Le groupe
Biographie :

Carson Hill est un groupe de stoner rock quimpérois formé autour d’un mot : aridité. Des rythmes lourds comme les pas que l’on pose au milieu du désert de Sonora, des guitares acérées qui prennent à la gorge telle une soif inextinguible, et une voix rocailleuse rappelant le sol de Gila. Des textes sombres à l’image du fond des mines abandonnées, désabusés, inspirés des villes fantômes où erre un vent sans but. Un groupe formé autour d’un lieu, lointain et désertique, sombre, désolé, un souffle chaud et aride : Carson Hill.

Discographie :

2014 : "Motherlode" (EP)
2016 : "Sonora"


La chronique


Ah, la Bretagne ! Ses menhirs, ses terres mystérieuses empreintes de légendes, son temps réputé pourri... Et sa scène stoner ??? Ben oui, il faut croire qu'une épidémie de musique lourde, fuzzy et fangeuse s'est déclarée à l'Ouest de la France depuis quelques années, ce territoire ayant vu naître de nombreuses formations de qualité diverse dans ce registre enfumé. On citera pêle-mêle les plus connues et certainement les meilleures d'entre elles : Stangala, Duckhunters, Appalooza, Stonebirds, toutes chroniquées dans nos pages. Nouveau venu dans ce club très localisé, le quatuor Carson Hill, formé de Benjamin Briatte au chant, Emmanuel Chiara à la guitare, Yann Laurent à la basse et Alexandre Jaouen à la batterie, qui nous offre son premier album longue durée. D'abord prévu comme un simple EP, c'est finalement un full-length de trois quarts d'heure pour sept pistes que propose le groupe.

Sobrement intitulé "Sonora", ce disque est la deuxième sortie du label Drop Dead Records, dirigé par les membres de Duckhunters dont le premier album sorti en Décembre 2015 en fut la pierre fondatrice. Véritablement passionnés et désireux d'aller le plus loin possible en toute autonomie, les Bretons sont en train de créer leur propre univers Do It Yourself à l'heure où le marché du disque traditionnel, malgré ce que l'on peut entendre ici et là, emprunte la voie du cimetière. Rien que pour cela, respect total, messieurs !

Du côté de "Sonora", on peut également trouver de très belles choses à dire, qui vont dans le prolongement de ce désire d'indépendance affiché par le petit collectif stoner brestois. En effet, Carson Hill se démarque par d'autres aspects et montre déjà une personnalité remarquée. La pochette, d'abord, d'inspiration fantastique très prog 70's, est une petite merveille faisant le grand écart avec la scène stoner rock classique.

Musicalement, le groupe présente un style de rock poussiéreux et sombre, parfois proche du metal pur mais sans en être véritablement. Là où le quatuor fait preuve d'ambition et d'une personnalité déjà affirmée, c'est dans la durée des titres. Constitué de sept morceaux dont une introduction intrumentale, Carson Hill, en guise de carte de visite, déploie la carte des longues compositions arides et (plus ou moins) uniformes, jouant sur l'ambiance désertique et l'effet hypnotique jusqu'à la dernière note. Dans le genre stoner rock, peu de groupes internationaux et encore moins français entament leurs carrières sur de telles perspectives artistiques. Cette démarche est risquée car elle fait l'impasse sur les effets d'accroche que le style produit en temps normal et se veut assez imperméable. Ca passe ou ça casse, en résumé, et voilà une entreprise tout à fait louable.

