Le groupe
Biographie :

Inquisition est formé par Dagon en 1988 à Cali, en Colombie, sous le nom de Guillotine, c'est en 1989 que le groupe prend son nom définitif : Inquisition. Au début, Inquisition est un groupe de thrash metal, c'est à partir de 1996, lorsque Dagon emporta le groupe avec lui aux États-Unis qu'il bascule dans le black metal. Une fois arrivé aux États-Unis et durant la même année, il rencontre Incubus, son nouveau batteur. Le premier album intitulé "Into The Infernal Regions Of The Ancient Cult", sorti en 1998, inclut le bassiste Debandt. Les albums ayant succédé incluent Dagon et Incubus. Inquisition réside désormais dans l'état de Washington, aux États-Unis. Le 28 Février 2012, le groupe signe un contrat avec le label français Season Of Mist pour la sortie de "Obscure Verses For The Multiverse" en Octobre 2013. L'album suivant, "Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith", sort en Août 2016. Quatre ans plus tard, "Black Mass For A Mass Grave" sort en Novembre 2020 chez Agonia Records.

Discographie :

1990 : "Anxious Death" (EP)
1993 : "Forever Under" (Démo)
1996 : "Incense Of Rest" (EP)
1998 : "Into The Infernal Regions Of The Ancient Cult"
2002 : "Invoking The Majestic Throne Of Satan"
2004 : "Unholy Inquisition Rites" (EP)
2004 : "Magnificent Glorification Of Lucifer"
2006 : "Anxious Death / Forever Under" (Compilation)
2007 : "Nefarious Dismal Orations"
2011 : "Ominous Doctrines Of The Perpetual Mystical Macrocosm"
2013 : "Obscure Verses For The Multiverse"
2016 : "Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith"
2018 : "Demonic Ritual In Unholy Blackness" (Live)
2018 : "Bloodshed Across Guatemala" (Live)
2020 : "Black Mass For A Mass Grave"


Les chroniques


"Black Mass For A Mass Grave"
Note : 16/20

Si Inquisition a longtemps fait l'unanimité, ses deux derniers albums avaient quelque peu divisé par leur approche plus directe, plus brute et aux ambiances moins froides et planantes. Jusqu'à "Ominous Doctrines Of The Perpetual Mystical Macrocosm", le groupe s'était toujours appliqué à développer des mélodies et ambiances cosmiques et spatiales pour coller à ses thèmes de prédilection mais "Obscure Verses For The Multiverse" et "Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith" avaient vu le groupe revenir à quelque chose de plus franc du collier. Inquisition est cette fois de retour avec "Black Mass For A Mass Grave" et continue à n'en faire qu'à sa tête en proposant cette fois encore une nouvelle orientation.

La patte du groupe est toujours là bien entendu et l'on reconnaît à la fois les riffs typiques d'Inquisition et le chant particulier de Dagon dès les premières mesures mais le groupe propose un autre équilibrage des différents éléments qui constituent sa personnalité. "Spirit Of The Black Star" qui ouvre l'album ne dépayse pas trop et nous fait retrouver un Inquisition en forme qui reste dans la droite lignée de ce qu'il a proposé jusqu'à maintenant, à savoir un black metal violent aux mélodies froides et parfois planantes ou spatiales. Si les blasts sont toujours là, les passages mid-tempo grignotent un peu plus d'espace sur ce nouvel album et les mélodies particulières dont certains avaient déploré l'absence sur les deux précédents albums sont de retour. "Black Mass For A Mass Grave" propose donc une ambiance bien plus marquée que ses deux prédécesseurs et renoue en quelque sorte avec tout ce thème cosmique qu'Inquisition a mis en avant musicalement pendant la majeure partie de sa discographie. Le reste n'a pas changé et on retrouve toujours cet amour pour les morceaux longs qui durent en général six ou sept minutes sur ce nouvel album. Je ne suis pas certain que ceux qui n'avaient pas aimé les deux précédents albums s'y retrouvent totalement cette fois puisque si les mélodies spatiales sont de retour, le mid-tempo et la mélodie ont pris une plus grande place et les blasts se font par conséquent plus rares. En tout cas, ce détail mis à part, il faut avouer que les morceaux en question sont plutôt bons et que l'ambiance générale est réussie, le reste n'est qu'une histoire d'attentes et de goûts personnels. Si ses deux prédécesseurs étaient plutôt efficaces dans leur genre, certains leur trouvaient quand même un manque d'ambiance et de profondeur, ce nouveau méfait remet ces deux éléments au premier plan et relègue la violence brute loin derrière.

