Le groupe
Biographie :

Le projet Intronaut débute en 2004 lorsque Danny Walker, batteur du groupe de grind californien Uphil Battle et Sacha Dunable, guitariste d’Anubis Rising (doom metal) décident ensemble de monter un projet de hardcore torturé. Vient bientôt se greffer à l’équipe Leon del Muerte (Exhumed, Impaled), qui occupe dès lors le poste de guitariste / chanteur et Joe Lester ex-Mouth Of The Architect) à la basse. En 2007, Dave Timnick remplace Leon del Muerte. Le groupe a sorti les albums "Void" (2006) chez Metal Blade Records, "Prehistoricisms" (2008) chez Century Media, "Valley Of Smoke" (2010), "Habitual Levitations (Instilling Words With Tones)" en Mars 2013, "The Direction Of Last Things" en Novembre 2015, et "Fluid Existential Inversions" en Février 2020.

Discographie :

2006 : "Void"
2008 : "Prehistoricisms"
2010 : "Valley Of Smoke"
2013 : "Habitual Levitations (Instilling Words With Tones)"
2015 : "The Direction Of Last Things"
2020 : "Fluid Existential Inversions"


Les chroniques


"Fluid Existential Inversions"
Note : 17/20

Intronaut a frôlé l'implosion et l'arrivée de "Fluid Existential Inversions" en est d'autant plus appréciable. Beaucoup ont connu cette situation, le manque d'énergie, les membres à plat, le besoin de faire une pause à durée indéterminée. L'arrivée d'Alex Rüdinger à la batterie et une bon break ont permis à Intronaut de se remettre sur pied et de nous livre ce nouvel album.

Rappelons pour ceux qui découvriraient que le groupe se trouve à la croisée de plusieurs chemins que ce soit post-core, metal moderne ou prog. Intronaut brouille les pistes et ses albums ont tout du voyage musical, des albums exigeants et profonds mais toujours habités par de superbes mélodies et des ambiances planantes. J'avoue que le très court "Procurement Of The Victuals" qui ouvre l'album contredit à peu près tout ce que je viens de dire avec ces guitares puissantes et son approche très directe mais chassez le naturel et il revient au galop. C'est "Cubensis" qui s'en charge avec des parties techniques, jazzy, des riffs puissants et des mélodies une fois de plus prenantes. On sent que le groupe n'a pas freiné les ardeurs d'Alex Rüdinger qui s'en donne à cœur joie avec des parties de batterie qui vont décourager plus d'un apprenti cogneur ! Il n'y a pourtant rien qui pourrait s'apparenter à de la démonstration stérile, ces parties bien perchées s'intègrent parfaitement dans la musique d'Intronaut qui a de toute façon tendance à ne pas tenir en place plus de vingt secondes. On reconnaît donc bien la patte habituelle du groupe et "Fluid Existential Inversions" ne risque pas de dépayser les habitués. N'allez pas croire que ce break de cinq ans a été consacré à la glandouille, on entend plusieurs choses assez nouvelles par ici et le groupe en a profité pour se lâcher encore un peu plus et se faire plaisir sans se prendre la tête (enfin ne pas se prendre la tête chez Intronaut, ça donne quand même une musique particulière...). Quelques sonorités plus psychées se font entendre comme par exemple sur "Contrapasso" qui n'en devient que plus planant et qui nous emmène très loin.

Une des petites nouveautés de "Fluid Existential Inversions" est l'apparition ponctuelle de claviers et même de Mellotron. Cela reste discret mais apporte indéniablement un plus à la musique d'Intronaut et le côté psyché et planant n'en est que plus renforcé. Le contraste est d'ailleurs assez intéressant puisque le groupe ne lésine pas sur la puissance et l'agressivité créant une sorte de synthèse des deux principaux visages d'Intronaut. L'inspiration et la patate sont au rendez-vous et on sent clairement l'envie de se faire plaisir tout en se renouvelant un minimum. Pas de quoi déconcerter les habitués de la maison comme je le disais plus tôt mais le groupe évolue tout de même, doucement mais sûrement. Il va falloir se plonger dans l'album pour en saisir les subtilités, comme d'habitude me direz-vous. La plupart des morceaux approchant les sept minutes sont par conséquent assez denses, pourtant le tout est tellement bien construit que ce nouvel album donne l'impression de couler de source. C'est d'autant plus étonnant quand on connaît l'univers d'Intronaut et qu'on sait que sa musique est loin d'être évidente, encore moins simpliste. En tout cas, si ceux qui aimaient uniquement la facette la plus mélodique et planante du groupe risquent de déchanter devant ce relatif retour d'agressivité, les autres prendront leur pied en écoutant un Intronaut en forme. L'équilibre entre l'agressivité et la mélodie tient presque du 50 / 50 et ces deux facettes se fondent parfaitement ensemble là où les précédents albums privilégiaient souvent l'une ou l'autre.

