Le groupe
Biographie :

Mastodon a vu le jour en 1999 à Atlanta aux Etats-Unis. Composé actuellement de Brent Hinds à la guitare et chant, Bill Kelliher à la guitare, Troy Sanders à la basse et au chant et Brann Dailor à la batterie et au chant, Mastodon se classe dans un registe metal-rock progressif laissant transparaître un côté sludge. Après de nombreuses démos, splits et EPs chez Relapse Records, un premier album "Remission" verra le jour en 2002, suivi de "Leviathan" en 2004. En 2006 le groupe quittera Relapse Records et sortira son troisième opus "Blood Mountain" chez Warner Music via Reprise Records et enfin passer sous Roadrunner Records en 2009 avec l’album "Crack The Skye". De retour en 2011 avec leur cinquième opus en 11 ans de carrière, Mastodon nous livre "The Hunter" (Warner music / Roadrunner Records / Reprise Records). En Juin 2014, Mastodon livre son sixième album, "Once More 'Round The Sun", produit par Nick Raskulinecz (Foo Fighters, Deftones, Rush, Alice In Chains). "Emperor Of Sand", l'album suivant, sort le 31 Mars 2017. Quatre ans plus tard, "Hushed And Grim" sort en Octobre 2021.

Discographie :

2002 : "Remission"
2004 : "Leviathan"
2006 : "Blood Mountain"
2009 : "Crack The Skye"
2011 : "The Hunter"
2014 : "Once More 'Round The Sun"
2017 : "Emperor Of Sand"
2021 : "Hushed And Grim"


Les chroniques


"Hushed And Grim"
Note : 18/20

Il faut croire que la mort est bien décidée à hanter la musique de Mastodon puisque après avoir déjà habité les albums "Crack The Skye" et "The Hunter", c'est maintenant "Hushed And Grim" qui est marqué par le décès du manager Nick John. Le groupe nous livre donc un huitième album cathartique et imposant puisque la bête atteint les quatre-vingt six minutes ! Il va donc falloir attacher sa ceinture parce que le voyage risque d'être éprouvant à bien des égards.

"Pain With An Anchor" ouvre l'album et installe de suite une ambiance très sombre et presque funèbre dans ses mélodies avec des lignes de chant et des paroles pleines de douleur. Un abattement qui nous tombe dessus comme une enclume et qui fait ressortir l'aspect cathartique évident de ce nouvel album en à peine cinq minutes. La patte Mastodon est bien là ne serait-ce que dans le jeu de batterie de Brann Dailor instantanément reconnaissable mais la peine et le deuil suintent par tous les pores et ce nouvel album porte très bien son nom. Un accès de colère survient à la fin de ce premier morceau avec des guitares qui deviennent subitement bien plus grosses et des arrangements inquiétants et glauques qui installent une ambiance bien noire pour du Mastodon. "The Crux" qui suit revient à quelque chose d'un peu classique pour le groupe mais mais ne se départ pas de ses mélodies sombres et plombées. Une caractéristique qui va évidemment habiter tout l'album qui se montre pourtant très varié, riche et profond. Avec une durée de quasiment une heure et demie, vous imaginez bien que Mastodon en a profité pour expérimenter et élargir son spectre sonore. En tout cas, sur ce deuxième morceau, il nous balance surtout un break magnifique doté d'un solo tout en feeling qui frappe en plein cœur. Chaque titre a droit soit à son morceau de bravoure soit à des sonorités particulières, ce qui fait que "Hushed And Grim" va vous demander pas mal d'écoutes pour bien en profiter, ne serait-ce qu'à cause de sa longue durée et du fait qu'il vaut mieux l'appréhender comme un bloc uni. "More Than I Could Chew" nous fait quant à lui entendre un break qui donne l'impression que le groupe joue depuis les limbes et des mélodies qui donnent une impression de stupeur ou de choc qui vous cloue sur place avec là encore un solo de guitare totalement habité.

