"The Final Cut"
Note : 17,5/20
Amateurs du septième art, de salles obscures et d’acteurs ou figurants plus ou moins renommés, ici nous nous attaquerons à votre passion. Et quoi de mieux pour parler blockbuster et oscars que le registre cinématographique du heavy voire du rock si cher à notre cœur ? Les deux représentants les plus éminents du genre dans l’Hexagone étant bien évidemment Hypno5e et Kamera Obscura, bien que cette dernière formation évolue dans un style moins extrême mais tout aussi intéressant. Quoi qu’il en soit, tirant son nom du latin "Kamera Obscura" et de sa "chambre noire", Kamera Obscura mêle avec perfection un univers metal et des ambiances dignes des plus grands films de notre Histoire. Loin donc de donner dans la chambre froide mortuaire, Kamera Obscura s’adresse à tous les adeptes de films quelque peu angoissants, horrifiques voire à la limite du thriller. Fans invétérés de Romero, John Carpenter ou encore de Jacquie et Michel, tout cela sera pour vous...
Bien que je ne sois pas tout à fait sûr qu’il comblera les visionneurs de porno bas de gamme gratuit, "The Final Cut" aura largement le mérite de rassasier les tympans en manque d’aventures musicalement cinématographiques, que celles-ci se déroulent sur Super 8 ou en HD. Reposant sur un instrumental lourd, sous-accordé et terriblement martial, "The Final Cut" prend son envol par la voix aguicheuse de Cécile MN mais surtout par les atmosphères amenées par des machines bien placées et rodées ("Texas Chainsaw", "Maniac", "Necromonicon Ex Mortis"). Le tout explore bien évidemment (et naturellement) le registre de l’angoisse, du gore, de quelques massacres et juste d’une pointe d’hémoglobine. Le chant amène avec brio cette dimension malsaine voire oppressante qui sied à merveilles au son de Kamera Obscura. "The Final Cut" est donc parfait pour illustrer de nombreuses scènes coupées ou encore servir de bande-son à n’importe quelle série B ou Z. Avec des environnements sonores tels que "Obey", "Antichrist" ou encore "I Spit On Your Grave", "The Final Cut" manie très largement son registre et propose une dizaine de soundtracks bien foutues qui fileront à la fois la chair de poule, la niaque mais surtout ce sentiment d’être face à un opus brillement réussi.
Bref, il n’y a donc pas à tortiller du cul pour chier droit, cet album est vachement bien ! "The Final Cut" mêle parfaitement l’univers cinématographique de Kamera Obscura à sa face rock et le rendu est sacrément sympa. Bien au-delà, "The Final Cut" démontre une nouvelle fois encore que Kamera Obscura en a derrière l’objectif et qu’avec ou sans flash, le quatuor entend bien immortaliser son talent pour s’inscrire comme l’un des éléments incontournables du paysage musical hexagonal. Alors sors ta kamera, ça va se bousculer dans les salles obscura de France et de Navarre. Et pire ! Y en a plus d’un qui se prendra pour San Goku et qui gueulera "Kamera-mera" !
"Copycat"
Note : 16/20
De tous les
concepts musicaux expérimentaux frenchies, Kamera Obscura est réellement le
plus abouti, ne sombrant jamais dans la facilité, proposant une ligne
directrice réfléchie jusqu’au-boutiste. Le quatuor impose d’emblée une
identité qui lui est propre, une approche aussi intelligente que transcendante
pour un genre unique dans l’industrie actuelle. Et pour avoir œuvré deux
décennies dans le cinéma, en particulier fantastique, l’hommage soundtrack geek
rendu par le groupe aux masterpieces du genre me provoque une érection cinématographique
difficilement contrôlable.
Un hommage
electro-indus aux giallos et slashers shootés en 16 mm, au Brady et
aux premiers vidéoclubs. Une œuvre à part, archéologique, judicieusement
baptisée "Copycat".
Véritable
diva et scream queen qui s’ignore, Cécile MN vient poser sa voix si
particulière et modulable sur une bible d’ambiances et de samples classieux.
En témoigne
"Halloween", célébrissime theme principal composé par Carpenter en personne (le Maître
signera également une bonne partie des soundtracks de ses films tout au long de
sa carrière….) et qui est repris à coup de riffs massifs et de nappes de
synthés très 80's. Variations, screams, samples inquiétants, Cécile nous propose
un timbre limite cold wave avec distorsions en prime. Au final, un titre riche
en influences, intelligemment construit et magnifiquement produit. Une récurrence
chez Kamera Obscura
Argento est
à l’honneur, ou plutôt les Goblins, mythique groupe de rock prog italien dont
la reprise du non moins mythique Les Frissons de l’Angoisse, est ici proposé
dans une version plus electro au phrasé très catchy (les refrains font penser à
du Nina Hagen) et la patine pulp movies.
