Le groupe
Biographie :

Scott Kelly (Neurosis), Mike IX Williams (Eyehategod), Sanford Parker (Minsk, ex-Buried At Sea, ex-Nachtmystium) et Bruce Lamont (Yakuza), un line-up d’exception qui regroupe quatre personnalités des musiques sombres, lourdes et audacieuses, apportant chacun leur pierre bien identifiable à cette nouvelle entité dont le fil rouge est une négativité tenace. "Last City Zero", premier album du groupe, sort en Octobre 2013 sur le label Neurot Recordings. "Know How To Carry A Whip" sort en Octobre 2015 chez Neurot Recordings.

Discographie :

2013 : "Last City Zero"
2015 : "Know How To Carry A Whip"


Les chroniques


"Know How To Carry A Whip"
Note : 16/20

Corrections House ? Ils auraient dû s'appeler "Madhouse" tellement la musique s'échappant de nos enceintes s'apparente à un psychotique s'évadant de sa cellule capitonée pour répandre sa folie dans la nature... Dans la Maison de Corrections se cachent de hautes figures de la scène underground américaine. Jugez plutôt : Scott Kelly de Neurosis, Mike Williams de Eyehategod, Bruce Lamont de Yakuza et Sanford Parker de Minsk et Buried At Sea. Autant dire qu'avec un bande de désaxés pareils, la musique produite par leur réunion ne peut être que déviante et décadente.

"Know How To Carry A Whip" (encore un titre bien tordu) est la seconde manifestation de ce "supergroupe" qui, c'est assez rare pour être souligné, mérite ce statut souvent lâché un peu trop promptement. Car, bien que l'on retrouve ci et là la marque des protagonistes, "Know How To Carry A Whip" sonne de façon tout à fait unique et personnelle. Ici, les membres de la formation cherchent à s'affranchir de leurs formations respectives pour un résultat convaincant, à la musicalité troublante, nocive et insalubre ("Superglued Tooth"). Nous sommes confrontés à une sorte de noise industrielle suffocante et terrifiante aux contours noirs et metalliques.

Fortement expérimentale, bruitiste, nihiliste, aux influences aussi larges que la dub, le doom, le free-jazz, la musique de Corrections House est surtout foutrement bien pensée et construite. Ces sculptures sonores respirent le malaise urbain et le dégoût de soi. Williams, comme à l'accoutumée, crache sa bile sur des constructions électroniques de Parker sur lesquelles les riffs de Kelly (soutenant parfois, de sa voix de grizzly, Williams) apportent lourdeur et épaisseur et le saxophone halluciné de Lamont ajoute folie et couleurs. Mais dans cet mare de crasse, quelques recoins lumineux éclairent. Le dansant (sic !) "White Man's Gonna Lose" démontre, à la manière d'un Killing Joke, que groove et noirceur peuvent cohabiter avec brio. La courte pièce acoustique "Visions Divide" est transpercée par le saxe fantomatique de Lamont.

Le son de Corrections House fascine par la complémentarité de ses formes, à première vue opposées : les sons maladifs se parent d'une forme dominante de groove dans les rythmiques mécaniques ; dans la déconstruction des boucles synthétiques se cache la fragilité de l'esprit humain, pouvant défaillir à tout moment ; les claviers tapissant le fond sonore et les tons post-rock du saxophone embellissent et font gagner de l'humanité à cette musique d'aliénés.

Si, en cette période de fêtes, vous trouvez cet album sous le sapin, il est probable qu'il s'agisse du dernier Noël que vous vivrez.


Man Of Shadows
Décembre 2015




"Last City Zero"
Note : 17/20

Formé fin 2012 par quatre figures notoires de la scène sludge / post-hardcore avant-gardiste, Corrections House est la nouvelle formation dans laquelle Mike Williams (Eyehategod, Outlaw Order…), Scott Kelly (Neurosis), Sandford Parker (Minsk) et Bruce Lamont (Yakuza) portent leurs expérimentations vers un genre assurément malsain, dans un style musical qu’on leur connaissait peu / pas jusqu’à présent.

Fin Janvier, ils placent les fondements de leur folle collaboration avec le lancement d’un modeste (par la taille) EP deux titres "Hoax The System" sur War Crime Recordings, avec un premier éponyme portant la forme d’un discours engagé sur fond neurosisien. Accompagné de son vidéo-clip en noir et blanc, les images funestes défilent : crânes d’animaux, squelettes, paysages décomposés, homme masqué à la façon des anonymous, l’univers visuel se tient aussi dérangeant que la composition musicale et ses coups de batterie qui retentissent militairement en tempo graduel. Ca annonce déjà la couleur. Un second "Grin With A Purpose" au contenu quasi entièrement instrumental s’enrobe en arrière-plan de vagues métalliques et d’une guitare magnétique répétitive sous des proclamations égosillées. Ces premiers morceaux formaient déjà un petit avant-goût qui mettait l’eau à la bouche. Histoire de nous mettre en haleine, ils faudra attendre quelques mois avant la sortie d’un premier full album signé chez Neurot Recordings, "Last City Zero", tombé prématurément de la hutte d’un père Noël portant sur ses épaules le logo militant du groupe, évidemment.

