Généralement, quand j’entends le mot "post-rock", je ne sors pas mon revolver, non, mais j’ai peur. Cela parce que je m’attends souvent à quelque chose d’explosif, de vibrant, et que je suis souvent déçue. Mais n’ayez pas peur, ce n’est pas le cas avec Awake In Sleep. Formation de je-ne-sais-pas-où-en-France, le groupe vient de sortir son premier EP. EP téléchargeable sur leur site pour la modique somme de "c’est comme vous voulez". En effet, le groupe a mis en place le même dispositif démocratisé il y a quelques temps par Radiohead : c’est l’auditeur / acheteur qui décide du prix qu’il va mettre pour acquérir les M3. Et si payer ne vous convient pas, vous avez toujours le choix d’écouter l’EP directement sur le site. Cet EP de Awake In Sleep se constitue de quatre chansons, dont la plus courte dure 5min et 21 secondes. Au premier abord, il convient de noter l’excellente production de cet EP. Aucun problème de son qui nous ferait dire que l’album a été enregistré dans une cave, aucun problème d’enchaînement.

La première chanson, intitulée "A Place To Die", est emplie d’une émotion incommensurable. Si je devais mettre une étiquette à ce groupe, ce serait un côté emo (sans qu’il faille le prendre pour une insulte, je songe à des groupes emo comme Four Hundread Years ou Indian Summer) mélangé à une sorte de death mélodique, mélange saupoudré de quelques touches de post hardcore à la Neurosis et Explosions In The Sky. Oui, ça fait beaucoup. La voix est une voix death, dure et rocailleuse, des chœurs se font parfois entendre à l’horizon. Sur les quasi 8 minutes que dure le morceau, on a le temps de se laisser emporter. Imaginez que vous êtes allongés sur votre lit, repensant, tout de mélancolie vêtu, à ce que vous avez vécu. Awake In Sleep est la musique qui se colle parfaitement à cet état d’esprit. Parce qu’en effet, idem sur la chanson "Cold Waves", on a l’impression que le groupe préfère laisser parler la mélodie plutôt que la voix. Leur credo serait plutôt de laisser parler les instruments, la structure, et la voix ne serait qu’un plus. Et c’est souvent ce que je ressens quand j’écoute de la musique dite "instrumentale" : tout est complet, l’émotion est transportée par les riffs et la mélodie, la voix n’est là que pour ajouter un petit plus. Un petit plus venant des profondeurs, des tripes. Une voix qui exprime une colère, celle que la douceur de la mélodie avait aidé à la calmer. Mélancolie qui subrepticement s’empare de tout votre cœur, et qui décide, après avoir été trop étouffée de s’exprimer. C’est une musique qui fait grandir, parce qu’elle fait réfléchir. Elle force celui qui l’écoute à penser.

La troisième piste "A Shrine For The Sleepless" me paraît un peu plus stoner. Bon, toute proportion gardée certes, mais le riff qui débute la chanson est un tantinet plus groovy, riff groovy qui laisse ensuite la place à une effervescence neigeuse. Ce que je veux dire par-là : vous vous rappelez l’époque où on pouvait observer une sorte de "neige" sur sa télé, parce qu’elle déconnait ? Eh bien, c’est ça qu’on a, de la neige, à laquelle s’ajoute de la distorsion à l’extrême, ce qui nous fait nous plonger dans une angoisse totale. Cette angoisse est d’ailleurs encore plus ressentie avec la voix, l’impression que le chanteur crie à l’aide, demande du secours. Que dire ensuite de "Flowing Seasons" qui met un terme –long de dix minutes- à cet EP ? Il est dans la simple continuité des morceaux précédents. Parce que si l’on peut faire une remarque sur cet EP, c’est qu’il s’enchaîne de la meilleure façon possible. A aucun moment on se dit "mais, tiens, qu’est-ce que ça fait là ça ?". On pourrait aussi dire qu’on s’ennuie sur ces 10 minutes. Mais pas du tout. Parce que justement, quand j’expliquais que cet album pourrait être la bande son d’une remise en questions, c’est parce que l’on sent que l’on a besoin d’une musique comme celle-ci pour donner du matériel à l’âme. On n’a pas envie que ça s’arrête, réfléchir sur cette musique, c’est comme vouloir trouver un puits sans fond. On est d’ailleurs limite déçu que ce ne soit qu’un EP et pas un album. Et donc, sur "Flowing Seasons", la voix est quasiment inexistante. Parce que les guitares, basse et batterie se suffisent à elles-mêmes. Elles nous permettent de penser, d’extérioriser, de se guérir.

Je ne saurais que conseiller de se précipiter sur cet excellent EP, d’un groupe qui mérite largement d’être écouté et réécouté.