Vous aimez les étiquettes ? Pouvoir ranger les choses dans une case bien précise ? Alors vous êtes mal barrés avec le troisième album de Kontinuum, parce qu'avec "No Need To Reason" ces Islandais continuent leur brassage d'influences et se foutent toujours autant des barrières.

Bon, il y a tout de même une influence que l'on peut noter assez rapidement et qui permettra de situer un peu la bête, cette influence c'est celle de la dark wave et du goth. Parce que quand on entend le chant de Birgir Thorgeirsson, on se dit que le monsieur a pas mal écouté les Sisters Of Mercy et consorts. Musicalement, l'influence de ces courants musicaux s'entend bien aussi mais elle se mélange à d'autres sonorités, des traces de metal y trouvent fort logiquement leur place et quelques arpèges bien sales et dissonants peuvent évoquer de très loin le black metal. De très loin parce que le chant est clair, que les blasts sont inexistants et que les riffs typiques en trémolo ne se font pas plus entendre non plus, ce ne que certaines sonorités sales et noires qui peuvent y faire penser. Kontinuum propose une musique planante, torturée, aux mélodies insidieuses. C'est une fois de plus faussement accrocheur et direct, "No Need To Reason" vous donne l'impression que vous maîtrisez la situation mais tisse discrètement sa toile autour de vous. On se retrouve bien vite assommé sous le poids de la mélancolie ambiante, les ambiances cotonneuses vous font planer et vous sombrez dans la neurasthénie. Par certains côtés, on repense dans une certaine mesure au "Strange In Stereo" d'In The Woods pour ce mélange de sonorités goth et dark wave d'un côté et une personnalité barrée et torturée de l'autre. Bon, on est quand même loin de l'expérimentation d'In The Woods, Kontinuum est bien plus proche du goth et donc dans un certain sens plus classique.

Les gros métalleux bourrins ne trouveront clairement pas leur compte sur "No Need To Reason", les amateurs de musique très plombée style gros doom qui tache avec pulsions suicidaires en bonus ne s'y retrouveront pas non plus. Kontinuum propose une musique torturée et sombre certes mais tout de même emprunte d'une certaine classe et d'une finesse indéniable. Dans l'esprit, je repense aussi au "Electric Sulking Machine" de Beyond Dawn mais ça c'est peut-être juste moi. Et si je disais plus haut que la musique du groupe n'était pas aussi barrée que chez In The Woods, cela ne l'empêche nullement d'être personnelle et en dehors des influences goth flagrantes, Kontinuum crée sa propre tambouille et nous balance un album de très bonne qualité, prenant et dont l'honnêteté saute aux oreilles. En même temps, il faudrait être sévèrement allumé pour avoir des prétentions commerciales avec une musique pareille, pas qu'elle soit particulièrement difficile d'accès mais ce troisième album demande tout de même qu'on lui accorde notre attention et ne s'écoute pas comme un vulgaire fond sonore. "No Need To Reason" est drapé d'une beauté froide, d'ambiances dérangeantes et prenantes à la fois, une caractéristique que l'on retrouve là encore souvent chez les groupes de goth ou de dark wave.

Voilà donc un album qui, tout en puisant dans le goth et la dark wave, trouve le moyen de proposer une musique personnelle et honnête. Les bourrins feront la gueule mais ceux que la finesse et la mélancolie ne font pas fuir devraient jeter une oreille attentive sur Kontinuum.