Inquisition poursuit son chemin et ne cherche à satisfaire personne, du coup ça passe ou ça casse. On retrouve cette fois un visage plus posé, plus mélodique, moins porté sur la brutalité et du coup plus planant. Les ambiances sont prenantes, les mélodies efficaces même si surprenantes par leur beauté dans certains cas. "Black Mass For A Mass Grave" nous fait entendre par moments un Inquisition plus lumineux, plus serein, ce qui ne manquera pas là aussi d'en déstabiliser quelques uns. Pourtant, on reconnaît bel et bien l'univers à part du duo et ce nouvel album, s'il se montre surprenant dans la forme, ne renie absolument pas son passé et montre une continuité logique par rapport au reste de la discographie. Ceux qui recherchent une certaine dose de violence en seront évidemment pour leurs frais mais si vous ne demandez qu'à entendre Inquisition développer son univers en se foutant des codes du black metal, vous êtes tombés au bon endroit. Enfin relativisons, il n'y a là rien d'expérimental non plus mais Inquisition prend suffisamment de libertés pour défriser les puristes en tous genres. Pour la production aussi je pense que certains vont jaser puisque le duo américain bénéficie probablement du son le plus propre depuis ses débuts, la crasse est certes toujours présente sur les guitares et le tout colle toujours à ce que l'on attend d'un album de black mais on atteint quand même une clarté à laquelle Inquisition ne nous avait pas habitué. Ce qui n'est pas un mal d'ailleurs surtout pour un album plus posé que ses prédécesseurs, un son ultra raw n'aurait absolument pas collé cette fois et cette production plus claire permet de mieux profiter de ces mélodies très présentes et de ces ambiances plus marquées.

"Black Mass For A Mass Grave" voit Inquisition reprendre une direction plus orientée ambiances cosmiques mais lève du coup méchamment le pied sur les blasts et la violence brute. Ce nouvel album sera probablement trop soft pour certains mais la qualité est bien là et ce côté plus mélodique et posé, quoique surprenant, trouve le moyen de faire mouche à chaque fois et de développer des ambiances prenantes. Le pari est risqué et sera probablement vu par certains comme une trahison mais ce nouvel album prouve justement qu'Inquisition sait se renouveler tout en remettant au premier plan ces fameuses ambiances cosmiques qui ont forgé sa patte.


Murderworks
Mars 2021




"Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith"
Note : 14/20

Après un "Ominous Doctrines..." en tout point parfait et un "Obscure Verses..." plus expérimental mais au feeling indéniable, Inquisition revient aujourd'hui avec le titre le plus long de sa non moins longue carrière : "Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith" ! N'étant pas comme certains fan de la première heure d'Inquisition, je me demande à chaque nouvel album ce que vont bien nous réserver les Américains, et c'est donc avec une certaine appréhension que je me suis vu confier la chronique de leur dernier méfait... Que vais-je donc trouver tout long des 13 morceaux qui composent ce nouvel opus ? Season Of Mist parle de cet album comme d'un tournant dans la carrière d'un groupe, à l'image du "Lawless Darkness" de Watain... Voilà qui devrait booster ma motivation ! Et pourtant, j'ai peur : et si j'étais malgré tout déçu ? Verdict en fin de chronique bien entendu...

Tout commence avec "The Force Before Darkness", intro malsaine et mystique d'un peu plus d'1 minute 30 ouvrant sur "From Chaos They Came", titre résolument rentre-dedans à l'image du premier pattern de batterie ! Inquisition n'est pas là pour faire dans la dentelle et le son vous confortera dans cette idée : batterie puissante, guitare acérée et chant d'outre-tombe, on reconnaît bien là la patte propre aux Américains. L'ensemble sonne très brut de décoffrage et pourrait rappeler les vieux albums d'Immortal... Par contre, à mon grand désarroi, cela semble très linéaire, surtout après "Obscure Verses...", et la musicalité d'un "Ominous Doctrines" paraît ici plus difficile à cerner ! On continue dans le même registre avec "Wings Of Anu", morceau où le duo fonce une nouvelle fois tête baissée dans la mêlée... Rien de très cosmique ou transcendantal malheureusement ! Pourtant, il y a de bonnes idées et les riffs de qualité sont légion, mais j'ai l'impression que l'ensemble est par trop d'aspects beaucoup trop linéaire pour m'enthousiasmer comme j'aurais aimé l'être.

