"Cancer Culture"
Note : 19/20
Cinq ans après, Decapitated est toujours présent. Créé en 1996 en Pologne sous le nom de
Decapitated Saints, le groupe joue un death metal technique très violent. En 2007, ils sont
victimes d’un tragique accident de la route, mais Vogg (guitare, Lux Occulta, Machine
Head) se relève en 2009 et continue son parcours. En 2022, c’est avec Rafał “Rasta”
Piotrowski (chant, Lucy Burns) et James Stewart (batterie, Anal Stench, Berzerker
Legion, Bloodshot Dawn, ex-Vader) que le groupe sort "Cancer Culture", son huitième
album, chez Nuclear Blast Records.
La basse a été enregistrée par Paweł Pasek (Anal Stench, Virgin Snatch), bassiste live du
groupe qui était également membre officiel entre 2012 et 2016.
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"From The Nothingness With Love", la martiale introduction de l’album, nous met
immédiatement au courant : ça va faire mal. Dissonance et frappes régulières nous mènent
à "Cancer Culture", le titre éponyme, qui laisse la rapidité extrême aller de paire avec une
technicité assumée. Les hurlements massifs se mêlent à la rythmique efficace qui sait
inclure des riffs saccadés comme des mélodies plus entêtantes, puis "Just A Cigarette" prend
la suite avec un mélange assez similaire, laissant parfois de doux leads nous apporter un
moment de quiétude avant que la rage ne reprenne le dessus. Le duo rythmique autorise
également à la guitare des parties endiablées, alors que "No Cure" se montre beaucoup plus
directe, mêlant blast, hurlements massifs et riffs old school. Un break sombre et mystérieux
vient tempérer la violence, qui refait rapidement surface avant de laisser place à "Hello
Death", une composition qui nous rappelle évidemment les titres les plus connus du combo
que vous avez déjà tous reconnus.
Le groupe accueille Tatiana Shmayluk (Jinjer) pour une
partie plus axée prog qui donnera au morceau une ambiance plus angoissante, puis ils
invitent Robb Flynn (Machine Head, ex-Vio-lence) pour le titre "Iconoclast", qui se veut
beaucoup plus mélodieux et dissonant. Les tonalités lancinantes deviennent intenses avant
que la rage ne revienne, puis "Suicidal Space Program" prend la suite, laissant le groupe
explorer ses racines aussi folles que ravageuses pour donner la parole à la violence. On
retrouve également beaucoup de riffs plus planants, créant un contraste intéressant avant
que "Locked" ne nous explose au visage pendant à peine plus d’une minute, tout en révélant
des racines grind. La douceur revient pour l’introduction de "Hours As Battlegrounds", qui
nous enverra rapidement sur une rythmique torturée et agressive avant de s’apaiser à
nouveau. Les deux facettes de cet univers cohabitent à merveille, liées par la batterie, puis
"Last Supper" viendra nous écraser avec son tempo élevé servi à merveille par une puissance
brute, une technicité ravageuse, et surtout une maîtrise incroyable.
Si vous avez hiberné ces dernières années, laissez-moi vous dire que Decapitated est le
groupe qu’il faut écouter pour une claque de qualité. Avec "Cancer Culture", le groupe nous
offre une sorte de mélange entre la technique des premières années, le groove des sorties
récentes, et surtout ce groove assassin.
"Anticult"
Note : 18,5/20
Il est parfois cocasse de remarquer que les pays les plus ancrés dans une religion sont également le berceau de groupes les plus violents. Les Polonais de Decapitated font partie de ceux-là. Bien que les groupes polonais ne soient pas légion à être reconnus, ils sont généralement excellents, et ce ne sont pas les amateurs de death metal qui me contrediront ! Depuis 1996, la bande menée par Vogg depuis ses 15 ans (guitare) fait trembler les murs à coup de blasts surpuissants. Si un tragique accident contraint le groupe à cesser ses activités durant deux ans et à pleurer la disparition de Vitek (batterie), le groupe se reforme et Rafal Piotrowski prend le micro pour remplacer Sauron. Le line-up changera beaucoup, mais Mlody s'installe derrière les fûts en 2014 et Hubert Wiecek prendra le poste de bassiste en 2016. Ensemble, et fiers de l'héritage de six excellents albums, ils se mettent à composer "Anticult", le septième. Vous êtes prêts à défier les dieux ?