Un nouvel album qui aurait pu ne pas voir le jour et qui fait plaisir à entendre. Intronaut est en forme, inspiré et le groupe se lâche tout en gardant cette fameuse patte qu'on lui connaît. Quelques petites nouveautés font leur apparition comme de discrets claviers et l'équilibre entre le visage agressif du groupe et sa facette la plus planante et mélodique est encore mieux géré, les deux se partageant l'espace à parts quasiment égales. "Fluid Existential Inversions" ne prendra pas ceux qui connaissent le groupe par surprise mais devrait en tout cas leur ravir les tympans !


Murderworks
Mai 2020




"The Direction Of Last Things"
Note : 17/20

Intronaut est un groupe définitivement à part, le genre a n'en faire qu'à sa tête depuis ses débuts, à faire un sans-faute discographique et à proposer une musique à la fois hors des conventions, riche techniquement, mélodique et envoûtante. Le groupe nous revient avec un cinquième album, "The Direction Of Last Things", qui va quelque peu renouer avec d'anciennes sonorités.

Rien que la pochette annonce en fait la couleur en faisant quand même un gros clin d'œil à celle de "Prehistoricisms" ! Eh oui, sur ce nouvel album et après avoir exploré la voie mélodique et planante sur "Valley Of Smoke" et "Habitual Levitations", le groupe a décidé qu'il était temps de remettre un peu de patate là-dedans. Et dès "Fast Worms", Intronaut nous rentre dedans sans ménagement, gros riffs de bûcheron, gros coups de double, retour du chant hurlé bien comme il faut et refrain mélodique et planant en chant clair comme le groupe sait si bien le faire. Alors soyons clairs quand je parle de refrains mélodiques, le groupe n'a pas perdu son âme en tombant dans le piège du format couplet agressif / refrain mélodique, non les structures sont toujours aussi complexes et les morceaux partent toujours dans tous les sens. En tout cas, Intronaut n'a rien perdu de son savoir-faire, les mélodies sont toujours aussi belles, le niveau technique toujours aussi affolant et malgré les changements de rythme comme d'habitude toutes les 30 secondes, les morceaux passent tout seuls. Bien entendu, les parties bien jazzy n'ont pas été oubliées elles non plus, on en entend encore assez régulièrement pour notre plus grand plaisir. Dit comme ça, on a vraiment l'impression qu'Intronaut est revenu en arrière mais pas du tout, l'agressivité et la patate font leur retour mais le groupe garde quand même la patte qu'il avait développée sur les deux derniers albums. C'est donc simplement encore une autre étape de l'évolution de sa musique que le groupe vient d'atteindre, en ramenant quelques éléments du passé qu'il avait délaissés ces derniers temps certes mais ce n'est ni un retour en arrière ni du surplace.

Le groupe réussit l'exploit de reprendre les éléments qui ont toujours constitué sa musique sans pour autant faire deux fois le même album, même si on retrouve bien entendu pas mal de réminiscences. Intronaut est tellement créatif et en à part du reste de la scène qu'il trouve toujours le moyen de retomber sur ses pattes et de proposer une musique personnelle. Evidemment on les compare souvent à Mastodon, et je pense qu'effectivement les deux groupes ont des influences communes et peut être une façon similaire de concevoir la musique. Mais malgré quelques éléments en commun, les deux groupes empruntent une voie différente, avec beaucoup de talent dans les deux cas d'ailleurs. En tout cas, Intronaut arrive une fois de plus à nous embarquer dans son monde, ses mélodies et ses ambiances sont toujours aussi irrésistibles et je vous invite à écouter "The Unlikely Event Of A Water Landing" dont la fin ne devrait plus vous laisser aucun doute à ce sujet. Ce nouvel album n'est pas aussi frondeur et direct que "Void" ou "Prehistoricisms", c'est simplement que le groupe a réinjecté de l'agression dans ce nouvel album. La discographie d'Intronaut était presque coupée en deux parties, les deux premiers albums et leur côté agressif d'un côté, les deux suivants et leur côté plus planant et mélodique de l'autre. "The Direction Of Last Things" pourrait presque être considéré comme une jonction entre ces deux périodes, réunissant pour le meilleur et uniquement pour le meilleur les deux visages du groupe.

Encore un excellent album de la part d'Intronaut qui, pour la cinquième fois, nous met une bonne baffe. Un peu d'agressivité retrouvée sur ce nouvel album, mélangée avec les mélodies et ambiances planantes de son prédécesseur pour une osmose parfaite entre les deux périodes.


