Le groupe
Biographie :

Earth est un groupe de drone doom et de rock expérimental américain basé à Seattle, formé en 1990 par Dylan Carlson, Slim Moon, et Greg Babior. Bien qu'ayant joué des styles de musique variés, ils sont plus connus pour être les pionniers du drone doom. Leurs premiers albums peuvent être perçus comme une variation expérimentale du metal des Melvins, influencés par le doom metal. Dylan Carlson est actuellement le leader du groupe. Il est aussi le seul membre d'origine jouant encore avec Earth. En dehors du monde de la musique underground, Carlson est peut-être plus connu pour avoir été le meilleur ami de l'icône du grunge Kurt Cobain. Après que Earth eut déménagé à Seattle, Cobain chanta sur la chanson "Divine And Bright", piste d'une démo incluse dans l'album live "Sunn Amps And Smashed Guitars". Le groupe a eu une grande influence sur la scène drone, plus particulièrement sur Sunn O))) ou Teeth Of Lions Rule The Divine.

Discographie :

1993 : "Earth 2: Special Low-Frequency Version"
1995 : "Phase 3: Thrones And Dominions"
1996 : "Pentastar: In The Style Of Demons"
2005 : "Hex; Or Printing In The Infernal Method"
2008 : "The Bees Made Honey In The Lion's Skull"
2011 : "Angels Of Darkness, Demons Of Light I"
2012 : "Angels Of Darkness, Demons Of Light II"
2014 : "Primitive And Deadly"


La chronique


Huitième voyage sonore pour les Américains de Earth, précurseurs du drone / doom et légendes de la musique expérimentale affiliée metal. Groupe très influent dans les milieux doom / drone / ambient, il a donné naissance à bon nombre de projets plus ou moins soporifiques et dispensables mais aussi à quelques groupes modernes barrées et respectés (les excellents Boris ou Teeth If Lions Rule The Divine entres autres) Mais ici, le propos est tout autre et les fans de la première heure ne s’y retrouveront pas. S’ils connaissent les travaux post-reformation de la bande à Dylan Carlson, ils savent sûrement de quoi je parle.

En effet, fini les longues plages bourdonnantes gavées de basses fréquences des trois (quatre s’il on compte le séminal EP "Extra-Capsular Extraction") premiers albums, le groupe, depuis sa reformation de 2003 d’où ne subsiste que Carlson, évolue constamment en marge de toute mode ou scène, traçant son existence tourmentée sur les routes poussiéreuses et abandonnées de l’Amérique profonde. Revenue à la vie avec le terrifiant "Hex : Or Printing In The Infernal Method" (2005) et son drone fantomatique inspiré (musicalement et conceptuellement) par le Old West américain, l’entité Earth a par la suite pris une tournure plus "rock" et "construite" avec "The Bees Made Honey In The Lion’s Skull" (2008), proposant alors un country-rock dronesque et minimaliste, puis avec les deux volets "Angels Of Darkness, Demons Of Light", rock expé, mystique et minimaliste. L’influence de la musique traditionnelle américaine se fait toujours ressentir à l’écoute de ce nouvel opus "Primitive And Deadly" mais s’éloigne des sons précédemment évoqués pour se tourner vers une musique plus typée blues et stoner. Mais attention, le blues des pionniers, sale et rugueux ; de même qu’un stoner non pas psyché à la Electric Wizard (pas de ça ici) mais un rock désertique et sauvage, rongé par le soleil et les charognards.

Car, disons-le tout de suite, ici, c’est l’enfer. L’enfer, comme on pourrait le croire, n’est pas bardé de clous et de corpsepaint et ne hurle pas à la mort dans les forêts scandinaves. Non, il se trouve dans la chaleur des plaines inhabitées du Sud des Etats-Unis, illustrée par les guitares arides, dissonantes et désespérées et la percussion rampante et sèche de cette galette. Cinq longues complaintes suffocantes et terrassantes au parfum occulte. Le premier titre, "Torn By The Fox Of The Crescent Moon", doom / blues démoniaque et instrumental à l’ambiance crépusculaire, aidé par les guitares aux harmonies "Slayeriennes"(mais un Slayer à la retraite !) et un tempo invariablement monolithique pose directement le ton à venir. Le second morceau "There Is A Serpent Coming" est du même tonneau, glauque, oppressant, où seules quelques spectrales notes de guitares donnent des sueurs froides. Nous errons dans des limbes brumeux et hantés par la voix de Mark Lanegan (Queen Of The Stone Age, Screaming Trees), invité de marque (une première pour Earth que d’inclure du chant sur leurs compositions). Le morceau suivant, " From the Zodiacal Light", peut-être le meilleur du lot, est le plus long (11’30). Rock primitif, abrasif, lunaire et hypnotique, la transe s’opère grâce aux incantations de la prêtresse Rabi Shabeen Qazi, (vocaliste du groupe rock psychédélique Rose Windows) autre invitée prestigieuse. Un titre très prenant. Le quatrième et avant-dernier morceau, "Even Hell Has Its Heroes", le plus accessible, est une longue jam blues rock sinueuse où les solos de guitares magnifiques, tout en retenue et en délicatesse, se taillent la part du lion. Enfin dernier morceau, le plus mystique (pour ne pas dire psychédélique) "Rooks Across the Gate", voit à nouveau Lanegan faire entendre sa voix au rendu halluciné pour un titre rock bluesy et planant.

Que les plus aventureux d’entre vous s’approchent de cette créature sonore et osent l’affronter. Très peu y survirvront. Primitif et mortel.


Man Of Shadows
Octobre 2014


Conclusion
Note : 16/20

Le site officiel : www.thronesanddominions.com