Le groupe
Biographie :

En 1990, les anciens membres de Grotesque décident de former At The Gates, qui deviendra l'un des précurseurs de la vague New Wave Of Swedish Death Metal (ou deuxième courant death suédois). Aux côtés d'In Flames, Dark Tranquillity, Hypocrisy et Edge Of Sanity, ils amèneront le style death metal vers des rivages plus mélodiques et sortent leur premier EP "Gardens Of Grief" cette même année. Décidés à rompre certains stéréotypes du death metal, leurs textes abordent l'aliénation sociale, le suicide et la dépression, les conflits sociopolitiques et l'absurdité de l'existence moderne dans une société capitaliste fondée sur la productivité aux détriment de l'humanisme. Le groupe sort en moins d'un an deux albums consécutifs, "The Red In The Sky Is Ours" et "With Fear I Kiss The Burning Darkness", respectivement en Juillet 1992 et Mai 1993. Après l'enregistrement du second album, Alf Svensson quitte le groupe et fonde Oxiplegatz. Ce qui ne changera d'ailleurs rien à la productivité du groupe qui sort en Juillet 1994 "Terminal Spirit Disease". Leur apogée est atteinte l'année suivante avec la sortie de "Slaughter Of The Soul" considéré par les critiques comme leur album le plus abouti artistiquement. Lorsque le groupe se sépare en 1996, trois de ses musiciens (le batteur Adrian Erlandsson, le bassiste Jonas Björler et le guitariste Anders Björler) forment The Haunted. Tomas Lindberg, toujours en tant que chanteur, fonde The Great Deceiver, groupe mélangeant hardcore, metal et indus et Disfear, groupe de crust. Le groupe se reforme pour une tournée des festivals d'été 2008 (Wacken Open Air, Hellfest et Graspop) mais il est certain qu'At The Gates n'enregistrera plus d'albums. Le 27 Janvier 2014, le groupe annonce pourtant qu'un nouvel album nommé "At War With Reality" sortira fin 2014 via Century Media. Suite au remplacement d'Anders Björler (guitare) par Jonas Stålhammar en 2017, le groupe sort un nouvel album intitulé "To Drink From The Night Itself" le 18 Mai 2018. Le septième album, "The Nightmare Of Being", sort en Juillet 2021.

Discographie :

1991 : "Gardens Of Grief" (EP)
1992 : "The Red In The Sky Is Ours"
1993 : "With Fear I Kiss The Burning Darkness"
1994 : "Terminal Spirit Disease"
1995 : "Slaughter Of The Soul"
2001 : "Suicidal Final Art" (Compilation)
2014 : "At War With Reality"
2018 : "To Drink From The Night Itself"
2019 : "The Mirror Black" (EP)
2019 : "With The Pantheons Blind" (EP)
2021 : "The Nightmare Of Being"


Les chroniques


"The Nightmare Of Being"
Note : 19/20

Les légendaires At The Gates reviennent avec un septième album. Le groupe fait partie des fondateurs du death mélodique depuis sa création en 1990. Malgré une pause en 1996, une timide apparition entre 2007 et 2008, puis un véritable retour en 2010, Tomas Lindberg (chant, Lock Up, The Lurking Fear), Adrian Erlandsson (batterie, The Haunted, The Lurking Fear, ex-Brujeria, ex-Cradle Of Filth, ex-Paradise Lost...) et Jonas Björler (basse, The Haunted), accompagnés par Martin Larsson (guitare, Agrimonia, ex-Bombs Of Hades) et Jonas Stålhammar (guitare, Bombs Of Hades, God Macabre, The Lurking Fear) sont prêts pour "The Nightmare Of Being".

