Ah, ils auront longtemps prolongé le suspense, les gais lurons de Darkseed ! Suite au départ de deux de leurs membres en 2006 (le chanteur Stefan Hertrich et le bassiste Martin Motnik), le groupe a décidé de jeter l’éponge, et de mettre une croix sur sa carrière. Pas pour longtemps en tout cas, puisque deux ans plus tard, le public voit celui-ci se reformer afin de mener à bien sa prestation fin octobre à l’Helion Festival, festival metal de leur Allemagne natale. Forts de cette expérience (apparemment bénéfique), les Teutons, empreints d’une conviction nouvelle, décrètent que l’aventure continue, avec à leur tête Harald Winkler. Un visage déjà connu des fans de la (toute) première heure, étant donné que l’homme avait évolué auparavant au sein du groupe, occupant alors le poste de batteur, et ce de 1992 à 1996.

Ce qui nous amène doucement à Février 2010, mois où l’attendu nouvel album, intitulé "Poison Awaits". Alors qu’un titre pareil aurait pu nous faire penser que Darkseed allait continuer à produire un metal sombre et un poil dépressif, le résultat, d’un rock gothique "popisant", sans aller jusqu’à affirmer qu’il déroute, provoque néanmoins l’un ou l’autre haussement de sourcil. Légèrement inattendu, mais, après tout, la marge entre un dark metal mélancolique et un rock pop catchy n’est, quand on y réfléchit, pas éléphantesque pour un sou. Ainsi Darkseed a choisi de suivre la voie déjà empruntée par ses collègues bien aimés, Lacrimas Profundere. Seulement, nous le savons tous, le style du "Rock n’Sad Crew" – comme ils aiment tant dire ! – demeure classique. Pour dire autrement : pour certaines oreilles, c’est tout simplement conforme, et loin, très loin d’être exaltant. Dans ce style où les clichés déferlent à s’en retrouver enseveli, pas simple de trouver sa marque. Et c’est une tâche devant laquelle Darkseed s’est plié, incapable d’affirmer sa personnalité, souffrant incommensurablement de la comparaison avec les noms plus importants déjà habitué à ce genre musical. Lorsque les morceaux se contentent de s’enchaîner de manière aussi sourde et monotone, sans un rebondissement, sans un passage apte à rendre (ne faut-il pas dire plutôt "accorder" ?) son intérêt à l’ensemble, sans un refrain que l’on mémoriserait automatiquement de façon presque naturelle (un comble !)… il ne reste au final que peu d’élément auquel s’accrocher pour venir à bout de cette nouvelle galette. Malheureusement, l’ombre des ténors n’est pas la seule à venir obscurcir le paysage : le fantôme (que je suis sinistre !) du majestueux Stefan Hertrich, au timbre de voix de loin plus personnel et déchirant que celui de son successeur, hante également, menaçant, la cuvée 2010 du groupe qu’il menait. Il faut avouer que le chant de Harald Winkler, linéaire et finalement tout, excepté apodictique, n’aide pas Darkseed à se montrer plus percutant, ou même simplement – pour parler cruellement – digne d’intérêt.

Darkseed a du talent, c’est un fait certain ! Malheureusement, il ne le démontre pas sur ce "Poison Awaits" non pas mauvais en soi, mais frustrant, si pas carrément décevant, compte tenu des perles sorties précédemment. Que faire ? Jeter la pierre à ses musiciens ? Classer le groupe dans la catégorie des "affaires classées" ? Je n’ai le cœur à faire ni l’un, ni l’autre : il est encore trop tôt pour se prononcer quant à l’avenir des Allemands. Les idées, ces messieurs les ont : ils nous l’ont déjà suffisamment prouvé pour le savoir. Faut-il maintenant qu’ils soient capables d’ingérer leurs nouvelles influences. Assez pour retrouver la personnalité qui nous manque.