Le groupe
Biographie :

Árstíðir Lífsins est un groupe de black / folk metal formé en 2008, fondé par Stefán (de Kerbenok) et signé chez Van Records. Árstíðir Lífsins signifie "les saisons de la vie". Les thèmes sont centrés sur la littérature et l'histoire de l'Islande médiévale, l'idée est de décrire l'histoire islandaise d'une façon scientifique et donc réaliste, loin des clichés et d'une vision romantique déformée.

Discographie :

2010 : "Jötunheima Dolgferð"
2012 : "Vápna Lækjar Eldr"
2014 : "Þættir Úr Sogu Norðrs" (EP)
2015 : "Aldafǫðr Ok Munka Dróttinn"
2016 : "Heljarkviða" (EP)
2019 : "Saga Á Tveim Tungum I: Vápn Ok Viðr"
2020 : "Saga Á Tveim Tungum II: Eigi Fjǫll Né Firðir"


Les chroniques


"Saga Á Tveim Tungum II: Eigi Fjǫll Né Firðir"
Note : 15/20

Les poètes germano-islandais continuent le périple entrepris en 2019 avec leur précédent opus : "Saga Á Tveim Tungum I: Vápn Ok Viðr" et proposent donc en 2020, la suite avec l’album "Saga Á Tveim Tungum II: Eigi Fjǫll Né Firðir". Au programme, nous allons continuer notre balade dans les terres nordiques balayées de vents iodés qui diffusent leur odeur marine dans les plaines herbeuses, vaste chant de batailles de peuplades païennes issues d’un autre temps.

Toujours dans le délire pagan black progressif à tendance folk, le groupe s’oriente de plus en plus vers l’élément narratif, de ce fait, il faudra attendre 10 minutes avant de pouvoir réellement être en contact sonore avec le black metal classieux de ces messieurs venus du froid. Sur fond de chants guerriers profonds, le feeling dégagé par la formation possède quelque chose de poignant. En fait, le groupe n’a pas besoin de porter l’élément narratif aussi loin tant sa musique dégage déjà, d’elle-même, une aura propice au développement de l’imaginaire. De plus, lorsque Árstíðir Lífsins s’engage vers une interprétation résolument black metal, c’est réellement la grande classe. On pense autant à Satyricon que Mayhem sur "Sem Járnklær Nætr Dragask Nærri" et ses 10 minutes qui passent crème tant la musique parvient à accrocher l’auditeur, ou à Taake sur "Gamalt Ríki Faðmar Þá Grænu Ok Svǫrtu Hringi Lífs Ok Aldrslita", titre riche qui dépasse les 7 minutes et qui alterne des passages guerriers et d’autres plus atmosphériques. Quelques guitares acoustiques se pointent parfois, manière de justifier le côté folk, mais restent somme toute assez discrètes. Encore une fois, ce titre dispense de longs moments qui font intervenir d’autres instruments traditionnels peu intrusifs et en retraits dans le mix. C’est là, un des points forts d’Árstíðir Lífsins, celui de ne pas sombrer dans l’excès en ce qui concerne l’utilisation d’éléments folk, le groupe met l’accent sur l’aspect incisif de son black.

Le seul point négatif de Saga II (oui, j’abrège le titre sinon je ne m’en sors pas), ce sont les multiples passages narratifs qui, même s’ils apportent une grosse dose d’ambiance et de figuralisme, restent trop longs à mon goût. Entendre un mec chuchoter pendant plus de 5 minutes sur fond de violons dramatiques, ça casse vite les bonbons. Le pire, ça reste le titre "Um Nóttu, Mér Dreymir Þursa Þjóðar Sjǫt Brennandi" avec ses 8 minutes de rien ! Que des bruitages, des sons qui s’apparentent à des sirènes, quelques voix étranges genre père Fouras qui parle en dormant, des sons de percussions et quelques fracas d’orages lointains. Ok, je tiens les comptes, depuis le début de la chronique je suis assez porté sur le minutage mais là, j’en arrive à un constat qui pèse quand même sur la balance : sur environ 74 minutes de l’album, on se tape 23 minutes de voix chuchotées sur des ambiances sonores… d’accord, l’album est long mais quand même…

