Le groupe
Biographie :

Mekong Delta est un groupe de thrash progressif allemand fondé en 1985, sur l’initiative de Ralf Hubert, ingénieur du son connu pour ses travaux avec Warlock ou Living Death entre autres. Le groupe associe alors divers musiciens connus de la scène metal allemande. Il était initialement composé de : Jochen Schröder (ex-Rage) à la guitare, Peavy Wagner (Rage) à la basse, Jörg Michael (ex-Rage, ex-Paganini) à la batterie Wolfgang Borgmann au chant. De nombreux autres musiciens ont joué au sein de Mekong Delta. Outre des compositions originales, une des particularités du groupe est d’adapter des pièces de musique instrumentale symphonique en les jouant façon thrash, comme par exemple les Tableaux d'une exposition de Modeste Moussorgski ou encore la Nuit sur le Mont Chauve du même compositeur et la Danse du Sabre de l’Arménien Aram Khatchaturian. Mekong Delta est actuellement composé de : Ralph Hubert (basse / depuis 1985), Martin LeMar (chant / depuis 2008), Erik Adam H. Grösch (guitare / depuis 2008), Alex Landenburg (batterie / depuis 2008) et Peter Lake (guitare / depuis 2018).

Discographie :

1987 : "Mekong Delta"
1988 : "The Music Of Erich Zann"
1989 : "The Principle Of Doubt"
1990 : "Dances Of Death (And Other Walking Shadows)"
1992 : "Kaleidoscope"
1993 : "Classics"
1994 : "Visions Fugitives"
1997 : "Pictures At An Exhibition"
2005 : "The Principle Of Doubt (Ambitions)"
2007 : "Lurking Fear"
2010 : "Wanderer On The Edge Of Time"
2012 : "Intersections"
2014 : "In A Mirror Darkly"
2020 : "Tales Of A Future Past"


Les chroniques


"Tales Of A Future Past"
Note : 17/20

Après six ans d'absence, les cultissimes Mekong Delta sont de retour avec "Tales Of A Future Past" et ont visiblement annoncé un léger retour à leurs anciens albums. Pour les plus jeunes qui ne connaîtraient pas le groupe, Mekong Delta est un des pionniers de ce qu'on appelait le techno thrash (pour thrash technique) à la limite de l'avant-garde.

Si "The Music Of Erich Zann" et "The Principle Of Doubt" ont fait le plaisir des amateurs de metal technique, touffu et barré, le groupe s'est ensuite dirigé vers quelque chose de plus contrôlé. La patte Mekong Delta n'a jamais disparu mais la suite s'est montrée moins aventureuse et moins dingue pour priviligier un thrash toujours technique mais plus efficace et direct. Autant dire que les déclarations annonçant un retour aux sources, ne serait-ce que partiel, en a émoustillé plus d'un ! L'intro "Landscape Into The Void" installe une ambiance sombre, inquiétante et très cinématographique et sert de tremplin à "Mental Entropy" qui débute véritablement l'album et annonce les choses sérieuses. Sans parler d'un retour aux sources total, on sent effectivement très vite que le groupe est revenu à une musique bien plus technique avec des structures tortueuses. On retrouve cette ambiance hors du temps et assez sombre à laquelle les premiers albums du groupe nous ont habitués et on peut effectivement sentir que Mekong Delta a essayé de renouer avec son passé. Pas de véritable retour en arrière pour autant puisque ce serait totalement contraire à l'état d'esprit d'un groupe qui a toujours cherché à se réinventer et à sortir des carcans en tous genres. De toute façon, rien que le chant de Martin LeMar marque la différence puisque même si certaines lignes de chant restent bien allumées, cela reste tout de même plus mélodique et accrocheur que ce que pouvaient produire Keil ou Doug Lee sur les anciens albums. Du coup, le groupe arrive à faire un exercice d'équilibriste plutôt réussi en alliant ses anciennes sonorités très techniques à celles des albums plus récents tout en continuant d'évoluer sans jamais se trahir ! Inutile de dire que ceux qui n'ont jamais réussi à pénétrer les arcanes de Mekong Delta resteront une fois de plus sur le pas de la porte cette fois-ci. Ce n'est pas seulement la technicité de la bête qui la rend insaisissable, c'est aussi cette ambiance bizarre évoquant un voyage mouvementé dans un esprit pour le moins torturé, quand on sait que le groupe s'est inspiré plus d'une fois de l'oeuvre de Lovecraft, cela n'a rien d'étonnant.

