Le groupe
Biographie :

Contrairement à une légende tenace, le Sud de la France ne se résume pas à son pastis, son écrasant soleil cancérigène, ses parties de cartes entre vieillards valétudinaires du Vieux Port phocéen, ses cigales estivales et ses pétasses méridionales. Il arrive, en effet, que certains individus fort éloignés de ce folklore aussi jovial que caricatural préfèrent la douce fraîcheur des couloirs d'hôpitaux, l'appétissante odeur de la chair humaine à vif, et les week-ends passés à l'abri de l'astre solaire dans un bunker à se charcuter les doigts sur des cordes de guitare tranchantes comme des scalpels, se fêler les phalanges sur celles d'une basse bourdonnante, transpirer en martelant comme un épileptique en rut des fûts de batterie, s'enivrer jusqu'à la nausée de notes de piano et de rythmes electro et s'exploser les cordes vocales dans un flot magistral de postillons. Ces nobles activités comptent parmi les préférées de Bad Tripes. Formation constituée de cinq médecins déchus pour avoir trop souvent trahi Hippocrate à travers moultes frasques sordides et d'une infirmière de hentaï à la voix de grizzly priapique, Bad Tripes est un groupe de metal aux sonorités aussi variées que le nombre d'endroits incongrus où l'herpès peut se loger, mélangeant métal indus sauvage et chanson française trash, mélodies de cabaret berlinois et hurlements de possédée punk. Les textes, gribouillés fébrilement d'une plume trempée de sang menstruel, s'attachent à révéler avec rage, vigueur et jubilation enfantine des sujets peu évoqués dans la musique pour jeunes gens hirsutes à chevelure féline, le tout joyeusement craché-hurlé-susurré-dégobillé dans la langue de Fréhel. "Phase Terminale" est son premier album, sorti sur le label M&O Music en Septembre 2010. En Mai 2010, le groupe est parti en tournée à travers l'Europe de l'Est (Allemagne, République Tchèque, Pologne, Slovaquie et Italie) avec Six Feet Under et Illdisposed.

Discographie :

2010 : "Phase Terminale"
2013 : "Splendeurs & Viscères"
2017 : "Les Contes De La Tripe"


Les chroniques


"Les Contes De La Tripe"
Note : 18/20

Quand j’ai reçu le CD, je ne vous cache pas que je me suis demandé instantanément pourquoi cette pochette existe, pourquoi ce titre d’album, pourquoi il y a une lune avec un sourire pervers dans le digipack et pourquoi tout court. Après ça je suis parti vomir et je suis revenu pour essayer de répondre un peu à ces "pourquoi". C’est donc tout naturellement que j’ai tapé le nom du groupe sur YouTube et que je me suis retrouvé face à une vidéo "déjà-vu". Saperlipopette, j’avais oublié que j’étais tombé sur ce groupe quelques temps avant et que j’avais détesté. Du coup, j’ai ré-écouté et j’ai trouvé ça plutôt sympa… Mais ce groupe a quelque chose de plus ! Ils sont différents et ça change tout. Quand un groupe est aussi incomparables au reste, il me reste en tête. Alors j’ai ré-écouté à nouveau et j’ai aimé ! La magie opère vite parfois. Il ne me restait plus qu’à écouter l’album dans son intégralité puisque je l’avais à portée de main (enfin à 4 ou 5 mètres de ma main, je devais me lever de mon lit, le chercher dans ma pile de CDs, le rentrer dans le lecteur… C’est tout un métier). Et finalement, je ne dirais pas que j’ai aimé, je ne dirais pas que j’ai trouvé ça sympa, je ne dirais pas que j’ai détesté, je dirais juste que j’ai adoré !

Passons l’intro "Moteur, Action !" ambiance vieux film d’horreur, pour arriver directement au premier morceau sobrement intitulé "Fuck Me Freddy" (que je ne traduirais pas). Si le titre est en langage rosbeef, Hikiko chante bel et bien en français – avec une voix de petite adolescente mignonne parfois et une voix d’adolescente menstruée d’autres fois – sur fond de metal industriel. On comprend que sexe et sang sont au programme lorsque la chanteuse psychopathe clame "1, 2 Freddy me foutra au pieu / 3, 4 Ses griffes sur ma peau d’albâtre / Plongeant dans mes interstices / 7 et 8 Jouissance et mort subite".

