Eyes Front North, groupe de la région parisienne formé en 2010, a dû attendre six ans pour sortir son premier album, "From Shape To Name", que nous vous présentons aujourd'hui. Aux frontières du post-hardcore, du qludge et du black metal, EFN crée un album très prenant et personnel qui requiert de la part de l'auditeur un investissement certain pour en saisir toute la moelle. Car ce type album ne s'écoute pas, ça se vit.

Le quatuor est parvenu, sur "From Shape To Name", a matérialiser son environnement quotidien qu'on imagine fait de doutes, de colère, de rage, de souffrance et de déceptions. La vie humaine, quoi. Eyes Front North traduit dans cet album toute la tension et le bouillonnement interne d'un esprit humain mis à rude épreuve. Il parvient à modéliser soniquement une tension, un malaise et une émotion incontrôlable dans des titres noirs, malicieux et atmosphériques, dans une approche très cinématographique. "From Shape To Name" s'apparente à une bande originale de film ou à un livre audio d'une oeuvre autobiographique. Plus que du post-metal générique comme on peut en écouter de nos jours, Eyes Front North est un groupe qui a un vrai pouvoir d'évocation et un talent certain pour concrétiser à l'aide de notes ses démons.

Aux manettes, c'est Jack Shirley (Deafheaven) qui a pris en main la bête, production, mixage et mastering inclus et le moins qu'on puisse dire, c'est que cette prod est monstrueusement gigantesque, implacable, puissante et dynamique. Le côté technique de la réalisation ne se fait pas au détriment du fond, il lui donne au contraire un contours très net et profond.

Premier effort longue durée plutôt convaincant, donc, "From Shape To Name" est un album à la fois beau et sauvage qui ne change pas le paysage post-bidule mais lui donne de nouvelles lettres de noblesse.

Ce qui frappe les oreilles dès les premiers instants de ce premier jet de Eyes Front North c'est la noirceur de la musique, aussi sombre que l'artwork. C'est un peu comme atterrir dans un labyrinthe qui, finalement, ne possède pas de véritable sortie et dans lequel on meurt étouffé par l'angoisse. Heureusement EFN ne vous emmènera pas jusque là mais l'idée générale y est. On se laisse rapidement emporter par "Words" premier titre de cet EP. Le son n'est pas jouissif mais est rudement bon et se prête tout à fait au style adopté par le trio, surtout pour un premier EP ! Notons au passage que pour l'enregistrement c'est Conny Petterson du groupe Suédois Anata qui s'est assis derrière les fûts. Entre rythmiques lourdes et tempos plus entêtants, le groupe créé une ambiance particulière à laquelle la voix de Lionel se mêle harmonieusement pour parfaire le tout. La suite est tout aussi enthousiasmante (enfin… façon de parler), avec "Worn As Mask" où des mélodies discrètes mais palpables s'accordent à la musicalité névrosée du groupe. Vocalement également on y trouve d'avantage de variations, un peu de chant clair, un peu d'écorché, le tout parfaitement dosé pour ne pas faire dans la caricature. L'EP se termine sur "A Reaching Hand", ne vous laissez pas attendrir par ces notes qui résonnent puisque c'est le titre le plus "hardcore" des trois. Peut-être un tantinet moins fort émotionnellement, le titre n'est est pas moins intéressant. Si cet EP est prometteur ? Et comment ! Reste à voir le potentiel du groupe sur un vrai album, en attendant faites plaisir à vos écoutilles !