On poursuit avec "Vortex From The Celestial Flying Throne Of Storms" tout aussi direct et bestial que ses prédécesseurs et où Incubus n'a pas une minute pour se reposer ! Mais en cherchant l'efficacité à tout prix, j'ai l'impression qu'Inquisition a quelque peu délaissé l'aspect musical et le feeling de ses compositions... C'est terrible à dire, mais j'ai vraiment parfois l'impression d'entendre du sous-Immortal, sentiment que la voix de Dagon contribue bien évidemment à renforcer. Heureusement, le riff diabolique de "A Black Aeon Shall Cleanse" va égayer mon écoute ! En effet, ce dernier est tout simplement parfait, et alors qu'avec une base pareille, la suite du morceau semblait toute tracée, Inquisition arrive à prendre le contre-pied de ce qu'on pouvait imaginer afin de créer la surprise. Et voilà bien ce que j'attendais de la part d'un album sensé être le tournant dans la carrière d'un groupe ! Ce titre est résolument groovy et fait aussi preuve d'une grande maturité dans sa construction... Comme quoi, un bon morceau mid-tempo peut parfois sauver la baraque tout en relançant la machine de guerre qu'est Inquisition !

Place à "The Flames Of Infinite Blackness Before Creation" et son lead mélodique résolument hypnotique, glacial et pourtant doté d'une sensibilité envoûtante... Voilà donc un morceau lent qui pourrait par certains aspects me rappeler le groupe Wigrid, pour sa puissance évocatrice et sa dimension on ne peut plus dépressive ! Sûrement le seul titre de ce nouvel album qui permettra à votre âme de voyager à travers le cosmos, mais quel titre : pour moi le meilleur de ce "Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith". "Mystical Blood", quant à lui, revient aux basiques avec des riffs acérés et une batterie guerrière, mais tout cela semble bien fade comparé aux deux derniers morceaux entendus... Pour la première fois, j'ai même l'impression que certains passages sont tout simplement dispensables, rendant l'ensemble opaque, comme si Dagon jouait pour lui seul ! A vrai dire, les morceaux de ce registre me semblent tout bonnement étouffants, trop compacts et linéaires alors que le groupe nous avait proposé par le passé des titres musicalement plus accrocheurs pour certains, ou plus variés et aérés pour d'autres...

On enchaîne avec "Through The Divine Spirit Of Satan A Glorious Universe Is Known" qui renoue avec un riff principal de qualité et une rythmique qui devrait vous faire rentrer en transe ! Mais pour autant, l'ombre d'Immortal n'est jamais très loin comme sur les couplets... Voilà en tout cas un titre résolument accrocheur et énergique qui devrait enchanter tout le monde, même si la guitare de Dagon n'est pas toujours facile à comprendre et à apprécier ! Enfin, cela reste une des marques de fabrique du groupe, et je ne leur jetterai pas la pierre pour avoir choisi de ne pas rentrer dans les standards du genre en matière de son... En tout cas, ce morceau nous aura permis de prendre une bonne bouffée d'air pur avant le morceau éponyme, titre original et surprenant car uniquement instrumental ! Le chant parfois rébarbatif de Dagon est ici en quelque sorte remplacé par de superbes leads mélodiques, notes glaciales planant dans l'air de manière parfaitement délectable... Ce morceau s'avère très rapidement être une véritable réussite, littéralement ensorcelant tout en apportant une touche d'originalité salvatrice !

Le morceau suivant s'intitule "Power From The Center Of The Cosmic Black Spiral" et nous offre à nouveau la facette la moins intéressante d'Inquisition malgré un sympathique riff navigant entre thrash et punk ! Pour le reste, on est en terrain bien trop connu, plutôt basique malgré quelques bonnes idées comme ce riff mid-tempo m’évoquant étonnamment Melechesh... En fin de morceau, on sera même heureux d'entendre ce genre de riff atmosphérique propre à Inquisition et bénéficiant de ce son de guitare unique et cosmique ! "A Magnificent Crypt Of Stars", enfin, est le dernier véritable morceau de ce nouvel album des Américains, titre qui conclura l'écoute comme elle avait commencé, en fonçant tête la première dans les étoiles... Une fois encore, pas inintéressant mais un peu trop fade par rapport aux savoureux morceaux disséminés ici et là sur ce "Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith". On terminera définitivement l'écoute avec l'outro "The Invocation Of The Absolute, The All, The Satan", mystique, ritualiste et oppressante et "Coda Hymn To The Cosmic Zenith", plage dont je ne comprends pas vraiment l'utilité...