On débute sur "Impulse", avec une introduction au son clair qui évoluera vers un death metal marqué à l'empreinte groove. Le break de ce titre vous fera remettre en cause ce que vous appelez un son lourd et puissant. On passe rapidement à "Deathvaluation", qui amènera son lot d'ambiances à la guitare, sur une batterie plutôt rapide. La voix énergique de Rafal prouve qu'une fois de plus les Polonais maîtrisent plusieurs registres, alors que "Kill The Cult" met l'accent sur la violence. Ce titre antireligieux au refrain entraînant viendra instantanément briser quelques nuques, alors que l'on pensait que les Polonais avaient abandonné les rythmiques incisives. "One Eyed Nation" verra le retour d'une guitare dissonante pour créer un contraste prenant, alors que Rafal donnera littéralement tout ce qu'il a dans le ventre. A nouveau, le groupe misera sur la violence avec "Anger Line", un titre qui, comme son nom l'indique, sera mené par la colère et la puissance des riffs. Sous un blast efficace se dessineront des riffs plutôt ambiants, tandis qu'"Earth Scar" ne laissera aucun doute au désir de destruction de Decapitated. Impossible de ne pas headbanguer sous les assauts répétés des Polonais ! Vous doutiez encore de l'aspect mélodique des riffs du groupe ? Même si celui-ci est assez peu exploité sur cet album, il vous sera révélé sur "Never". La basse d'Hubert Wiecek donnera énormément de saveur à la rythmique ponctuée d'une batterie furieuse. Sur "Amen", le dernier titre, Decapitated décide de nous montrer un côté plus calme de sa personnalité. Sans renier la violence pure et la puissance envoûtante de la guitare lead, le groupe nous livre une composition presque instrumentale d'une lourdeur et d'une beauté insoupçonnée.
Pourquoi hésiter avant d'écouter cet album ? La peur d'être déçu ? La peur de l'inconnu ? Je vous comprends. Et pourtant, Decapitated sait aussi bien manier la rage incontrôlée que la violence maîtrisée. "Anticult" est un manifeste qui n'aura de cesse d'alterner les deux aspects connus du groupe, tout en conservant une part de technicité sous-jacente. Sur scène, les Polonais apparaissent froids, mais concentrés, et c'est ce qui fait toute la qualité de leurs shows, alors courrez les voir dès que possible !
"Blood Mantra"
Note : 15/20
Trois ans après "Carnival Is Forever" et les quelques changements de line-up qui suivirent, les Polonais de Decapitated reviennent avec un tout nouvel album, "Blood Mantra". Comme évoqué précédemment, le line-up du groupe a effectivement quelque peu changé au cours de ces dernières années. On passera la période qui a suivi le terrible accident de car qui a coûté la vie au batteur d'origine Vitek et laissé de lourdes séquelles au chanteur Covan en 2007, remplacés après deux ans de pause respectivement par Kerim "Khrim" Lechner et Rafal Pitrowski. Or, depuis 2011 et "Carnival Is Forever", Pawel Pasek a intégré le groupe au poste de bassiste et Michal Lysejko remplace "Khrim" à la batterie. Leur précédent album se voulait très technique et assez différent des précédents opus de Decapitated, qu'en est-il de "Blood Mantra" ?
On démarre l'écoute avec "Exiled In Flesh", qui débute sur des riffs de guitare énergiques et des blasts beats à l'ambiance assez sombre, avant d'évoluer sur un death puissant emmené par la voix brutale de Rafal, laquelle a d'ailleurs gagné en puissance depuis "Carnival Is Forever", et de terminer les dernières secondes sur une mélodie plus douce. Une première entrée en matière efficace avec ce premier titre, qui nous en met plein les oreilles dès le début. "The Blasphemous Psalm To The Dummy God Creation" est lui aussi assez brutal et rapide, bien que plutôt court (à peine 2 min 30). Un tempo qui va sans discontinuer tout au long du morceau, accompagné d'un solo de guitare terrible en approchant de la fin de la piste. La batterie elle, est principalement accompagnée de la basse sur certaines parties, donnant un peu de répit aux guitares qui sont moins présentes à ce moment là. Un deuxième titre ultra efficace et accrocheur.
"Blood Mantra" se veut beaucoup moins technique que "Carnival Is Forever", mais le son et la production sont puissants, la musique se révèle ultra efficace, avec des rythmiques rentre-dedans et des riffs accrocheurs, qui donneraient presque envie de bouger la tête. De plus le son de la batterie est énorme, bien mis en valeur, et n'en fait pas des tonnes par rapport aux autres instruments, le son de la double ayant parfois tendance à ressortir plus que le reste et sonner un peu trop "synthétique" dans pas mal de formations que l'on peut entendre de nos jours, or ce n'est pas le cas ici et ce n'en est que mieux. La piste suivante "Veins" en est la preuve, voilà un titre ultra accrocheur, avec une rythmique entêtante mais qui reste tout de même assez mélodique, que du bon. "Blood Mantra" sonne quant à lui plus thrash de par ses parties de guitares. A mi-écoute de l'album, voilà un titre qui envoie pas mal avec des parties énervées, une batterie qui blaste toujours, et des riffs efficaces.
"Nest" sonne plus "groovy" à certains moments, notamment au niveau des riffs de guitares. A la moitié du morceau, "Nest" devient plus mélodique par la suite, rendant l'ensemble moins brutal que les pistes précédentes. C'est beaucoup moins technique que ce qu'on a pu entendre par la passé de la part de Decapitated, mais ça reste tout de même efficace. "Instinct" se veut énervé au niveau des riffs, la rythmique est assez saccadée et contient quelques coupures à plusieurs moments, changeant de rythme à plusieurs reprises tout au long du morceau et entrecoupé par un solo de guitare en milieu de piste. La batterie sonne plus moderne en arrivant aux trois quarts du morceau, rappelant certaines sonorités proches du "-core". Le titre se termine sur des passages plus rapides et agressifs.