Certes les puristes qui n'aiment que les premiers albums continueront à dire qu'ils ne retrouvent pas le grand Mekong Delta mais les autres devraient être heureux de voir le groupe de retour avec un album aussi solide que ce "Tales Of A Future Past". On retrouve les caractéristiques qui font la musique de Mekong Delta, à savoir des cassures rythmiques très fréquentes qui ont toujours donné un air de musique hermétique aux non-initiés, une ambiance froide à la limite du malsain par moments, souvent inquiétante avec une folie sous-jacente qui donne l'impression de pouvoir exploser n'importe quand. Pour faire simple, une musique d'extra-terrestres difficile à cerner au premier abord mais qui a influencé un nombre incalculable de groupes à l'époque. L'instrumental "Landscape" séparé en quatre parties confirme, quant à lui, que le groupe n'a rien perdu de sa passion pour la musique classique. Avec un peu de chances, les jeunes qui découvrent le groupe aujourd'hui arriveront mieux à entrer dans l'ambiance puisque pas mal de groupes très techniques ont débarqué depuis et ont un peu démocratisé les mesures impaires et les contretemps. Sans compter que même si "Tales Of A Future Past" renoue en partie avec le passé du groupe, il reste plus accessible que les trois premiers albums. Il reste toutefois un état d'esprit indéniablement old school dans les moments les plus thrash comme le fait bien entendre "Mindeater". Même la production garde ce côté assez sec avec une basse bien en avant. Le tout sonne tout de même suffisamment puissant et le groupe n'a évidemment pas fait l'erreur de ressortir un son d'époque. "Tales Of A Future Past" prouve que Mekong Delta en a encore sous le pied et que les jeunes loups ne l'ont toujours pas dépassé. Là encore ce n'est pas étonnant puisque la musique de Mekong Delta n'est pas en avance sur son temps, elle est carrément hors du temps.

Un nouvel album qui montre un Mekong Delta qui ressort les plans bien techniques et qui permet à d'anciennes sonorités de revenir en partie sur le devant de la scène. Pas de véritable retour en arrière pour autant puisque ce n'est pas le genre de la maison de se répéter mais on retrouve tout de même une musique globalement plus complexe que celle présentée sur les précédents albums.


Murderworks
Juillet 2020




"In A Mirror Darkly"
Note : 12/20

J’aime le thrash, je le confesse, que ce soit celui d’Angelus Apatrida, celui de Testament ou encore celui d’Exodus ou Annihilator. J’aime aussi, et je le confesse encore plus, le prog’, avec Dream Theater en tête, mais aussi des choses plus old school comme Camel ou le pas si ancien Haken. J’aime le mélange des genres (le djent par exemple, Opeth, avec ce mélange sans cesse changeant depuis deux décennies, et j’en passe) mais l’album dont je vais vous parler aujourd’hui, "In A Mirror Darkly", treizième album des Allemands de Mekong Delta, projet du bassiste Ralf Hubert, alliage de thrash et de prog', ne fera pas partie de mes albums de chevet.