Malgré les pauses et le temps qui passe, le son du groupe a toujours été incroyablement moderne, tout en construisant les bases du death mélodique à la suédoise, affectueusement nommé le Gothenburg Death Metal. Selon Tomas, l’album est né après ses lectures de Thomas Ligotti, et le chanteur le décrit comme un album sombre. On débute avec "Spectre Of Extinction" et son introduction inquiétante qui nous propulse dans une spirale de noirceur très attrayante aux mélodies entêtantes. La voix du frontman n’a absolument pas bougé, et propose des influences motivantes qui collent parfaitement à cette rythmique énergique, puis "The Paradox" vient nous envelopper dans ce voile d’oppression. Le titre est plus brut, plus noir et pourtant il nous hypnotise instantanément. Les mélodies se mêlent à la rythmique avec un naturel incroyable, puis "The Nightmare Of Being" vient proposer des accents de rock progressif avant de lâcher quelques vagues de mélodies oppressantes. Un certain groove lourd se profile parfois, puis "Garden Of Cyrus" continue de jouer avec les influences prog pour créer une base parfaite avant l’apparition d’un saxophone assez macabre. Le titre renoue avec un son plus “classique” avant de laisser place à "Touched By The White Hands Of Death", une complainte à l’introduction mélancolique qui frappe rapidement avec la hargne d’un son old school viscéral qui parlera aux fans des premières heures.

"The Fall Into Time" prend la suite et propose à nouveau ce mélange inquiétant, intéressant et mélancolique entre les anciennes et les nouvelles influences du groupe, accompagnées de quelques percussions pour ouvrir lentement les portes à des passages majestueux et lancinants, puis des éléments techniques viennent s'immiscer dans le mélange avant "Cult Of Salvation", un titre plus lourd, mais également plus noir. Le morceau nous propose quelques envolées mélodieuses, une profondeur intense, doublée par quelques mots avant que les hurlements ne reviennent. "The Abstract Enthroned" renoue avec la violence pure pour des riffs massifs et accrocheurs qui s’inscrivent déjà dans la légende, tout en proposant des influences plus aériennes, dissonantes et oppressantes, puis "Cosmic Pessimism" en surprendra plus d’un avec cette introduction enjouée. Le morceau pioche également dans le prog pour créer un son entêtant et addictif, mais également très frustrant, car il nous fait espérer une explosion ambiante et salvatrice. "Eternal Winter Of Reason" nous propose un final entêtant et très brut, avec un son ancré dans cette base old school aux influences planantes et envoûtantes, qui permet de clore ce chapitre avec un message très intéressant.

At The Gates n’a plus rien à prouver. Le groupe règne sur le death mélodique depuis sa création, mais "The Nightmare Of Being" leur permet d’aller explorer des univers proches et différents. Noirceur, angoisse, influences prog… tout ce que les amateurs de Lovecraft peuvent apprécier.


Matthieu
Juillet 2021




"To Drink From The Night Itself"
Note : 19/20

Certains groupes ont la capacité de provoquer des émeutes au sein de la scène metal rien qu'à l'évocation de leur nom. At The Gates, pionnier du death mélodique suédois, aussi appelé "Gothenburg Death Metal" en référence à la ville qui a vu naître le style au tout début des années 90, fait partie de ces géants. Après le retrait d'Andreas Björler (guitariste fondateur) du groupe en 2017, les fans étaient inquiets. Tomas "Tompa" Lindberg (chant), Jonas Björler (basse), Adrian Erlandsson (batterie) et Martin Larsson (guitare) vont-ils s'en sortir sans lui ? Suite au départ d'Andreas, ils recrutent Jonas Stalhammar (guitare), et commencent à composer. Après "At War With Reality", les Suédois donnent naissance à "To Drink From The Night Itself", digne successeur des premiers monuments que le groupe a sorti au début de sa carrière. Je vous laisse apprécier ceux qui seront les prochains incontournables du style.

