On en a vu des films et pas qu'un seul, on en a eu des jeux vidéos et pas qu'un seul, mais des albums entièrement dédiés à la seconde guerre mondiale, c'est vraiment la première fois... Et le fait que l'on découvre une œuvre totalement inspirée par ce conflit planétaire, composé en double album avec pas moins de 23 titres dans un digipack somptueux, c'est très singulier comme démarche et ça mérite d'être salué et apprécié à sa juste valeur... On a d'ailleurs la sensation que Brennus Music aime bien signer des groupes qui vont vraiment chercher loin dans la composition, mais aussi dans la présentation, des thèmes et des valeurs musicales saines, c'est un peu ce qu'il s'était passé avec le premier album de Yotangor.

Ceci étant souligné, pour faire connaissance avec Darknation il faut savoir que ce "WWII" est leur deuxième album puisque "Merci Pour Le Mal" avait vu le jour en 2006. Après quelques changements de line-up vraisemblablement, si mes infos sont bonnes, le groupe revient en grande forme et haut en couleur pour, sept ans après, offrir un double album de presque 90 minutes qui cerne le heavy traditionnel d'une manière très personnelle, en jouant aussi avec les codes du heavy thrash et ceux du heavy plus mélodique. Pour bien mettre en exergue la musique qu'ils composent les musiciens de Darknation ont réalisé un travail d'orfèvre dans la matérialisation de leur concept. Effectivement il aura certainement fallu des heures de recherches (car n'est pas historien qui veut, et vu l'intérêt d'une grande majorité aujourd'hui pour notre histoire... préférant largement regarder les frasques d'une fille qui dit "allô" avec toute sa famille au pays du gigantisme...), puis ensuite des heures de travail pour mettre en paroles toutes ces recherches de points importants qu'on été pendant le conflit, les batailles de "Pearl Harbor", de "Stalingrad", ou encore du débarquement, avec les opérations husky, blitzkrieg et autre Hiroshima... Mais Darknation l'a fait et vous pouvez découvrir cette triste époque de l'histoire de l'humanité au travers d'un album produit par Alexandre Boise (guitariste du groupe) et Darknation. Une production faite maison qui n'a rien à envier à celle de certains bons studios, ce "WWII" bénéficie d'une grande clarté où les chœurs de cette chorale (composée en grande partie des membres du groupes et des musiciens guests) et ses instrumentistes ont réussi à matérialiser avec brio le thème abordé.

Musicalement Darknation est très proche de la scène heavy mélodique anglaise, plus new wave of british heavy metal d'ailleurs, mais aussi très intime avec notre propre scène heavy française, qu'elle soit plus récente (Headline...) ou moins récente (Manigance...). C'est pour cela que le groupe met une point d'honneur à conserver dans ses chansons une place prépondérante pour la mélodie harmonieuse. C'est ce qu'il se passe pour les guitares, mais encore plus pour les vocaux clairs, qui vont chercher la note très haut dans les aigus ("Pearl Harbor" par exemple) même si ce genre d'exercice n'est vraiment apprécié que par les initiés, car le chant de Romain Loiseau est d'une particularité relativement peu courante pour être savourée par tous. Un chant qui était très prisé dans les années 80's, avec un souffle de taille et une longueur sur les notes vraiment appréciable.

Les titres sont donc pour la plupart très heavy, parce que les soli déjà sont construits d'une manière très mélodique comme ce que l'on pouvait rencontrer dans le siècle dernier, avec un feeling totalement conservateur, mais virtuosement bon. Malgré tout, Darknation, comme on le disait en début, flirte avec le heavy thrash, c'est très appuyé grâce d'une part aux growls ("Falling Angels" pour laquelle une vidéo a été réalisée, pour ne citer que celle-là) de Rémi Derom (guitariste) qui endurcit l'ambiance au moment où les titres sont les plus agressifs et d'autre part à cette volonté de plus rentrer dans le lard de l'auditeur pour le faire réagir aux phases cruciales du conflit.

L'album est monté comme un "théâtre d'opérations" orchestral où l'introduction "The March" donne l'eau à la bouche comme les génériques des jeux Call Of Duty et autres  Medal Of Honor. On déguste ce double CD comme une véritable bande son tantôt heavy, tantôt heavy thrash qui se déroule de 1939 à 1945. Les qualités vocales et l'affrontement des deux vocalistes sont immédiatement mises en compétition dès le premier titre "Blitzkrieg" qui posera le décor. Et c'est justement à ce moment là que l'auditeur appréciera immédiatement ou pas le genre de voix, mais aussi le style musical de Darknation. Car au-delà de présenter un album travaillé, le style musical du groupe peut sur certains morceaux perdre en qualité à cause d'inspirations parfois sinusoïdales dans l'attrait qu'elles peuvent présenter à l'auditeur. Ceci ne mettant jamais en cause les soli qui demeurent cependant toujours de haute voltige. Et donc on vit un peu ce double album comme une aventure, sur des longueurs de chansons variées ce qui donne encore plus de relief à l'album. Le fait également d'avoir écrit deux titres en français, justement "La Bataille De France" sur le premier CD, donne à "WWII" cette petite épice qui nous rappelle que le produit est bel et bien français. Outre les mélodies de guitares, une des autres forces de l'album sont ses ambiances, les introductions comme sur "Battle Of Britain Day" titre effréné heavy thrash, ou encore la bouffée d'air pur du début de "Pearl Harbor" et le chef-d'oeuvre apaisant, magistralement et si tristement orchestré qu'est "Requiem Aeternam" font du premier CD un point gagné pour donner envie à l'auditeur de passer au cinquante minutes suivantes.

Deux nuages se pointent malgré tout à l'horizon, si l'oeuvre en elle-même demandait forcément un double album pour pouvoir faire le tour global du conflit correctement le risque était de taille. Parce que environ 100 minutes c'est long, et parfois vraiment long, d'autant plus qu'il arrive à certains titres de se perdre dans leur propre mélodie pour revenir sur des choses similaires à ce qui a déjà été écrit sur l'album. Ce qui finalement perd l'auditeur qui se demande si quelque part ce n'est pas un petit peu la même chose par moments... Ensuite les lignes vocales de Romain, aussi bonnes fussent elles, ont cet effet pervers qui fait qu'on a aussi par moments la sensation d'avoir les mêmes longueurs de chant sur les mêmes tonalités comme s'il recommençait incessamment une boucle sur certains morceaux...

Malgré tout les intentions sont bonnes, avec un deuxième CD toujours aussi mélodique mais peut-être plus agressif que son prédécesseur ("Stalingrad", "Operation Husky", "Before the landing", "D-day" étant autant de titres qui possèdent une énergie débordante, même si les orchestrations gardent la main sur "D-day" notamment. Darknation conserve sur ce second CD, l'ingéniosité d'aérer le tout avec des interludes reposantes comme "Irish Mood" ou "Auschwitz". On notera quelques samples sur la première partie de l'album sans doute issues d'archives... et aussi un deuxième morceau en français "Division De Fer" qui par son titre nous rappelle ADX et sa division blindée.

Darknation s'est attaqué à quelque chose de sacré dans l'esprit des anciens combattants, en rappelant en musique notre devoir de mémoire, ce qui se perd de plus en plus avec la nonchalance actuelle et le manque de valeurs. Atypique, personnel et bien fait, "WWII" s'adresse aux passionnés du heavy français, avec cette touche plus orchestrales où les soli virevoltent comme les feuilles mortes en automne dont la couleur rappellent celle de la pochette de l'album... En tout les cas, ce travail est gigantesque, et mérite d'y poser une oreille attentive pour en faire sa propre idée...