Sans m’étaler sur le sujet, au risque de passer pour un "rageux" (terme très en vogue sur la toile quand on se permet de critiquer un album alors qu’on n’est pas soi-même musicien dans un groupe, comme si les musiciens entre eux se faisaient plus de cadeaux…), je dirais que cet album, bien qu’extrêmement technique et recherché tant sur la musique en elle-même que sur ses origines, avec des structures à en donner à un batteur l’envie de bouffer ses baguettes, se répète de morceau en morceau de manière affligeante. Pour une fois, j’ai dû regarder mon lecteur MP3 pour savoir si j’étais toujours sur la même chanson ou pas ! Passés maîtres dans l’art de "l’alambiqué", avec des albums précédents  dédiés à l’adaptation en version thrash prog’ de morceaux instrumentaux symphoniques de Moussorgski et Khatchaturian (désolé, même moi je ne connais pas), force est de constater que ce nouvel effort, le treizième, signe de malchance je ne sais pas, passe le cap de ce que j’appellerais vulgairement la "Branlette de manche cacophonique" ( chose que, par exemple, je n’avais pas retrouvé dans les albums très techniques de Liquid Tension Experiment). Ce projet qui s’est toujours voulu singulier, avec un changement incroyable de line-up depuis sa création en 85 (avec, quand même, Jorg Michael à la batterie, ex-Rage et Paganini et actuel tour manager pour Children Of Bodom, c’est dire le tableau de chasse), commence vraiment à tourner en rond et à surenchérir son propre travail déjà titanesque.

Partagé entre les morceaux purement instrumentaux (le très bon "Introduction + Ouverture", mélange de guitare classique jouée part l’ami Ralf avec une seconde partie électrique, "Inside The Outside Of The Inside" un peu trop linéaire) et ceux avec voix ("The Armageddon Machine" ou encore "Mutant Messiah", "The Silver In God Eye", de loin le morceau le plus contrasté niveau tempo et ambiance, "Janus"), je regrette une chose : que la voix, sans vraiment de profondeur ni charisme, pourtant là pour apporter une dimension supplémentaire aux compos, ne me fasse absolument pas vibrer, voire me casse franchement les oreilles. En bref, ce n’est pas encore cet album qui me fera apprécier l’univers de ce projet teuton qui pourtant ne manque ni d’idées ni de talents.


Byclown
Avril 2014




"Wanderer On The Edge Of Time"
Note : 17/20

Pardon, pardon, pardon, j'ai toujours cru que Mekong Delta avait splitté depuis tellement longtemps... Pardon je suis une grosse larve putride, un infâme cancrelat de ne pas avoir su que Mekong Delta existait toujours et qu'après "Kaleidoscope", il y avait eu trois albums... Je viens de m'apercevoir qu'ils avaient même réalisé un album en hommage à Mussorgsky. Ce compositeur Russe si énorme par son talent qui a composé évidemment "Pictures At An Exhibition" mais surtout "A Night On Bald Mountain".... Quelle honte sur moi...

Ce que je constate c'est qu'ils ont encore changé de chanteur, cette fois-ci c'est Martin Lemar (Tomorrow's Eve, Lalu...) qui s'y colle. Je crois que le grand problème de Mekong Delta aura été son problème de chanteur, parmi tous les albums, il y aura eu pas mal de chaise musicale pour la place de chanteur... D'ailleurs ils n'ont pas changé que de chanteur !!! C'est tout le line-up qui a été mis au goût du jour, à un moment donné on va se demander si ce n'est pas le groupe Ralph Hubert et les Mekong Delta, parce que c'est le seul rescapé issu du line-up d'origine... et un groupe qui change tellement de line-up pour à l'arrivée se retrouver avec des membres tellement différents, on risque d'en perdre l'essence de la musique d'origine. Et c'est un peu ce que j'ai pensé qui se produirait quand j'ai écouté ce "Wanderer On The Edge Of Time". Mais finalement, la sélection des musiciens a été plus que bien faite, Mekong Delta est resté un grand Jedi du thrash technique et progressif. Le cousin allemand de Coroner a évolué, car les morceaux ne sont plus seulement des morceaux qui se suivent, c'est une véritable oeuvre progressive, un opéra métallique de thrash, de mélodies symphoniques et classique où s'entremêlent violence et douceur...