Ce qui est génial, c’est que le groupe est tout à fait destiné aux enfants. Vous ne me croyez pas ? "Hansel et Gretel" ça vous dit quelque chose ? Cette histoire ignoble de parents indignes qui abandonnent leurs mioches, de vieille femme qui brûle et d’obésité et de diabète vous l’avez tous entendue quand vous aviez moins de 10 ans ? Eh bien Bad Tripes ne fait que raconter cette histoire à sa manière en deux morceaux ("Hansel" et plus loin "Gretel"). Le premier est vraiment joyeux, et je ne plaisante pas. L’instru' electro et le chant se retiennent tout seuls et donnent envie de commettre un petit crime… Mais avec le sourire. Le second a de grands airs de Rammstein et commence d’ailleurs en allemand "Hänsel und Gretel verliefen sich im Wald / Es war so finster und auch so bitter kalt" (comprenez "Hansel et Gretel étaient perdus dans la forêt / Il faisait si sombre et si froid"). Et bien entendu dans les contes il est d’usage que tout est bien et que tout fini bien. Le gentil papa est donc jeté au four par ses adorables enfants qui vécurent heureux et remplacèrent la sorcière (l’histoire ne nous dit pas s’ils eurent de nombreux enfants entre eux). Pour information, les deux morceaux ont un clip à aller voir de ce pas.

En parlant de clip, "La Bouchère De Hanovre" a également eu le sien. Et je ne parle pas de petit clip d’un petit groupe qui joue dans un hangar abandonné, je parle bien d’un vrai clip avec du budget, beaucoup de faux sang (j’espère qu’il est faux en tous cas) et des comédiens qui n’inspirent pas confiance. A part ça, il n’y aucun morceau que je ne conseille pas d’écouter dans cet album. "Elizabeth" qui traite de l’affaire du Dahlia Noir et pas de Bathory comme je l’aurais pensé avant l’écoute, "Dame Eléphant" qui parle des freaks… Tout y passe, tout est bon.

En bref, Bad Tripes délivre un album d’une très bonne qualité, à ne pas prendre totalement au sérieux (je ne sais pas où se trouve la frontière entre le sérieux et le délire pour ce groupe). Au dos du livret, Bad Tripes a pensé à remercier Clint Eastwood, Sasha Grey, Trent Reznor, Chtulu, Mel Gibson et Jean Lassalle, moi je me contente de remercier Bad Tripes.


John P.
Janvier 2018




"Splendeurs & Viscères"
Note : 16/20

Il se sera fait attendre, ce deuxième album de Bad Tripes ! Après avoir été positivement surprise par le premier méfait il y a maintenant trois ans de cela, et ayant eu l’occasion d’assister à l’enregistrement de quelques éléments du nouveau né il y a maintenant plusieurs années, je désespérais sincèrement retrouver "Splendeurs & Viscères" un jour sur ma platine. Mais comme tout vient à point à qui sait attendre, me voilà à présent en pleine rédaction de la chronique du disque susnommé.

Ma crainte principale concernant ce nouvel album était la redite potentielle. Nous connaissons tous des groupes qui créent le buzz, surprennent lors d’une première sortie et refroidissent dès la deuxième, pour cause d’effet de surprise réduit à néant. Mais si Bad Tripes est resté tel que nous l’avions laissé, il n’en devient pas brusquement monotone pour autant. Le mélange metal / cabaret / tout / rien / peu importe est toujours de mise (celui qui parvient à me décrire cette chose avec exactitude bénéficiera de toute ma reconnaissance) ; les paroles sont toujours aussi souvent portées sur le sexe (évidemment, plus celui-ci est sordide, plus cela plaît à Bad Tripes), le sinistre et la violence ; les divers éléments apportés à la musique du groupe viennent toujours d’horizons aussi variés (le folk teinté de symphonique de "La Laideur Du Geste" pourrait se faire passer durant vingt petites secondes pour la composition d’un groupe de heavy symphonique épique, le comble !). Bad Tripes ne s’est pas assagi ; nous nous retrouvons bel et bien devant ce chien fou, cette créature bâtarde remarquée avec "Phase Terminale".

Ceci dit, il semblerait que même les individus les plus déments trouvent matière à s’assagir. Bon, le terme paraît exagéré –un Bad Tripes réellement assagi serait-il vraiment Bad Tripes ? – mais, pour sûr, les Sudistes ont trouvé matière à grandir dans leur art. Si les idées n’ont jamais manqué, les musiciens semblaient parfois peiner à les assembler suffisamment efficacement pour que chacun se trouve une place dans le mix final. Cette fois, alors que les apports électroniques et autres ne manquent pas, leur incorporation au fil des titres apparaît plus réfléchie. Pour ne citer qu’un seul exemple, il y a ce piano. Décalé et très légèrement retro sur "La Mauvaise Education", son apparition sporadique suffit à insuffler un caractère très personnel au morceau. Oh, et il y a également présence du même instrument sur le sympathique "Tokyo Décadence" ! Mais cette fois, loin de se répéter, il apporte un ton nettement plus mélodique et sordide à cette composition aux paroles sincèrement glauques, à ne pas placer sous les yeux de tous (mais qui, petite parenthèse, devraient pourtant plaire à un certain Murakami Ryû, auteur japonais réputé pour ses nouvelles extrêmement violentes et sexuelles. Tiens, tant que j’y suis, Murakami Ryû est également le réalisateur d’un film nommé… "Tokyo Decadence" ; aurions-nous trouvé la source d’inspiration de Bad Tripes, ou s’agit-il simplement d’un heureux hasard ?).

