"Elles étaient de Tooting, dans le centre de Londres. J’ai entendu "Take It All Away", un 45 tours qu’elles avaient sorti sur un petit label indépendant, et j’ai trouvé ça excellent. En plus, j’aimais cette idée d’un groupe constitué de filles – j’avais envie de montrer à tous ces connards de guitaristes prétentieux que Kelly Johnson était une aussi bonne guitariste que n’importe quel autre gratteux que je connaissais. Quand elle était en grande forme, elle jouait aussi bien que Jeff Beck. Je suis donc allé les voir pendant une répèt', et j’étais tellement convaincu que j’ai dit aux autres : "Elles vont faire la tournée avec nous". Les mecs trouvaient ça un peu bizarre au début, mais après le premier concert, ils ont fermé leurs gueules. Elles étaient non seulement excellentes en tant que groupe, mais également pleines d’entrain et assez je-m’en-foutistes. Lors de l’un des premiers concerts, elles sont montées sur scène et un mec dans le public a crié : "A poil les gonzesses !", Kelly a pris le micro et a dit : "Et si toi, tu te foutais à poil. Question de se marrer un peu". J’ai trouvé ça génial – j’adore les nanas qui savent se défendre. Et puis elles ont attaqué leur set et ont botté le cul à tout le monde." Extrait, entre autres anecdotes destroys, de l’autobiographie de Lemmy Kilmister. Motörhead La Fièvre de la ligne blanche, page 124.

Existe-t-il un meilleur moyen pour présenter les frangines de Motörhead qu’en reprenant les mots de Lemmy lui-même ? Il n’y a rien à ajouter, excepté que la grande Kelly est décédée en 2007 et que ses camarades fêtent aujourd’hui leurs trente-cinq ans de hard rock’n’roll en nous balançant dans la tronche leur treizième album. Il s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs, dosant astucieusement hard rock et heavy metal, et cette régularité se retrouve dans le line-up, quasiment revenu à sa forme originelle, et stable depuis quinze ans. Le flamboyant art cover inspire simplicité, efficacité, énergie, ce qui symbolise correctement "Guilty As Sin". Rythmés, les douze titres progressent sans décevoir. La cohésion du groupe se reflète également dans l’équitable répartition des compositions et dans la justesse avec laquelle chacune des musiciennes se défonce à son poste. Même si, une fois de plus, une Kim plus groovy à la voix rauque et une Enid plus aérienne au chant mélodieux se renvoient le rôle de lead singer. Mais toute cette cohérence ne signifie pas qu’elles ne sont pas capables de nous surprendre. En s’appropriant le "Staying Alive" des Bee Gees, version heavy bien sûr, ou en clôturant l’album avec une reprise du titre "Tonight" (face B du single "Hit And Run", 1981), par exemple. La qualité de "Guilty As Sin" se reflète finalement dans sa capacité à combler les attentes d’un public qui a déjà adopté le quatuor trente-cinq ans plus tôt tout en collant aux critères qu’un public plus moderne pourrait avoir. Tous les groupes de ce calibre ne peuvent pas prétendre avoir roulé leur bosse à travers les décennies et être restés fidèles à eux-mêmes, tout en pondant un nouvel album qui ne soit pas "qu’un album supplémentaire" dans une glorieuse carrière.

Moi, hardos femelle, considère depuis des années ces ladies comme des modèles. Même que, quand je serai grande, je ferai partie de Girlschool. Leçon numéro 13 de l’Ecole de filles : comment avoir une grosse paire de couilles bien accrochée. Lemmy avait encore raison, certains musiciens devraient prendre des notes… (Un bassiste n’aurait pas fait un meilleur jeu de mots)