Une introduction que je définirais par "à la At The Gates" nommée "Der Widerstand" ouvre cet album. Une voix de femme ajoute un aspect mystique au riff de guitare en son clair, puis les samples inquiétants et persistants prennent le dessus avant de s'éteindre. Les murs tremblent, et le groupe nous envoie les riffs du titre éponyme, "To Drink From The Night Itself" de plein fouet. Je suis trop jeune pour le dire, mais les puristes du style se verront retourner vingt ans en arrière, lorsque sortait "Terminal Spirit Disease" ou "Slaughter Of The Soul" tellement la rythmique est revenue aux bases même du death mélodique. Vous pensiez que la pilule était passée ? Alors préparez-vous à une deuxième ration pour "A Stare Bound In Stone" et sa guitare lead incisive. La rythmique ne prive aucun instrument de sa place naturelle, et encore moins la voix de Tompa qui n'a pas perdu de sa puissance et de sa spontanéité depuis 1991.

La qualité du mixage rend également honneur aux riffs de "Palace Of Lepers", avec une basse vrombissante sous des harmoniques aussi violentes que mélodieuses et planantes que les musiciens sont talentueux. Cette atmosphère se ressent particulièrement sur la fin du titre, mais également sur "Daggers Of Black Haze". Si le break au son clair peut surprendre, n'ayez aucune inquiétude : la rythmique qui nous plaît à tous reprend rapidement le dessus. Une introduction plus martiale sur "The Chasm" accélèrera le tempo, et il est aidé de sentir que le chant est plus enragé que d'habitude. Même si la guitare lead reste toujours aussi planante, ce titre est clairement le plus énervé de l'album. Si "The Nameless Sleep" débute de manière très calme, vous allez vous rendre compte que les riffs imposants ne sont pas en reste. Le chant de Tomas permet de créer une sorte de "juste milieu" entre les deux atmosphères pour nous permettre de profiter des deux côtés. "The Colours Of The Beast" utilise beaucoup de palm mute pour donner un son plus lourd, avant de lâcher un tourbillon mélodique de notes qui se chevauchent toutes sous une batterie millimétrée. Retour dans le passé à nouveau avec "A Labyrinth Of Tombs" et son blast furieux, qui déchaînera forcément les autres musiciens, alors que le chanteur s'égosille derrière son micro. De temps à autre, la guitare lead part seule, pour revenir vers le reste du groupe en trombe.

Alors que l'on croît à une nouvelle interlude instrumentale, "Seas Of Starvation" est une nouvelle composition toute en puissance et en rapidité. A nouveau, les racines du Gothenburg Death Metal sont omniprésentes, et il y a fort à parier que les anciennes et nouvelles générations de fans headbangueront à l'unisson sur celle-ci comme sur "In Death They Shall Burn". Pour moi, ce titre est un échappé pur et simple de "Slaughter Of The Soul" tant les riffs ressemblent à ceux de cet album. Le dernier titre, "The Mirror Black", est différent des autres. Certes, la rythmique est toujours aussi imposante et le chant toujours aussi bon, mais la composition toute entière est en proie à une mélancolie profonde dès les premières notes. La tristesse qui s'échappe de ces riffs est palpable, et prend une autre intensité lorsque les samples de violons s'invitent à la fête, coupant court à la rythmique.

Déjà terminé ? Malheureusement oui, mais vous pourrez écouter cet album vingt fois d'affilée sans vous en lasser. At The Gates est revenu sur le devant de la scène depuis quelques années, et "To Drink From The Night Itself" est la preuve ultime que le groupe perdurera des années encore. leur musique a inspiré nombre de formations actuelles, et continuera d'en inspirer d'autres.


Matthieu
Mai 2018




"At War With Reality"
Note : 08/20

L’une des sorties metal les plus attendues de cette année est enfin là. At The Gates. Le grand At The Gates, celui qui, il y vingt ans de cela, a révolutionné la scène metal, au sens large, et le death, en particulier. Révélé au plus grand nombre par son quatrième album "Slaughter Of The Soul", sorti en 1995 sur Earache, At The Gates est considéré comme l’inventeur du death metal mélodique, le grand forgeron du style de Göteborg, le parrain du swedish death. "Slaughter Of The Soul", ou la pierre angulaire de ce genre, une œuvre monumentale ayant propagé son influence sur d’innombrables groupes.

