Si vous avez prêté attention ne fût-ce qu'à la première ligne de la bio ci-dessus, vous comprendrez que les commentateurs soient bien en peine de décrire l'univers de France de Griessen. L'exercice mérite cependant qu'on s'y prête car, là où tous les artistes s'efforcent d'édifier un monde qui leur est propre, France est de ceux qui y réussissent mieux que les autres. Comme une poupée qui ferait joujou avec une grenade, elle bascule d'une grande sagesse vers une rage toute adolescente, oscille entre hymnes triomphants et spleens abandonnés. Parfois, le basculement d'une humeur à une autre s'opère au sein de la même pièce, et voilà qu'une valse vire au mosh pit, tous larsens dehors, dans l'emblématique single "Ballerina". Ainsi est construit cet opus aux influences rock, grunge, blues, punk et country, à l'image d'une vie où l'on peut se sentir très bas puis très haut, et inversement. Allers, retours. Et si on s'égare en chemin, crois-tu qu'on se perd ?, nous demande-t-elle au détour d'un de ses textes qui, pour le coup, sont réellement des poésies mises en musiques. Mais on devine aisément qu'ici, le voyage prime sur la destination. Car elle a la folie des grands espaces, ma compatriote pour qui le plat pays était trop petit, ses ballades évoquent un road trip direction la Vallée de la Mort ("Beautiful").

Evidemment, si la grande variété de cet album est à mes yeux sa plus grande qualité, elle peut tout aussi bien être un frein à l'écoute pour certains auditeurs qui préfèreraient des productions plus constantes dans leur forme. On aura toujours un penchant pour la France délicate et languide ("Perce-Neige") ou pour celle qui hurle tellement qu'on se demande si elle ne saigne pas du nez après ("I Want To Be You"). Mais elle a la force d'être tout cela à la fois, et ses intonations toujours riches en émotions de nous rappeler combien la voix est un formidable instrument.

Et moi qui aime quand ça blaste, quand arrivent les bonus tracks, c'est un festival, parce que France y révèle une corde de plus à son arc : si elle sait composer, elle est également foutrement douée pour les reprises, de ses propres titres comme de ceux des autres. Il y a cette reprise punk de la compo "Rue Des Pierres Rouges" qui, si elle est déjà envoûtante plus tôt dans l'album, prend un second souffle avec Vérole en invité et sa voix de grand méchant loup qui complimente magnifiquement France métamorphosée en petit chaperon rouge hargneux. Et il y a surtout cette reprise de "PP Haine" des Sales Majestés qui me fout dans un état de grâce : ces grattes saturées, féériques et sautillantes en intro, et France qui se retient sur le premier couplet avant d'envoyer la sauce, et qui grogne et qui hurle crescendo pour rendre à ce texte déjà énorme toute l'ampleur qu'il méritait dès le départ.

Avec ce premier aboutissement à fleur de peau, sincère et définitivement indé, nul doute que France de Griessen s'impose comme une des figures à suivre d'un renouveau certain dans l'Hexagone, et qu'elle fera encore miroiter bon nombre de ses facettes dans la sphère artistique.