"Hushed And Grim" est poignant et émouvant sans jamais être niais, la sincérité et la catharsis sautent aux oreilles et la douleur du deuil vous enserre le cœur à chaque instant. "The Beast" ramène le blues au premier plan et là encore le groupe nous met un crochet à l'estomac avec des mélodies et des lignes de chant poignantes. Si la musique de Mastodon a toujours été personnelle, elle n'a peut-être jamais autant donné l'impression de venir directement des tripes. Ce nouvel album vous parle sans détour et ne cherche pas à vous ménager, le message se transmet d'un cœur à l'autre puisque le sujet abordé touche tout le monde a un moment ou un autre et le groupe s'est totalement libéré si besoin en était pour nous livrer ces quinze morceaux aussi beaux que douloureux. Au-delà de toute considération stylistique, au-delà des goûts de chacun, quand on entend le travail effectué sur ce monstre et à quel point les émotions sont à fleur de peau, il n'y a qu'un constat à faire : Mastodon vient de nous envoyer là un chef d'oeuvre ! Ce n'est qu'à partir de "Had It All" que le groupe semble accepter la mort de leur ami et que les ambiances laissent passer un minimum de lumière. L'album donne l'impression de couvrir toutes les phases émotionnelles d'un deuil et ce titre est le celui qui évoque le plus l'acceptation avec cette pointe de nostalgie dans les mélodies. On y entend d'ailleurs un solo assz déchiré de l'excellent Kim Thayil de Soundgarden qui lui aussi a dû passer par là et savait donc ce dont avait besoin ce morceau. Quand au bien nommé "Gigantium", il ferme l'album en beauté avec des cordes pour appuyer encore les ambiances et les mélodies et mettre un dernier coup derrière les oreilles. Malgré sa longueur et sa densité, l'album ne nous perd jamais et garde étonnamment un côté assez accrocheur, pourtant il s'en passe des choses par ici, surtout que l'expérimentation n'a pas été laissée au placard ! Entre un solo de basse, des passages très inspirés par le rock progressif, des sonorités orientales, "Hushed And Grim" aurait pu être difficile à appréhender mais ce n'est pas le cas.

Mastodon nous livre donc avec ce nouvel album très personnel très riche et profond qu'il va falloir explorer en détail. Pour autant, on y entre facilement tant les mélodies arrivent à nous accrocher et à nous toucher. Le groupe ne s'était probablement jamais autant livré et met toutes ses tripes dans cette heure et demie touchante, poignante et qui se permet en plus d'expérimenter ! "Hushed And Grim" est un authentique chef d'oeuvre et la définition même de la catharsis. Mastodon nous prouve une fois de plus que les pires périodes d'une vie peuvent tout de même donner quelque chose de constructif, en l'occurence un très bel album qui arrive paradoxalement à remettre du baume au cœur.


Murderworks
Janvier 2022




"Emperor Of Sand"
Note : 17/20

Trois ans déjà depuis la sortie de "Once More Round The Sun", très bon cru qui avait une fois de plus montré le savoir faire de Mastodon. "Emperor Of Sand" marque donc le retour du groupe et ne devrait pas réconcilier ceux qui ont quitté le navire à partir de "The Hunter".

Dès "Sultan's Curse", on retrouve en effet le Mastodon très rock, très accrocheur et mélodique que l'on connaît depuis quelques albums maintenant. Les gros amateurs de la période la plus dure du groupe en seront donc toujours pour leurs frais, aucun retour en arrière en vue et c'est tant mieux. Je vais passer pour un hérétique mais je trouve que c'est justement depuis que Mastodon exacerbe son côté rock et mélodique que le groupe devient réellement intéressant (je pense la même chose de Neurosis dans un autre genre, même si j'aime les premiers albums ce n'est pas la brutalité qui me parle le plus chez eux). Certes "Remission" et "Leviathan" étaient très bons dans leur genre, mais depuis quelques années le groupe s'émancipe et ne s'impose plus de barrières. Nul doute d'ailleurs que "Show Yourself" avec ses airs radio friendly va faire vomir plus d'un métalleux et que certains vont hurler au groupe vendu. Et pourtant la patte Mastodon est toujours là, le groupe est encore reconnaissable entre mille et "Precious Stones", par exemple, le prouve de fort belle manière. Plus d'une fois le groupe arrive à nous faire dresser les poils et à installer des ambiances poignantes, à l'instar de "Ancient Kingdom" qui est aussi groovy et accrocheur qu'émouvant. Comme pour "Once More Round The Sun", ce n'est pas un quelconque effet de surprise qui nous frappe sur "Emperor Of Sand", Mastodon continuant son chemin tranquillement en apportant toujours plus de profondeur à sa musique. Ce qui frappe cette fois encore ce sont ces mélodies à tomber, ce groove imparable, cette technicité incorporée de main de maître au sein d'un ensemble plus direct sans jamais qu'elle prenne le dessus, bref c'est une fois de plus le talent de ces gars qui nous frappe !