"Saga Á Tveim Tungum II: Eigi Fjǫll Né Firðir" est un disque soigné, qui délivre une musique réfléchie et destinée à faire voyager l’auditeur. Lorsqu’il s’engage dans le pagan black, Árstíðir Lífsins excelle. Les atmosphères sont froides et glaciales, le chant traduit à merveille l’angoisse et la terreur démoniaque propre au genre, les rythmiques guerrières drainées par une batterie qui cavale sont simplement magnifiques et transcendent l’art sombre de cette formation ténébreuse. Ajoutez à cela des chants de warriors et là, on s’y croit vraiment ! On perd toutes notions du lieu dans lequel on écoute le disque pour être en totale immersion. En revanche, bon sang ce que les passages narratifs sont longs et stériles, c’est vraiment dommage. En plus, on comprend rien à la langue, impossible de se rattacher à quoi que ce soit, sauf si vous êtes à la fac en langue et que vous apprenez l’islandais. Si Árstíðir Lífsins avait au moins supprimé la première plage et la huitième, au moins ces deux titres, le disque aurait été plus accrocheur. Après, c’est mon jugement personnel, peut-être que chez d’autres personnes, ces moments que je condamne paraîtront essentiels dans la perception globale du disque. J’en profite quand même pour faire passer un message personnel : à tous les groupes qui veulent engager leur metal vers une démarche plus intello, que ce soit historique ou autre, avec une thématique précise qui nécessite des monologues explicatifs, attention, vous pouvez rendre votre musique aussi ennuyeuse que les débats du soir sur France Culture.


Trrha'l
Août 2020




"Saga Á Tveim Tungum I: Vápn Ok Viðr"
Note : 18,5/20

Allez, encore un groupe au nom imprononçable, qui sort un album au titre imprononçable, et qui propose 9 titres imprononçables. Árstíðir Lífsins, malgré le handicap de vocabulaire qu’il nous impose, est un excellent groupe de pagan black, un trio efficace dont chaque membre a déjà roulé sa bosse dans diverses autres formations. "Saga Á Tveim Tungum I: Vápn Ok Viðr" est le quatrième full length que proposent ces musiciens islandais et allemands, et, dès les premières notes, l’embarquement vers les terres nordiques est immédiat. La manière dont Árstíðir Lífsins interprète le black metal est sauvage et sans compromis, mais paradoxalement très nuancée.

Aussi puissantes que mélodiques, les compositions prennent des détours progressifs jamais pompeux, certains titres dépassent les 10 minutes mais on est pris dans le truc jusqu’à la dernière note. Le périple est ponctué de moments calmes, d’autres plus intenses, de magnifiques chœurs graves ajoutent du grandiose à l’ensemble, les enchevêtrements de guitares réussissent à créer de beaux reliefs accrocheurs. Les longues plages plus atmosphériques laissent souvent place à des cavalcades guerrières du plus bel effet, on est véritablement dans un pagan black conquérant et sauvage. Je ne peux pas parler des textes qui me sont impossibles à lire ni à comprendre, mais apparemment, ça traite de la littérature nordique et de l’histoire, donc autant dire que pour le coup, on est dans une œuvre qui cherche, explore, et défend un sujet concret.

Des passages particulièrement somptueux ont retenu mon attention, comme la fin de "Líf Á Milli Hveinandi Bloðkerta" avec ses bruits de vagues qui s’écrasent sur des rochers, et tous ces instruments à cordes en fond, qui s’enchaine à "Stong Óð Gylld Fyr Gongum Ræfi", titre véritablement guerrier, avec ses harmonies puissantes et lugubres à la Mayhem, qui dépeignent un tableau sombre. Rien qu’avec ces deux plages, nous voilà embarqués pendant plus de 20 minutes dans un enchevêtrement finement exécuté de passages musicaux géniaux. La formation nordique est maîtresse dans l’art de la composition. La production est parfaite pour ce genre de musique, elle participe, par l’équilibre de chaque instrument, à apporter de la clarté, mais aussi de la profondeur, avec tous ces sons en fond, par le traitement du chant, le placement des guitares acoustiques et tout le tsouin tsouin.

Fans de black pagan traité en mode progressif, l’épopée sonore que nous propose Árstíðir Lífsins est tout simplement fabuleuse. Très bien dosée, la musique de cet excellent groupe alterne de nombreux moments, tantôt sauvages, tantôt ambiants, sans jamais provoquer l’ennui. Même les non-initiés à ce style de musique pourront apprécier tellement le dosage est parfait, l’approche est exemplaire et le traitement sonore est sans faille ni faiblesse. Allez, je vais me faire une petite sortie en mer avec mon drakkar.