Sept ans après son grand retour scénique réussi, qui a mis tout le monde d’accord, les Scandinaves ont ressenti le besoin d’exprimer de nouvelles choses et se sont attelés à l’écriture d’un cinquième opus l’année dernière, dans le plus grand secret. Dix-neuf années se sont écoulées depuis "Slaughter…", et si le groupe était alors un visionnaire, il n’en est plus rien en 2014. Car, nous pouvons annoncer directement la couleur : sur "At War With Reality", At The Gates fait du At The Gates, ni plus, ni moins. Le groupe est resté fidèle à ses poncifs et ne trahit pas ses fans. "At War" aurait pu sortir en 1996, directement après "Slaughter", que cela n’aurait choqué personne. Nous sommes donc en terrain archi-balisé, car aucune surprise, aucune nouveauté ne viendra perturber l’écoute du fan fidèle qui attend ce disque comme le sauveur. Bon, peut-être pas quand même, car les aficionados de melodeath, qui ont suivi l’évolution du style depuis vingt ans maintenant, savent que le genre a énormément muté et dérivé vers des rivages plus sophistiqués, où le côté abrupt du style originel s’est paré d’atouts gothico-symphoniques et de chants clairs. Tomas Lindberg, le frontman de la formation, a affirmé dans la presse la volonté du groupe d'évoluer dans un registre old-school chère à ses vétérans, mais tenait à être vu comme un groupe actuel et frais, ayant gardé sa pertinence vingt ans après. Si vous vous voulez notre avis, c’est raté.

Car après plusieurs écoutes attentives nourries de bonne volonté, le constat est sans appel : il ne se passe absolument rien du tout au long de ces 13 chansons ; des compositions, n’ayons pas peur de le dire, chiantes à en mourir. Riffs convenus, pas inspirés, plats, leads de guitares à deux balles aux tonalités pseudo-mélancoliques déjà entendus mille fois et des solos inexpressifs. Une batterie au son lisse, sans corps, sans résonnance. Un jeu complètement pauvre, limité à des patterns thrash classique joués sans aucune conviction. Ce son de batterie a tout de même été concocté par Fredrik Nordström, déjà en charge de la production de "Terminal Spirit Disease" et "SOTS" mais qui, ici, n’offre pas à la musique des Suédois toute la puissance qu’ils dégagent sur scène. La prod' est bonne mais fade et sans substance. Mais la plus grosse catastrophe de l’album et certainement le facteur le plus aggravant dans cette fadeur sonore est le chant de Tomas Lindberg. Outre le fait qu’il n’a plus la même voix qu’il y a vingt ans, et nous ne le blâmons pas pour cela, il est d’une linéarité affligeante : aucune agression, aucune modulation, aucune variation, aucun effort sur les lignes vocales, il se contente d’aboyer ses textes hyper convenus et sans grande inventivité en répétant inlassablement la même phrase au même débit.

Les titres se suivent et se ressemblent, dans une monotonie déconcertante. La même structure basique se retrouve sur tous les titres. Seuls l’intro, sombre déclamation antireligieuse parlée en espagnol, le premier morceau, "Death And The Labyrinth", simple et direct et le cinquième titre "Heroes And Tombs", lent, sombre, prenant et réussi sont dignes d’être cités. A part ces trois cas, le quintette ne parvient jamais à faire décoller son propos, se contentant de jouer en mode pilotage automatique. Ne vous acharnez pas contre moi, j’attendais cet album avec impatience et j’en suis le premier déçu, j’ai été complètement floué par ce "Slaughter Of The Soul" du pauvre. Là où on s’attendait à un blockbuster américain avec des effets spéciaux de malades et de l’action non-stop, on se retrouve avec ce film de série Z diffusé sur une obscure chaîne du câble à 3h du matin. Bien triste est la réalité qu’At The Gates nous dévoile aujourd’hui.


Man Of Shadows
Octobre 2014


Conclusion
L'interview : Tomas Lindberg

Le site officiel : www.atthegates.se