Certains bourrins hurlent à la trahison comme je le disais plus tôt et pourtant les éléments que Mastodon poussent depuis quelques albums ont toujours été là, cachés plus profondément sous une couche de crasse et de goudron certes mais bel et bien là. Dès les deux premiers albums, les membres se décrivaient d'ailleurs plus comme un groupe de rock qu'autre chose, preuve que si certaines oreilles ne l'ont pas discernée tout de suite cette vision était déjà dans l'esprit du groupe. Pourtant et malgré quelques sonorités radio friendly, on est loin de la soupe que certains chevelus décrivent, la richesse des morceaux, le travail sur les arrangements, le caractère sombre des mélodies ne risquent pas de ranger le groupe dans la catégorie "aimable bluette à passer entre deux pubs pour des supermarchés". Pour peu que l'on se penche sérieusement sur "Emperor Of Sand", on y trouve des morceaux qui sont d'apparence simples mais qui renferment une richesse incroyable qui ne se dévoile qu'après de multiples écoutes. Je parlais de Neurosis tout à l'heure et on retrouve comme d'habitude Scott Kelly en guest sur un morceau, cette fois c'est "Scorpion Breath" qui bénéficie de son chant arraché. Autre guest de luxe, Kevin Sharp apparaît sur "Andromeda". L'album se termine sur les presque huit minutes de "Jaguar God" qui nous retourne les tripes une fois de plus avec un morceau émouvant sans être niais, comme Mastodon sait les faire.

"Emperor Of Sand" n'affiche pas de surprises mais continue sur le chemin que Mastodon s'est tracé il y a déjà quelques albums. Un album de plus certes mais quel album !


Murderworks
Juillet 2017




"Once More 'Round The Sun"
Note : 17/20

Mastodon est de retour 3 ans après un "The Hunter" qui avait déçu plus d'un, la faute à une orientation plus rock et mélodique. Je ne crois pas que "Once More 'Round The Sun" les ramène dans le giron du groupe, Mastodon continue son petit bonhomme de chemin sans se soucier des réactions de quiconque.

Sachant que ces gars-là se sont toujours vus comme un groupe de rock, leur évolution n'a rien d'étonnant, il en était en effet logique et prévisible qu'ils finissent par simplifier leurs structures et par implémenter bien plus de mélodies accrocheuses. "Crack The Skye" avait été le premier a véritablement pousser le bouchon dans cette direction même si "Blood Mountain" pouvait déjà le laisser entrevoir, en y ajoutant des velléités progressives qu'on pouvait entendre plus discrètement par le passé et qui se faisaient cette fois une bonne place. "The Hunter" présentait des morceaux encore plus immédiats, presque au format pop pour certains, dotés d'une structure couplet / refrain facilement assimilable, délaissant du coup les morceaux à tiroirs dans lesquels on pouvait se perdre aux premières écoutes. Il faut s'y faire, la musique de Mastodon a changé de visage, il reste encore quelques passages plus alambiqués mais on est majoritairement dans quelque chose de bien plus direct. Certains trouvent du coup que toute la richesse de la dite musique s'est envolée mais ce n'est bien évidemment pas le cas, la forme a certes changé et a évolué vers plus de simplicité mais la profondeur est toujours là. Et il faut avouer que ce groupe a un talent certain pour sortir des mélodies et des lignes de chant qui font mouche, ce serait dommage qu'il se prive de leur utilisation. Alors oui, ça laissera une fois de plus sur le carreau les grands fans de "Remission" et de "Leviathan" qui adoraient ces gros riffs de bûcheron bien metal et ces structures complètement tordues. Je ne fais pas partie de ceux qui vous diront que Mastodon s'est vendu, au contraire, même si ce nouvel album est encore plus rock que le précédent, ce n'est pas avec ça qu'ils vont dominer le monde, leur musique reste bien trop riche pour ça. Oui le groupe a un don pour créer des morceaux mélodiques et presque "tubesques", et "Halloween" comporte des lignes de chant qui ne vous sortent plus du crâne mais on ne peut résumer cette nouvelle galette à ça (d'ailleurs le solo de gratte final de ce morceau est une pure tuerie).

