les méandres du Chapitre X. Après qu’Héra eut essayé d’ouvrir les yeux de tous les dieux n’étant que de pauvres âmes perdues, Zeus et les déesses entreront, dans ce qui semble être une remise à plat de la place de chacun dans l’Olympe. Le morceau jonglera entre les voix magnifiques de nos déesses en contradiction avec la voix de Zeus, ce qui donnera une ambiance très variée, et très marquée ici par les guitares mises bien en avant, j’en regretterais presque la double pédale trop en avant par rapport aux riffs de guitares qui sont énormes.

Une entrée à l’orgue d’une efficience incontestable sur le Chapitre X : "Listen To Your King", morceau axé sur le doute qu’ont les dieux de s’éteindre, face à Zeus prônant sa place et sa grande puissance. Morceau plus électrique que les autres, le côté orchestral est ici légèrement mis de côté et amplement comblé par les voix des déesses en chœur telles de grandes cantatrices venant gonfler l’aspect épique de cette œuvre lyrique offerte par Pierre Le Pape, du grand art ! Aucun morceau n’est à la traîne, tous se suivent et s’enchaînent avec génie tel un drame lyrique s'apparentant aux œuvres de Wagner, pas le temps de reprendre son souffle parmi cette épopée, ici des flûtes officieront à l’effet transitoire qui nous mènera au Chapitre clôturant ce premier livre. Le Chapitre XI : "We Are The Gods Of Ancient Time", ce chapitre nous laisse sur le questionnement qu’ont les dieux entre leur retour ou leur extinction, un sentimentalisme débordant dans un morceau aux allures dramatiques, des percussions puissantes viennent plomber l’atmosphère d’un futur incertain pour nos dieux. Les voix s'entremêlent et créent un véritable torrent d’émotion qui vient te pincer le cœur et le ventre. Hadès viendra clôturer ce questionnement....

Book II : This Immortal Love

Le livre II se limitera à deux morceaux, le premier, "Solar Eclipse", entièrement instrumental, nous amène dans de sombres présages, c’est dérangeant, les cloches tubulaires viennent accentuer cette ionosphère soupesante faisant office d’introduction à "This Immortal Love". Gardant le leitmotiv initial, mais avec des guitares venant exploser la rythmique jusqu'à ce que Selene, fille des titans Hypérion et Théia, déesse de la Lune n’entre en scène. Selene ici interprétée par Emilie Plaquin sera faire la morale par Star, interprétée par Vanessa Lauriola, dans ce qui semble être une triste histoire d’amour doublée de la crainte de l'éveil d’un être empli de noirceur prêt à briser l’espoir et l’amour que Selene ressent, elle qui a enfermé son amour Endymion afin de le conserver à jamais. On dit de Selene qu’après s’être baignée dans l’océan, elle mène un char argenté à travers le ciel obscur... J’ai l’impression que ce morceau a été inspiré par ça, vivre dans le doute et la crainte, comme si la Lune recevait une punition dont le châtiment serai donné par Dragon, interprété ici par Dagoth, prêt à percer le cœur de la Lune... Un duel magnifique ici avec Selene et Star, dont les voix aussi douces soient-elles ne manquent pas de créer un impact auditif considérable dans ce qui est une histoire d’amour magnifique.

Book III : The Bringer Of Light

Le livre III se déclinera en quatre acte, l’Acte I : "Misereatur", nous lance dans une nouvelle épopée parallèle mettant en scène Lucifer face aux anges et aux archanges Gabriel et Michael. Nous sommes plongés ici dans le désarroi de Lucifer voulant renverser ça triste tragédie, faisant appel aux démons ! Une longue course commencera entre lui, les démons et les anges. On atteint un aspect lyrique que l’on n’avait pas encore atteint ici sur Melted Space. Anaé et Amélie Jeannès interprétant respectivement Gabriel et Raphael, ont des voix cristallines vraiment impressionnantes, le morceau pourtant sombre se découle avec une certaine douceur, difficile de faire autrement face à l’angélisme débordant de ce titre.