Ce nouvel album d'Inquisition me semble donc quelque peu en demi-teinte ! Les Américains savent être brillants par certains aspects lorsque le groupe essaye de nouvelles choses et aère un peu son jeu : riffs groovy et accrocheurs, leads mélodiques imparables et bien sûr quelques surprises inattendues comme l'instrumental... Mais ils sont aussi décevants quand ils ne cherchent pas à sortir des sentiers battus, contraints à une linéarité plus qu'ennuyeuse ! En nous présentant ces deux visages, Inquisition nous offre un album inégal qui par moments vous entraînera aux confins du cosmos avec lui et à d'autres vous laissera seul sur le bord de la route... Bref, d'un côté, Dagon et Incubus font montre d'un talent indéniable, d'une maturité et d'une intelligence rare, et de l'autre, on a l'impression qu'ils sombrent aisément dans la facilité, le scolaire, comme s'ils voulaient faire du bourrin pour faire du bourrin ! N'empêche que le duo a laissé entrevoir certaines choses que j'ai hâte de voir travaillées et mises en forme, peut-être sur un prochain album plus homogène et qui marquera sûrement plus les esprits que ce "Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith"... Après, je ne suis pas aussi fin connaisseur en Inquisition que beaucoup et je suis peut-être à côté de la plaque, mais tel est mon ressenti et je suis malgré tout curieux de découvrir le groupe live en compagnie de Rotting Christ au mois d'Octobre !


Carcharoth
Septembre 2016




"Obscure Verses For The Multiverse"
Note : 16/20

La Colombie n'est pas vraiment le pays le plus réputé en matière de black metal, mais supposé être une contrée regorgée d'or (si l'on en croit le mythe de l'Eldorado), où le clergé catholique joue encore aujourd'hui un rôle important dans la vie de tous les jours. C'est pourtant à proximité de la cordilière occidentale du pays, à Santiago de Cali que Dagon (guitare / chant) décide en 1988 de former Guillotine qui deviendra par la suite Inquisition. Un contexte atypique, idéal pour parler d'"Obscure Verses For The Multiverse", car même si l'hérétique Dagon et son acolyte de batteur Incubus ont choisi d'aller vivre aux Etats-Unis, il est dit que "plus les racines sont profondes, plus les branches sont porteuses" (c'est de... Juliette Binoche).

On pourrait définir la musique d'Inquisition de froide, d'hypnotique, parsemée d'une alternance de tempos lents, profonds et de violentes bourasques. Le premier titre qui démarre ce sixème album, "“Force Of The Floating Tomb", a d'ailleurs l'effet d'une violente et funeste chute de grèle, tout comme le terrible "Arrival Of Eons After". Le tempo sauvage, brut soutient cette voix venue des plus profondes abysses, monocorde, incantatoire (la voix de Dagon est évidemment comparable à celle d'Abbath... ou celle d'un crapaud, c'est selon) et jette un trouble qui glace le sang. Inquisition joue avec nos nerfs entre sensation d'oppression et de libération, car lorsqu'il feint de calmer le jeu ("Darkness Flows Towards Unseen Horizons"), c'est en usant d'harmoniques biscornues trempées à l'acide. C'est ainsi que "Spiritual Plasma Evocation" nous invite à une sorte de transe borderline, "Infinite Interstellar Genocide" multiplie les dérapages sonores pour appuyer une ambiance chaotique.

Peut-être moins accrocheur que son prédécesseur, "Ominous Doctrines Of The Perpetual Mystical Macrocosm", ce dernier opus d'Inquisition s'impose tout de même comme un très bon album de black metal. Le recyclage de riffs, en effet, peut agacer ou au contraire contribuer à renforcer l'atmosphère tourmentée, obessionnelle qui règne tout au long des neuf titres, et dans l'oeuvre tout entière des Colombiens. De plus, en disposant d'un superbe pochette et du support de Season Of Mist, Inquisition peut désormais s'adresser à un plus grand nombre, ne serait-ce qu'en provoquant une certaine curiosité et s'imposer ainsi comme un groupe "spécial" à part entière.


Boris
Décembre 2013


Conclusion
L'interview : Dagon

Le site officiel : www.facebook.com/inquisition.official