Murderworks
Décembre 2015




"Habitual Levitations (Instilling Words With Tones)"
Note : 17/20

Déjà le quatrième album pour les malades d'Intronaut, trois ans après l'excellent "Valley Of Smoke" voilà que le groupe revient avec son nouveau bébé "Habitual Levitations". Il est d'ailleurs dommage que le groupe ne fasse pas plus de bruit que ça, même avec une signature chez Century Media on ne peut pas dire que sa musique soit très exposée. Ces gars-là font pourtant preuve d'une créativité sans bornes depuis leurs débuts, et ceux qui connaissent leurs trois précédents méfaits savent de quoi je parle. Cette fois encore Intronaut avance et surprend, peut-être pas dans le bon sens pour certains d'ailleurs.

En effet, le premier détail qui peut choquer c'est que le chant clair est désormais seul maître à bord, et ça risque de rester en travers de la gorge des plus bourrins. Pour qui connaît bien la musique du groupe ce choix n'a rien de bien surprenant, Intronaut suit une progression logique depuis le premier album "Void". Son successeur "Prehistoricisms" montrait déjà régulièrement une tournure plus progressive ou jazzy dans l'âme, une prédominance des mélodies et des passages planants au détriment de l'agressivité et des passages tortueux. Orientation confirmée avec brio sur "Valley Of Smoke" qui nous faisait planer dans les hautes cimes, et qui est sûrement ce que le groupe avait fait de mieux jusque là. Il est donc tout à fait normal que ce nouvel album poursuive cette démarche, d'autant que comme je le disais rien ne s'est fait brusquement. "Habitual Levitations" n'est finalement que la suite logique de la discographie sans fautes d'Intronaut, et ce n'est d'ailleurs pas cet album qui commettra la première erreur. Après de là à savoir s'il va justement détrôner "Valley Of Smoke" c'est autre chose, on verra ça avec un peu plus de recul. Pour l'instant je les mets au même niveau et je prends toujours autant de plaisir à les écouter, c'est un signe qui ne trompe pas.

Donc on se prend une grosse claque une fois de plus, l'agressivité a cédé du terrain mais l'inventivité est toujours bien présente, et ces 57 minutes, aussi riches soient-elles, ne laissent jamais pointer le moindre ennui. Les longs passages instrumentaux sont encore là eux aussi, et plus le temps passe plus Intronaut arrive à nous emmener loin ! L'aspect rugueux des débuts a laissé la place à une musique plus contemplative et introspective, quelque chose de plus zen dans l'esprit. Il suffit de lire le nom de l'album pour vite comprendre de quoi il s'agit en fait, les membres ont vieilli et mûri et ceux qui hier encore ruaient dans les brancards se posent maintenant pour prendre un peu de recul. Ce virage ne plaira pas à tout le monde et c'est bien dommage tant la musique proposée par Intronaut est riche et maîtrisée de bout en bout, de quoi se faire plaisir quand on sait à quel point la scène a tendance à être uniformisée. Le groupe a souvent été comparée à Baroness ou Mastodon, je considère que ces deux là sont loin derrière pour ce qui est de la créativité. Quand on sait que certains membres d'Intronaut viennent d'Uphil Battle ou d'Exhumed il y a de quoi être surpris ! Pas que ces deux groupes sont mauvais, loin de là même, mais c'est tellement éloigné de ce qu'Intronaut propose qu'on ne les imaginaient pas forcément détrôner les deux mastodontes sus-cités.

Comme le reste de leur discographie cet "Habitual Levitations" fait partie des albums qui se vivent et qui se ressentent, et qui sont par conséquent très difficiles à décrire. Si ça ne tenait qu'à moi j'aurais réduit cette chronique à une phrase vous invitant à vous plonger dans les 4 albums de cet énorme groupe ! Mais bon il fallait quand même signaler que les grosses sonorités sludgy du passé ont quasiment disparu, que la musique d'Intronaut a mué, qu'elle a suivi son chemin pour donner quelque chose de tout aussi complexe et riche mais de bien plus posé. L'occasion aussi de préciser que Joe Lester continue de nous râvir les tympans avec sa basse fretless, ou que Danny Walker est toujours un batteur d'exception par exemple. Mais tout ça vous le savez déjà si vous connaissez Intronaut, si ce n'est pas le cas je ne sais pas ce que vous attendez pour vous pencher sur leur cas.

J'en entends beaucoup râler sur le fait que le metal s'enlise et n'ose pas expérimenter, il y a des groupes comme Intronaut qui s'acharnent à le faire depuis leurs débuts et qui sont quasiment ignorés (à tel point que leur deuxième album n'avait pas été distribué en Europe). Certes vous trouverez plus violent ou plus metal ailleurs, mais voilà des musiciens et compositeurs hors pair qui ont décidé de faire parler leur coeur et leurs tripes, ça vaut peut-être le coup d'y jeter une oreille non ?


Murderworks
Mai 2013


Conclusion
Le site officiel : www.intronautofficial.com