L’aspect théâtral, les musiciens de ce groupe hors du commun y tiennent ! Et ils ne lésinent pas sur les moyens afin d’apporter les couleurs désirées à leurs compositions, que ce soit par l’utilisation de samples dramatiques ("Chair De Canon", "Dans le Désert"), vidéo clip ("Noces De Sang", déjà sorti il y a quelques mois), solo surprenant et curieusement rafraichissement ("Sire Queutard") et autres surprises.

Nous le savions déjà ; "Splendeurs & Viscères" le confirme : avec Bad Tripes, il n’y a pas de juste milieu. C’est blanc ou noir ; on aime ou on déteste. La faute à ce style inclassable porté par une Hikiko Mori qui, visiblement, s’est fait vocalement plaisir sur cet opus (comme sur le délirant "Foutre Tombe"). Cette particularité est, quoi qu’il en soit, une force incontestable. Tant que les mécréants sauront comment l’utiliser à bon escient, leur groupe se portera bien.


Gloomy
Novembre 2013




"Phase Terminale"
Note : 16/20

Je ne pense pas être si aisément satisfaite, ni être particulièrement chanceuse mais, décidément, une main seule et ses cinq doigts sont déjà superflus pour le comptage des disques à chroniquer qui m’ont déçue ou laisser sur ma fin depuis mon entrée sur French Metal. "Phase Terminale" n’est une fois de plus pas une exception à la liste ! Jusque là, c’est une bonne nouvelle. L’euphorie est rapidement retombée en flèche lorsqu’est venu le moment de poser des mots sur la chronique de cet ovni. Ah ça, pour évoluer dans le déconcertant, les Marseillais sont doués !

Pour commencer, il serait laborieux de tenter d’établir une comparaison avec d’autres groupes, dans l’espoir d’éveiller quelques souvenirs dans les esprits de curieux qui se poseraient la question de savoir qui est Bad Tripes, plus exactement. Exercice inutile à réponse inconnue, passons ! Cette fois-ci, ma mémoire ne sera pas ma meilleure amie, j’en ai bien peur ! Dictionnaire et imagination seront aujourd’hui mes meilleures armes. Fini de parler pour ne rien dire, et venons-en aux faits ! Mélange particulier et dérangé d’indus, de riffs sans détour, de…cabaret ("Alice Über Alles", "Na Zdorovie") ! Oui, aussi ! Une particularité m’a frappée en premier lieu : ce que l’on appelle communément "chant". En fait, ça démange d’utiliser une série d’autres termes, tous plus appropriés les-uns que les-autres à la place de ce terme beaucoup trop "commun" et "classique" pour ce que l’on écoute ici. Hikiko Mori, la diablesse à qui l’on doit les cordes vocales et les textes (intégralement en Français, entre parenthèses), se veut narrative avant tout pour exprimer ses paroles glauques et sordides. Du coup, elle crie comme une damnée, elle chantonne de manière enfantine, elle chuchote, malveillante, ou alors, elle récite simplement, acrimonieuse. Et que raconte-t-elle ? Longue histoire ! Franchement, existe-t-il donc sur Terre quelque chose qui n’évoque rien à Bad Tripes ? Comme je l’ai souligné peu auparavant, les paroles sont indiscutablement glauques ! Si vous avez l’impression que la vie ne vous sourit pas, si vous avez impérativement besoin de réconfort et de poésie, par pitié, fuyez, tant qu’il en est encore temps ! Sauf si, malgré tout, vous avez les tripes suffisantes pour entendre parler des souhaits incongrus d’Hikiko ("Wish"), des angoisses destructrices du supposé sexe fort ("Vagina Dentata"), des attraits ambitieux et inconscients du IIIème Reich ("Alice Über Alles"), d’une vision inextinguible d’un certain conte de Charles Perrault que vos géniteurs lisaient dans votre enfance naïve et innocente ("Little Raped Riding Hood"), et de bien d’autres histoires encore…

Vous l’aurez compris : sexe, répulsion, sexe, animosité, sexe, épouvante et sexe encore. Voilà ce qu’aime et inspire Bad Tripes par-dessus-tout ! Doté d’une personnalité aisément reconnaissable, les Sudistes, apparemment plus amateurs de récits sanguinolents que de soleil, nous livre un premier essai curieux, surprenant, et surtout immanquable, qui plaira avec certitude à tout amateur d’humour noir sans tabou ! Comme dirait Pierre Doris : "Tu aimes bien ta mère ? Alors reprends un bout !".


Gloomy
Mars 2010


Conclusion
L'interview : Hikiko & Seth

Le site officiel : www.badtripes.bandcamp.com