Le groupe
Biographie :

Auðn est un groupe de black metal atmosphérique islandais formé en 2010 et actuellement composé de : Hjálmar Gylfason (basse / Dánarbeð, ex-Dynfari), Sigurður Kjartan Pálsson (batterie), Andri Björn Birgisson (guitare / ex-Dynfari), Aðalsteinn Magnússon (guitare) et Hjalti Sveinsson (chant). Auðn sort son premier album éponyme en Novembre 2014 chez Metallic Media, suivi de "Farvegir Fyrndar" en Novembre 2017 chez Season Of Mist, et de "Vökudraumsins Fangi" en Octobre 2020.

Discographie :

2014 : "Auðn"
2017 : "Farvegir Fyrndar"
2020 : "Vökudraumsins Fangi"


Les chroniques


"Vökudraumsins Fangi"
Note : 17/20

Aborder le sujet du désespoir, du deuil et du rapport à la nature est un thème courant dans le black metal, cependant le propos est bien souvent assez peu nuancé et on tombe très souvent sur des sons tristes et torturés. C’est également le cas d'Auðn, cependant la formation islandaise en vient à nuancer ce propos et propose à travers son black atmosphérique une certaine contemplation de ces sentiments négatifs. Le groupe revient donc cette année pour son troisième album, avec un artwork aux tons beaucoup plus rouges, totalement en contraste avec les deux précédents, respectivement axés sur des couleurs bleues et vert / jaune. La volonté du groupe n’est non pas de réunir les trois couleurs des starters Pokémon mais bien d’imposer des ambiances précises et certains thèmes. On voit clairement là le crépuscule qui s’installe sur un lac, apportant une pénombre qui pourrait être tout aussi oppressante qu’apaisante, les couleurs, si elles sont souvent agressives, sont ici utilisées de façon assez  douce  et semblent clairement jouer sur cette dualité.

C’est donc tout naturellement que cet album s’oriente vers certaines sonorités plus gutturales et agressives au sein du black metal atmosphérique d'Auðn que l’on connaît bien maintenant. Ainsi, on retrouvera un chanteur avec une palette plus diversifiée, qui nous délivrera parfois un chant plus profond et guttural appuyé par des riffs plus brutaux et des patterns plus énergiques, on le constate particulièrement dans les morceaux "Verður Von Að Bráð" et "Eldborg". Ces passages, souvent assez brefs au sein de l’album, caractérisent une ombre soudaine et oppressante qui vient s’abattre sur des riffs plus aériens, comme si la contemplation pouvait brutalement s’arrêter face à un évènement soudain. Malgré une palette de chants plus variée, l’album est définitivement très instrumental. En effet, on remarque de nombreux passages dans lesquels le chant est complètement absent, qui traduisent tout aussi bien une certaine contemplation, un calme plat. On retrouve notamment des parties avec une tempo très lent que l’on peut associer à un doux désespoir auquel il n’est pas mal de céder, car il est purificateur et nécessaire, notamment dans l’introduction et le pont du morceau "Ljóstýra". On notera d’ailleurs qu’après le pont, si la musique s’emballe, les sonorités restent les mêmes et on se retrouve face à un riff très court et longuement répété, telle une spirale infernale, dont on ne peut plus se sortir.

La grande force de ce projet est finalement d’arriver à transmettre beaucoup d’émotions que l’on pourrait considérer comme négatives mais en leur donnant un bel aspect, nous rendant ainsi très impuissants face au monde et à la nature, comme obligés de se plier à ses règles. Il représente ainsi toute la beauté du fait de plier face à ce monde, de faire de la tristesse quelque chose de puissant, d’allier le négatif au beau. On retrouvera ainsi cette douce mélancolie, déjà évoquée dans les précédents album, à travers des morceaux comme "Drepsótt" ou encore "Vökudraumsins Fangi". On retrouvera cependant des morceaux dans lesquels le désespoir est beaucoup plus conséquent, dans lesquels il ne s’agit plus de le contempler mais de l’extérioriser totalement, dans "Næðir Um" on ressent toute cette rage mêlée à une tristesse sans précédent, surtout dans la fin du morceau pendant lequel un cri se mêle à des sanglots. "Einn Um Alla Tíð" va également dans ce sens en proposant un chant crié, on a l’impression que les cordes vocales sont au bord de la rupture face à la sincérité et la puissance de ces cris.