L’Acte II : "Now And Always", nous lance dans une bataille indéniable mettant en scène Lucifer, accompagné du loup géant, Fenrir, du maître des Enfers Japonais, Emma-O, du démon Bélial et Tescatlipoca, divinité Aztèque la plus crainte, tous sont là prêts à répandre leur terreur et leur vengeance ; faisant face aux archanges Gabriel, Michael et Raphael. Morceau qui nous plonge en plein récitatif, effet qui donne l’impression aux textes d’être plus chantés que parlés, avec une orchestration particulière sonnant quelques fois légèrement tribale, d’autres fois plus orchestrale, le temps que chaque personnage appose sa réplique et sa vision des choses. J’étais surpris de ne pas avoir eu de glissando de harpe utilisé jusqu’à maintenant, ils seront ici utilisés à très bon escient sur les transitions de chant pour redonner un coup de sang à un morceau extrêmement calme et prenant. L’ Acte III : "War For The World", gardera les mêmes protagonistes que l’acte précédent, et nous serons donc plongés en pleine provocation entre le bien et le mal, quelle puissance soudainement ! La batterie vient te percuter d’un poing dans le ventre, les guitares et les percussions viennent éclater violemment ce morceau appuyant le mal fulminant représenté sous ces voix hurlées en pleine opposition aux chants des archanges. Une force énorme est dégagée de ce morceau, un travail de maître qui nous met à bout de souffle, le cœur serré par la tension du moment.

Aucun répit, aucun repos dans ce qui nous amènera à une terrible bataille, le morceau "War For The World" se déclinera en deux actes, l’Acte III faisant office d’introduction déjà brutale jouant sur la provocation entre chaque protagoniste et l’Acte IV : "War For The World" (Part II) venant clôturer définitivement ce qui amènera à une inévitable bataille entre le bien et le mal, rien de changera "réellement" au niveau de l’orchestration si ce n’est que la puissance délivrée monte continuellement en apothéose, tous se défient ici, le bien, le mal, les voix hurlées, les voix claires, les guitares, la batterie, chaque note se bagarre avec l’autre, voilà un travail tout simplement impressionnant.

L’Acte IV m’a fortement surpris de premier abord, de par son nom Sanctus, et mettant en scène les anges, et quelle ne fut ma surprise au bout de deux écoutes à me creuser quand même le citron, (mon latin n’est plus ce qu’il était) de me rendre compte qu’ici les anges nous récitent bien le Sanctus, qui est le principal hymne d’adoration de la religion catholique. J’aurais pu en rester là et dire simplement que le Sanctus amène à la gloire de dieu, la victoire du bien sur le mal et qu’il est assez logique que monsieur Le Pape ait fait ce choix... Que nenni ! Je ne peux m'empêcher de chercher la petite bête qui après quelques recherches mène aux termes propres à cette première partie du Sanctus, dont le mot "Sabaoth" a fait plancher bon nombre de linguistes au fil des âges et fait tergiverser fortement la religion catholique dans le sens où aujourd’hui "Deus Sabaoth" se traduirait par "Dieu de l’Univers" alors que le terme "Sabaoth" insiste plus sur la notion d’armée, ce qui est assez contradictoire en soi avec l’image véhiculée par ce texte saint, ma seule question serait de savoir si oui ou non l’Acte IV : "Sanctus" a été posé au travers de cette idée...

La dernière piste arrive, "Dante’s Memory", première question... qu’est-ce que Dante ici interprété par Arnaud Strobl vient foutre dans ce Melted Space ? Voilà une question à laquelle je n’ai aucune réponse, le personnage de Dante semble soit être spectateur de toute la tragédie venant de s’opérer depuis le Book I, soit être un genre de narrateur synthétisant les Books I à III ou encore un personnage de plus plongé et perdu dans cet espace de constante remise en question. Un titre assez mystérieux autant par les textes, que par la structure jouant avec les violons et un piano venant s’ancrer en toute légèreté sous le timbre impressionnant de mister Strobl...

Conclusion :

Appréciant énormément tout ce qui touche au classique et à l’orchestration, je ne peux qu’être admiratif du travail apporté par Pierre Le Pape qui s’est constitué ici une équipe Dantesque pour un travail de Titans, oui je joue sur les mots mais je ne saurais expliquer autrement l’impact que cet album a représenté à mes yeux. J’adore le symphonique et l’orchestral, j’adore tout ce qui est en rapport à la mythologie, la religion, j’adore le metal et qui m’aurait dit qu’un jour, un esprit assez savant aurait eu l’idée de prendre tout cela et d’en faire un album, un véritable opera metal digne des plus grands compositeurs. Un grand grand grand merci à Pierre Le Pape et ses nombreux protagonistes tous bourrés de talents pour nous avoir offert un moment d’évasion et d’émotion que je n’oublierai sûrement jamais. Melted Space sera l’album que je ne rangerai pas parmi mes nombreux albums rock ou metal, non il a désormais sa place entre le Requiem de Mozart, les neuf symphonies de Beethoven interprétés par Herbert Von Karajan et autres nombreux orchestrateurs de diverses époques en passant de Mozart à Hans Zimmer.


Phenix
Mai 2012


Conclusion
L'interview : Pierre Le Pape

Le site officiel : www.meltedspace.com