Bon après un rapide retour sur les précédentes sorties, il est indubitable de constater que leur musique s'est affinée au fur et à mesure, que le côté uniquement technique et agressif s'est estompé pour laisser la place à cette facette plus progressive et beaucoup plus mélodique que par le passé surtout pour les premiers albums... Et ce "Wanderer On The Edge Of Time" est finalement une évolution logique de tout ce qui a été fait chez Mekong Delta.

On découvre un album abordable grâce à ces mélodies bien présentes, mais la technique est là. Les guitares s'envolent dans des couloirs virevoltants de complexité , ce qui a été toujours la marque de fabrique de Mekong Delta. On écoute de longues rythmiques agrémentées de passages énormissimes, mais tout ceci reste dans un objectif "d'Opéra", je veux dire par là, que cet album veut mettre en valeur une histoire musicale, une aventure et ne fait pas que proposer de la bonne musique, non les chansons vous entourent de leur personnalité, et c'est tout bonnement magnifique... Orchestré en plusieurs actes,en plusieurs mouvements, ce "Wanderer On The Edge Of Time" avance au fur et à mesure de l'écoute et on voyage en même temps que les chansons de l'album, de passages plus doux et classiques, dans le sens musique classique, avec "A Certain Fool", au travers d'autres passages plus thrash et agressifs tels que "The Apocalypt". Dans sa globalité Mekong Delta est plus proche à ce jour d'un power thrash, heavy / thrash, que d'un thrash pur, mais toujours très technique j'en conviens.

Déjà que l'album débute par une introduction à la guitare surperbe, suivie d'une ouverture titanesque puissante comme certains trucs à la Annihilator, les chansons principales sont séparées par des interludes musicales de toute beauté. Ces interludes qui sont pour la plupart dans la veine de la première ouverture, symphoniques mais pas grâce à du synthé, grâce à des guitares harmonisées divinement. Je suis resté par terre à l'écoute de l'interlude 3, un moment de détente à la guitare "acoustique" , aux inspirations presque catalane dévoilant un univers si fragile... Tous les mouvements de cette pièce, tous ces interludes , tout est calculé mathématiquement pour procurer du plaisir à tout le monde, thrash, power, technique, musique progressive... C'est une perle cet album, une véritable perle... En plus de ça, le chant de Martin Lemar, c'est le nectar des dieux qui vient se poser sur les notes de musique, encore plus sur "Affection" qui fait office de power balade. C'est l'hydromel des druides qui vient rend leur sorcellerie plus enchanteresse... C'est le mot, Ralph Hubert est un enchanteur, "Wanderer On The Edge Of Time" est une oeuvre ultime, un album indispensable par tous ces côtés... Le son est lui aussi imposant et que dire de cette splendide pochette, de cet artwork réalisé par Eliran Kantor (Testament, Sigh, Gwar , Anacrusis), ou la danse macabre, ici pas de Camille Saint Saens mais de Mekong Delta, se déroule dans une gallerie d'un palais onirique et intemporel...

On utilise souvent le terme "opus" pour désigner les nouveaux albums, mais ce terme tire son origine avant tout dans la musique classique, et "Wanderer On The Edge Of Time" est un formidable opus à placer dans les premiers dans les albums de Mekong Delta. Je ne saurai que vous conseiller de vous procurer cette oeuvre magistrale, parce que tout y est. A ce niveau ce n'est plus de la musique, ce n'est plus de l'art, c'est vital et indispensable au bon fonctionnement de nos neurones et à la compréhension de la vie. Mekong Delta a écrit quelque chose qui m'a choqué dans le bon sens du terme, une intensité si profonde est plutôt rare... Mekong Delta, Ralph Hubert tu es le Yoda de la musique progressive thrash, enseigne nous ta sagesse pour ne pas sombrer du côté obscur...


Arch Gros Barbare
Juillet 2010


Conclusion
Le site officiel : www.mekongdelta.eu