La formation islandaise nous délivre donc ici un nouvel album qui, tout en suivant les traces des précédents, apporte quelque chose de nouveau, empêchant ainsi le tout de tourner en rond. Si les thèmes abordés sont les mêmes, ceux-ci sont abordés de manière plus nuancée et avec plus de subtilité. Il se dégage clairement deux ambiances distinctes, toutes deux représentatives d’une façon différente de gérer notre impuissance face au monde, au cycle de la vie et à la façon que nous avons de gérer tout cela, le tout associé à une certaine contemplation de cette nature face à laquelle nous ne pouvons rien faire d’autre que céder.


Praseodymium
Décembre 2020




"Farvegir Fyrndar"
Note : 18/20

Auðn est un groupe islandais de black metal atmosphérique. Alors oui, l’Islande a commencé à produire un joli petit paquet de groupes bien intéressants depuis les dernières années et c’est plutôt plaisant à voir. Je vous épargnerai la métaphore sur le volcan en éveil, sur les difficultés du trafic aérien quand les volcans islandais sortent de leur torpeur... ça serait un peu attendu. Et pourtant, je viens qu’en même d’en parler. Diantre. Auðn, de mon côté, c’est surtout un joli rassemblement de critiques positives venant de mon entourage, qui m’ont conseillé à de nombreuses reprises de me lancer dans l’écoute de ce groupe. Et, bien en retard, je finis par m’y coller, non sans me réjouir de tous les codes claviers que je vais devoir retenir pour écrire les caractères spéciaux islandais. C’est de bonne guerre, je pardonne volontiers.

L’album s’ouvre donc sur "Veröld Hulin" et qui va faire office de première introduction au groupe en ce qui me concerne. Et le constat est plutôt positif d’entrée de jeu. Les Islandais proposent un rythme très mesuré, prenant son temps pour instaurer une ambiance pesante, à l’image du brouillard presque étouffant représenté sur l’artwork de leur album. Les vocaux n’interviennent qu’en fin de morceau, et ce sont des guitares lancinantes qui nous accompagnent jusqu’à la conclusion du titre. On découvre un côté plus brutal avec "Lifvana Jörð", laissant imaginer une palette musicale assez étendue de la part du groupe. Ici, l’accent est mis sur l’efficacité. Il y a un titre en particulier qui a attiré mon attention, et il s’agit de "Prisund". Je trouve, et c’est peut-être juste mon impression, qu’il y a un petit côté black très old school qui n’aurait pas fait tâche dans le pays d’à côté - la Norvège, même si y a pas de mal de flotte entre les deux quand même - et qui m’a réjouie, même en ces temps de disette musicale où j’ai du mal à m’enthousiasmer pour du black. Pour le coup, ce morceau là atterrit directement dans ma playlist.

Le côté atmosphérique et planant, très propre à l’Islande pour le coup, n’est également pas absent. "Ljósaslæður" commence lentement, sur des tonalités très mélancoliques, très représentatif de la solitude que l’on peut ressentir dans les immenses étendues sauvages du pays. Il y a une montée en puissance très intéressante, avec des vocaux qui se mettent un peu plus en retrait pendant une grande partie du titre, avant de jaillir brutalement pour assener le coup final. On retrouve un peu le même mélange sur "Blóðrauð Sól" qui a presque des relents Burzumiens... et dont la seconde partie est particulièrement jouissive. L’album se conclut par "Í Hálmstráið Held" qui est un parfait résumé de tout ce qu’Auðn vient de nous présenter. Un mélange subtil entre ambiance et brutalité, et un groupe qui semble parfaitement maîtriser son sujet, proposant des compositions riches et variées sans jamais tomber dans le piège de la répétition inutile et monotone.

Auðn mérite donc bien sa réputation, et est un atout de taille dans l’expansion de la scène islandaise vers un public plus international. L’album est un petit bijou qu’on prend plaisir à réécouter plusieurs fois, et qui propose des morceaux remarquables. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait quelque chose à jeter dans cet album, le tout est cohérent et fonctionne comme une machine bien huilée. C’est une véritable réussite pour les Islandais, une réussite qui donne envie de s’intéresser à leur carrière qui s’annonce longue et prometteuse.


Velgbortlivet
Mars 2018


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/audnofficial