Il suffit d'écouter un morceau comme "The Motherload" pour comprendre que oui Mastodon est bien un groupe de rock, mais tout de même version tordue et couillue. Parce que le truc, c'est que ce nouvel album a une fois de plus pas mal de choses à offrir, le côté quasiment "radio friendly" est trompeur et on peut vite passer à côté de la substantifique moelle de l'engin. Mastodon reste lui-même pour ça, on croit avoir saisi la bête et c'est à ce moment-là qu'elle nous glisse entre les doigts. On a toujours des morceaux qui tranchent avec le reste comme ce "Chimes At midnight" qui renoue avec plus de nervosité et de complexité, quelques réminiscences du Mastodon d'antan. D'ailleurs pour parler technique, Brann Dailor nous met une fois de plus une énorme claque sur cet album, loin de ses parties dignes d'une pieuvre, il nous livre un jeu impressionnant mais jamais outrancier, du groove, de la technique, de l'inventivité, bref ça tue et c'est toujours exactement ce qu'il faut là où il faut. Pour les autres, c'est du même niveau, et ce même "Chimes At Midnight" nous dévoile ces mélodies mélancoliques et magnifiques dont le groupe a le secret, tranchant net avec le côté très rock 'n' roll des précédents morceaux, plombant l'ambiance d'un coup. "Asleep In The Deep" nous balance des lignes de chant bien space et en décalage complet, donnant un côté psyché et planant à la bête, mais planant version bad trip. Et "Aunt Lisa" pousse le délire encore plus loin, là c'est tout le morceau qui est totalement barré, changeant de forme et d'ambiance plusieurs fois pendant ses 4 petites minutes. Une preuve supplémentaire que non Mastodon n'est pas devenu un groupe de vendu se mettant au rock pour vendre, il y a encore largement de quoi se perdre ici et ce "Once More 'Round The Sun" ne s'apprivoisera pas en une écoute. Bien entendu, le chant clair (ou plutôt les chants) se taille la part du lion sur ce nouvel album, les hurlements ont quasiment disparu. Hé oui, c'est comme ça, avec le temps on vieillit, on a craché la rage qui nous bouffait l'estomac depuis longtemps et on peut enfin se permettre de tourner la page et de passer à autre chose, c'est parfois cruel pour vos oreilles mais c'est comme ça et ça s'appelle la vie tout simplement. Il reste à la limite le dernier morceau de l'album "Diamond In The Witch House" qui pourrait satisfaire les anciens, morceau plombé, lourd, malsain et qui amène la traditionnelle apparition de Scott Kelly depuis "Leviathan".

Si vous n'avez pas aimé le nouveau visage de Mastodon sur ses deux derniers albums, laissez tomber celui-ci d'avance, il continue sur la même lancée. Le groupe se fait de plus en plus accrocheur tout en restant bien plus profond et complexe qu'un groupe de rock lambda, parce que oui c'est bien vers le rock que Mastodon se dirige et ça les métalleux ont du mal à l'accepter depuis "Crack The Skye". Il suffit pourtant de mettre ses oeillères de côté pour comprendre que le groupe est loin d'être mort (paradoxal de devoir rappeler ça aux amateurs d'un groupe qui était tout de même assez tortueux et aventureux), la forme a changé mais le fond est toujours là.


Murderworks
Août 2014




"The Hunter"
Note : 16/20

Voilà un album qui me surprendra une fois de plus, Mastodon a ce don de sortir trente six EPs, splits, démos avant de nous balancer ses albums et à chaque fois la surprise n’en est pas des moindres. "The Hunter" commencera sur un "Black Tongue", efficace pour une première mise en bouche, classique de ce qu’est un bon morceau de Mastodon, en plus d’une structure musicale que je trouve plus poussée et des voix un peu plus audibles, dans le sens où l’on perçoit bien plus les paroles.

Surpris par un aspect rock plus en avant sur "Curl Of The Burl", voilà un morceau qui change pas mal pour du Mastodon je trouve, avec un côté loud rock 'n' roll mais qui sera très réussi. Et "The Hunter" va se jouer d’une manière assez particulière dans le sens où l’on est surpris du registre de Mastodon d’un morceau à l’autre, "Blasteroid" sera dans le même esprit rock 'n' roll que "Curl Of The Burl" mais avec un chant plus pêchu sur le refrain et encore plus évasif sur les couplets, et des guitares avec beaucoup plus d’attaque également. Mastodon saura aussi envoyer une sauce bien puissante à l’image de "Spectrelight", où chacun se lâche un grand coup, le jeu guitares / basse est bien plus soutenu et sec, accompagné de Scott Kelly au chant, nous voilà avec un morceau bien plus speed et limite thrash sur certains passages, un véritable plaisir à l’écoute. Il y a eu énormément de travail et de remise en question je trouve sur cet album, ici pas de réel chanteur lead, chacun chante et ce de manière égale en fonction des titres même si Brann Dailor est en lead sur au moins six titres si je ne m’abuse, et ce qui est tout de même assez impressionnant au vu de ses défoulements sur ses fûts tout en gérant son chant lead, le genre de truc qui doit être super à voir en live, mais bien difficile tout de même pour gérer une scène équitablement au niveau des chants lead.

Des superbes guitares sur "Octopus Has No Friend", à la basse énorme de "Thickening" jusqu’aux grands moments d’évasion offerts sur "The Hunter" et "The Sparrow", Mastodon a une fois de plus réussi à me surprendre et à décider de viser beaucoup plus large avec cet album. "The Hunter", cinquième opus de Mastodon, l’album qui t’offrira tout ce dont tu as besoin pour tes petites oreilles délicates, du son rock, du son metal, du progressif avec de grands moments atmosphériques et des voix magnifiques. Mastodon a pris un tournant musical qui ne fait que mettre encore plus en valeur le talent de ce groupe.


Phenix
Mai 2012


Conclusion
Le site officiel : www.mastodonrocks.com