La production est basique, crue mais fait le job. Enregistré au Y Prod Studio (Stangala, Duckhunters), l'album possède un son en accord avec la pochette, aride, désolée mais empreinte de profondeur et de sinuosités. L'ensemble est assez dynamique. Nous tombons en admiration devant ce son de basse absolument énorme et étouffant. La quatre cordes s'étale tel un gastéropode baveux sur une large partie de l'espace sonore de façon discrète mais bien présente avec un rendu très bas et graveleux où le terme "basse" prend tout son sens : une rythmique lourde, implacable et travaillée. Son placement dans le mix et le doigté puissant du bassiste Yann rappellent, on ne sait trop pourquoi, ceux du "Kill'Em All" de Metallica. Ajoutez à cela une guitare tellement grave et gavée de fuzz qu'on dirait que les cordes ont baigné dans l'huile de friteuse juste avant l'enregistrement et vous obtenez un disque surchargé de terribles basses fréquences, un véritable parpaing sonore goudronneux unique et massif qui vous englobe complètement. Une sorte d'allégorie sonore du châtiment du goudron et des plumes, en somme.

Pourtant, l'album ne débute pas de la meilleure façon. "Back From School", le premier vrai titre de "Sonora" (passé l'intro), est le titre le plus long du disque mais aussi et malheureusement le plus faible et le plus inintéressant de l'album. Culminant à 10 minutes, le morceau, dans sa première partie, reste figé sur une rythmique mid-tempo très simple et éculée qui fait appel à l'effet de d'hypnose. SI cela marche un temps, le morceau est bien trop répétitif et ne propose que peu de variations intéressantes. La seconde partie plus aérienne et sensible est meilleure mais la longueur excessive du morceau réduit l'impact de celle-ci. Dommage. On découvre par contre la qualité du chant de Benjamin, rauque, bourru mais capable de belles modulations malgré un timbre limité. Un très bon accent anglais (chose rare dans le style chez les français) vient couronner cette belle performance.

On entre dans le vif du sujet avec le titre suivant, "Until". Sa progression de riffs est fluide et très bien pensée. Carson Hill fait ainsi preuve d'un sens précis de l'écriture. Un très long solo vient illuminer ce titre et l'élève parmi les meilleurs de l'album. L'intro doomy de "Queen Of Spades" installe une ambiance sale et poisseuse, vite dissipée par un développement up-tempo et sautillant, certes très classique, mais bien foutu. Le chant de Benjamin est moins marquant sur ce morceau, il reste dans des tonalités basses assez pauvres. Mais le morceau est assez bon en lui-même. L'intro de "The Tide", au riff pompé sur le "Electric Funeral" de Black Sabbath, nous fait froncer les sourcils mais son développement doom / blues plus personnel nous détend. Le refrain éthéré et les paroles désenchantées donnent une couleur inédite à la musique du groupe.

"Red Moon" est le morceau nous ayant fait la meilleure impression. Comme "Back From School", c'est un titre très rigide dans sa structure et dans sa musicalité. Certains pourraient très vite s'ennuyer mais en se laissant porter tout doucement, la dimension tragique du morceau fait son effet. Pour peu qu'on se laisse aller, ce morceau atmosphérique et dépouillé se montre empli d'une beauté lunaire incroyable. Le chant de Benjamin est très émotionnel, il y livre d'ailleurs sa meilleure performance de tout l'album. Si les autres morceaux avaient été chantés de cette façon si habitée, nul doute que notre attention et notre note auraient été plus élevées. On termine sur "Evil's Room", un morceau correct mais sans grand génie et sans grande particularité comparé aux titres qui le précédent.

En résumé, si l'intention, l'énergie et le potentiel sont présents, "Sonora" est un peu trop timoré à notre goût. Des écoutes répétées nous présentent de bons moments mais ne nous marquent pas plus que cela sur la durée. "Sonora" est trop classique dans ses contours et manque d'une étincelle de folie et de sauvagerie. Carson Hill a encore des choses à dire, nous le pensons sincèrement, et la suite de sa carrière pourrait surprendre à condition que le groupe persévère et ne lâche rien car il tout ce qu'il faut pour peser sur la scène. Nous encourageons donc les Brestois pour le futur et conseillons aux lecteurs de jeter une oreille sur "Sonora".


Man Of Shadows
Mai 2016


Conclusion
Note : 13,5/20

Le site officiel : www.carsonhill.fr