"Blindness" est un morceau assez mitigé sur cet album, qui n'apporte à mon sens rien de plus à l'écoute. En effet, la rythmique est la même tout au long du titre, appuyée par une batterie à la frappe plus ou moins martiale mais peu variée, les riffs de guitare sont eux aussi assez peu recherchés et plutôt simplistes à première écoute. "Blindness" n'est toutefois pas sans rappeler des groupes tels que Gojira. Certes ça pourrait être accrocheur mais tout cela étendu sur les plus de 7 minutes que dure le titre, ça fait long et devient un peu lassant à force. Heureusement un solo de guitare vient s'incruster peu après la moitié du titre, ajoutant un peu de variété et de mélodie à l'ensemble. L'album se termine avec "Red Sun" sur un morceau instrumental dominé par les guitares, la batterie étant absente sur ce titre, lequel se révèle très calme, à l'ambiance plutôt "aérienne" et légère.
En définitive, "Blood Mantra" est assez différent de ce que Decapitated a pu faire par le passé, lors de sa période "pré-année 2007", et peut paraître beaucoup moins technique et death que son prédécesseur "Carnival Is Forever" notamment, mais n'en demeure pas moins un bon album, qui a gagné en efficacité par rapport au dernier, pour peu que l'on soit un minimum ouvert et pas seulement bloqué sur les albums passés des Polonais avant la disparition de Vitek. La production et le son sont de plus puissants, rendant l'ensemble encore plus efficace. Certes, certains fans vont sûrement trouver cet album quelque peu décevant, mais il mérite quand même que l'on se penche dessus, ça reste un bon album de death efficace avec des influences variées.
"Carnival Is Forever"
Note : 13/20
Il aura fallu quatre ans à Decapitated pour concrétiser sa renaissance. En effet, en 2007, le décès de Vitek, batteur du groupe, a complétement bouleversé le monde de Decap’. Suite à cette tragédie, le départ du génial Covan au chant ne s’est hélas pas fait attendre. Deux ans sont alors nécessaires pour qu’un nouveau line-up se profile avec à la batterie l’arrivée de Khrimh, de Heindrich à la basse et de Rafal au chant puis deux autres années pour stabiliser cette nouvelle configuration du groupe.
Le changement se ressent d’entrée avec le titre de l’album, titre beaucoup moins incisif, pas pour autant moins suggestif, que les précédents. Puis, par la pochette de l’album, très sombre et suggérant la mélancolie, en complète opposition à l’imagerie utilisée habituellement par le groupe. Mais, quand on connaît le passé du groupe et ses bouleversements, on s’attend obligatoirement à des "surprises" et on se doit d’essayer d’appréhender ce dernier album autrement : il ne peut évidemment pas être dans la continuité de ce qu’a pu nous proposer Decapitated il y a 11 ans avec "Winds Of Creation" et "Nihility", ultra puissants ou plus récemment avec "Organic Hallucinosis", qui sont le fruit de remaniement dans le groupe mais qui ont gardé la veine originelle de Decap’.
Comme dit, il serait bon d’écouter en oubliant tout ce qui a été fait par les Polonais. Or, directement, niveau vocal, on a un choc : on ne peut que comparer le chant de Rafal à celui du génial Covan d’une profondeur et d’une justesse rare que Rafal n’a absolument pas. Covan ou pas, le ton de la voix de Rafal ne passe pas, son chant est trop crié et tire trop sur le hardcore. Après, musicalement parlant, la batterie de Khrihm est rapide et précise, très bien exécutée, la guitare de Vogg est présente mais on arrive à se dire qu’on se passerait bien d’une telle mise en avant car ce sont toujours les mêmes riffs qui reviennent. La basse est complètement étouffée par cette guitare hurlante et répétitive. Il y a de la technique certes, une bonne pratique mais on a entendu plus intéressant. Ca s’écoute facilement mais on ne le réécoute pas. Il manque un peu d’originalité et de créativité. Rien ne retient hélas notre attention.
Il faut digérer ce nouvel album, symbole d’un énième renouveau, d’une nouvelle direction pour Decapitated, qui a voulu se réinventer, renaître, continuer à avancer malgré de profonds changements de line-up. Cela a bien sûr impacter sur le ton général de l’album et sa composition. Les codes utilisés par le passé sont effacés et laissent place à des compos plus simples, moins poussées et surtout une grosse perte de puissance. Il faudra encore, je pense, un autre album pour que le groupe se pose correctement, impose son actuelle vision musicale à son public ou pour pimenter leur musique un peu fade. A noter depuis peu le départ de Heinrich à la basse, qui a tout de même assurer les dates de concerts du groupe durant l’été. Encore un changement en vue pour le groupe qui n’a de stable dans tout cela que Vogg.
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