"Somebody
Super Like You", véritable étendard du Fantôme de l’Opéra de Mister De Palma est
une reprise de Paul Williams qui tenait également le premier rôle. Autant dire
que cette réinterprétation grand-guignolesque, fantasque et lyrique pourrait s’inscrire
dans un opéra baroque, à l’image de l’œuvre originelle. Et une fois de plus, la
voix intemporelle de Cécile y fait merveille, créant un climax vintage et
onirique.
"Superbeast"
déroge à la règle, mais seulement un peu… dans la mesure où ce titre de Rob Zombie
est avant tout le premier single promotionnel de l’artiste, en solo.
De part sa
qualité, il fut repris sur de nombreuses prods notamment le nanar Mortelle
Saint Valentin puis pour La Fin des Temps et un jeu vidéo.
Œuvre indus
par excellence, on reconnaît clairement la rythmique de celui qui allait passer
quelques temps plus tard de l’autre côté de la caméra. Les vocaux et les riffs
sonnent grunge à certains moments (le "Celebrity Skin" de Hole, en plus electro).
Mais Kamera
Obscura ne limite pas à ses propositions et fait appel à une communauté pour
remixer d’autre titres, des collaborations fructueuses dont l’intérêt est
de présenter plusieurs lectures et univers différents.
A commencer
par le très volcanique "Flesh Eaters", film de Jack Curtis, on se rapproche
de l’EBM même si les vocaux tirent clairement vers le punk à la Atari Teenage
Riot. Jouissif.
"The
Abominable Doctor Phibes" de Basil Kirchin est remixé par Shaarghot & The Badly Chainsaw, d’où une ambiance
plus massive, une approche plus US aussi, une voix sous forme de complainte. Un
revival de l’essence même de l’indus.
"Interceptor",
mixé par S1CKTH3SIS, est clairement l’objet le plus schizophrénique, il part dans
tous les sens dans une rythmique clairement techno. Déstabilisant
"Terror From
Outer Space" d’Insanecomp conclut sur un mode plus slow, un son synthétique
lounge, des dialogues samplés, une ambiance artificielle qui dénote par
rapport au sujet du film dont la musique est extraite.
Là, est la
force de cette œuvre, une contradiction synonyme de diversité et de richesse ;
un contre-pied constructif à différents univers, une façon de découvrir ou
redécouvrir, de réhabiliter des œuvres trop peu connues par la génération 2.0.
Les atmosphères si particulières des bandes explorées sont restituées de manière
certes différente, mais toujours dans un respect de l’œuvre. Un hommage et une
cohésion qui contribuent aux émotions sonores, mais qui gagneraient encore à se
limiter aux films de genre et séries B antérieures aux années 90. Une période
riche en ovnis auxquels Kamera Obscura appartient.
"Dark Reels"
Note : 10/20
"Dark Reels" débute par une intro instrumentale (sample mis à part), "The Children Of The Night". Très cold wave, elle installe une ambiance pesante avec un petit côté eighties. On enchaîne sur le single "Interceptor", qui retranscrit très bien l'idée d'une course-poursuite à fond de balle dans Mad Max et qui laisse présager le meilleur pour la suite. Tout ce qui fait qu'on aime l'electro-indus est là, en particulier cet aspect direct, primaire, martial, qui nous exhorte à rejoindre le dancefloor le plus proche.
...hélas, passée cette bande-annonce alléchante, l'envie nous prend bien vite de quitter le cinéma. Le mixage prend un parti pour le moins déconcertant, celui de mettre les samples incroyablement en avant, les dialogues des films concernés comme les autres sons. À la différence d’autres groupes qui composent un titre et l’agrémentent de samples après coup, Kamera Obscura composent réellement à partir d’eux. Démarche intéressante, à ceci près que ces sons ont été tellement boostés en volume que l’on entend plus que ça. En dessous, on discerne encore assez bien la voix féminine, gémissante, théâtrale, mais recouverte d’un effet qui donne toujours l’impression qu’elle est dans la pièce d’à côté même quand elle hurle. Et encore en dessous, les instruments, toujours feutrés, voire étouffés. Entre les lignes de gratte sans fureur, la basse que je perçois péniblement en collant l’oreille sur mes amplis et une batterie tellement répétitive qu’à la limite le lapin Duracell et son tambour auraient pu faire l’affaire (je veux bien que l’indus n’a jamais été connu pour son inventivité en matière de beats, mais tout de même…), les pistes s’égrènent, peu différenciées les unes des autres et on attend toujours qu’ils envoient véritablement la sauce.
Dommage, car on sent chez le combo un réel travail, perfectionniste et acharné. Dommage, car cet album réussit à dépeindre des paysages sonores lugubres et pertinents. Vraiment dommage, car une direction artistique plus pêchue aurait peut-être suffi pour rendre l’ensemble vraiment accrocheur. Bref, je ne conseillerais "Dark Reels" qu’aux mordus du cinéma de genre qui souhaiteraient prolonger le plaisir prodigué par le grand écran ou à ceux qui voudraient se mettre gentiment à l’indus avant de passer à des formations plus extrêmes. Les autres risqueraient, je le crains, de se sentir comme des intrus lors d’une projection privée.
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