Fans inconditionnels du style véhiculé jusqu’à présent par les distincts projets des membres, oubliez aujourd’hui tout ce que vous connaissez des codes assidus de cette scène qui vous confortaient dans l’idée d’appartenir à une mouvance bien familière. Comme si la noirceur des anciennes œuvres ne suffisait pas, les quatre musiciens décident de s’allier telle une brigade revendicatrice d’un renouveau découlant forcément d’un chaos ultime; une autre fin du monde en quelque sorte. Entre noise expérimental et musique industrielle, l’élément apocalyptique semblerait rester le seul trait similaire aux acquis passés, la démence du chant, la teinte malsaine dans laquelle l’ambiance générale se complait tout au long de la prod'. Une atmosphère tantôt assommante tantôt frénétique, les Corrections House ont semble-t-il trouvé le juste milieu ; juste ce qu’il faut pour ne pas nous lasser d’un trop plein d’effets synthétiques ni retomber dans le copier-coller d’une ancienne formation. Les nappes chaotiques se superposent en répétitions inlassables. Prêcheur de la parole d’un monde en colère, Mike IX nous livre son ressenti d’un monde en détresse, révolté dans ses cris, engagé dans ses textes, il prône l’insurrection sans mesure.

"Serve Or Survive" démarre sur la guitare de Scott Kelly dans un style qu’on lui connaît bien, les lyrics portés par sa voix rauque atypique. Puis le fracas s’établit dans les samples travaillés par Sandford Parker. Les plaques phoniques se superposent en répétitions inlassables, les sonorités se mêlent parfaitement à la voix distordue de Mike Williams. A la première écoute, on trouve que c’est particulier, mitigés, on aime ou on n’aime pas ? Puis on se rend compte que la construction des morceaux réussit à nous faire passer la pilule d’un côté indus bien ancré que l’on n’a pas forcément l’habitude de côtoyer et qui se mélange ici parfaitement au tumulte général. Ici pas de batterie acoustique, tout sauf la guitare et le saxophone de Bruce Lamont est manié par le clavier. Dès le deuxième titre, on passe à la vitesse supérieure avec des couches sonores démentes où les respirations n’existent pas. On s’en prend plein la face, les hurlements de Mike Williams se noient dans une saturation agressive, jusqu’à la pause émotionnelle digne d’un morceau de Neurosis où tout se ralentit sur "Party Leg And Three Fingers" et sa six cordes captivante. "Run Through The Night" apporte le petit côté folk mélodique de l’album avec un chant de crooner exécuté par un Scott Kelly au ton de voix décidemment subjuguant, entre Johnny Cash et Dax Riggs ? Avec "Dirt Poor And Mentally III" et ses rythmiques métalliques, on touche du doigt les inspirations de Trent Reznor (Nine Inch Nails). "Hallows Of the Stream" ralentit à nouveau la cadence dans une composition lugubre déstructurée puis laisse place au titre clé, l’éponyme en avant dernière position construit sous la forme d’une plaidoirie. Mike Williams se pose alors en sinistre rhétoricien, prêcheur d’un discours garni de vérités pleines de désespoir, porté sur quatre notes de guitare dupliquées sur fond de sonorités ecclésiastiques. Fin sur "Drapes Hung By Jesus" qui achève l’opus en tourment, cris de souffrance que l’on perçoit lointains, les résonnances sont mécaniques, tourbillon de démence jusqu’au coup de grâce sur notes de saxophone. Hurlement torturé final, conclusion sur le mot disaster.

Un album conceptuel plein d’espoir, de bonnes ondes et d’humanité… Non désolé, "Last City Zero" a simplement la capacité de détruire la joie de vivre en quelques minutes et ose réussir tout de même à nous donner le sourire. En milieu hostile underground, Corrections House s’érige comme le nouveau groupe visionnaire de cette fin d’année qui commence déjà à faire allégrement parler de lui. L’ampleur ne saurait que croitre sur les quelques mois à venir, on imagine le power quatuor parcourir les festivals 2014. "Last City Zero" comme disque de chevet pontifiant, les corps sains dans un esprit malsain vont adorer.


Angie
Décembre 2013


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/correctionshouse