Trrha'l
Avril 2019




"Aldafǫðr Ok Munka Dróttinn"
Note : 19/20

La musique et ses multiples univers, tous fascinants pour qui y est sensible, nous offre parfois d'extraordinaires surprises. Elles peuvent venir de n'importe où, plus particulièrement dans le metal, où une kyrielle de groupe inconnus sortent, dans l'ombre, de superbes œuvres. C'est le cas ici, nous avons affaire à un groupe très peu connu venu du Nord (pour changer), Árstíðir Lífsins sont Islandais (vous avez bien lu et retenu le nom du groupe ? Bien, parce que je ne vais pas le réécrire !). Le groupe s'est monté autour d'un trio qui avait pour idée de transmettre par la musique l'atmosphère et l'ambiance de la littérature traditionnelle norroise. Cela implique aussi, bien entendu la retranscription de l'ambiance dans laquelle vivait le peuple qui a écrit ces ouvrages à l'époque : les Vikings avant l'Inquisition chrétienne...

Ils ont choisi pour ce faire un mélange assez original et peu commun. Ils ont mêlé chants traditionnels norrois et black metal. Nous avons donc des passages acoustiques où s'entrelacent des voix caverneuses et liturgiques avec des guitares acoustiques, une contrebasse et un violoncelle d'un côté et de l'autre un black meétal assez cru mais atmosphérique. Pour faire bref : mélangez Agalloch et Wardruna et vous aurez un petit aperçu de ce que ça donne. Leur textes sont évidemment chantés en islandais (langue actuelle qui se rapproche le plus de ce qu'était le norrois), voire peut-être même en norrois.

"Aldafǫðr Ok Munka Dróttinn" (tiens, ça non plus ça ne sera pas réécrit...) est leur troisième album. On pourrai dire qu'il poursuit le chemin emprunté par les deux autres mais ça serait bien trop réducteur. Déjà, nous avons affaire à un double album dont la durée dépasse les quatre-vingt minutes, projet très ambitieux pour un troisième opus. Seulement voilà, les morceaux sont tous longs et d'une qualité immense. Il y a, en plus, une sorte de continuité entre eux qui fait en sorte que l'album puisse s'écouter d'une traite sans être épuisant. Ce n'est pourtant pas une musique facile. C'est grave (dans les deux sens du terme), c'est solennel, et même si on ne comprend pas les textes, ça va chercher très loin dans l'imaginaire et les émotions de l'auditeur. Dès la superbe introduction du premier titre (non, je ne le recopierai pas, n'insistez pas), nous sommes transportés au milieu de ces splendides paysages désolés du Nord. Tout commence par le léger son du va-et-vient des vagues et s'ensuit un magnifique instant qui se joue entre les cordes frottées et les voix graves, chantées. Tout s'accélère et s'emporte mais la coupure se fait de manière naturelle. Il y a beaucoup de changements et rien n'est amené d'un coup. Tout est travaillé, soigné, calculé, même les transitions brutales. Durant tout l'album, nous oscillons entre des instants acoustiques d'une beauté et d'une mélancolie à en faire frissonner les plus insensibles d'entre nous et des passages black très bien faits. Ceux-ci ne sont pas forcément originaux mais ce n'est pas ce qu'on en attend. Les enchaînements harmoniques sont plutôt classiques pour du black mais comme il est dit plus haut, rien n'est forcé ni brusqué. Parfois, nous avons même affaire à des instants où les deux styles se mêlent pour n'en former qu'un seul où la brutalité flirte avec la beauté. Les mélodies, que ce soit aux guitares, aux voix ou aux cordes frottées, sont très recherchées. On sent les influences folk mais pas celles qui font taper du poing sur la table et vider des chopes de bière. Plutôt celles qui font voyager, qui font réfléchir sur soi, sur eux, sur comment nous vivons et comment ce peuple vivait à cette époque. Ces ambiances qui, malgré toutes ces réflexions, nous font rêver de terres lointaines et du temps jadis.

Le premier titre du deuxième disque (inutile de me le demander) est complètement acoustique. Il sert de grande pause au milieu de l'album. C'est une grande pause qui n'est pas là juste pour faire transition. C'est une pièce de huit minutes qui nous attrape aux tripes et qui ne les lâche pas avant la dernière note. Après que nous soyons ainsi secoués émotionnellement, la suite ne nous ménage pas et nous rentre dedans mais toujours avec autant de bon goût et de belles idées. Les bruitages jouent un rôle important aussi : la mer, le vent, le feu... Tous ces éléments qui nous permettent de rentrer encore plus dans le monde d'Árstíðir Lífsins et de les suivre à travers le temps et l'Histoire, celle où se mêle vérité et légende, folklore et réalité... L'un des plus beaux albums qu'il m'est ait donné d'écouter récemment. Un véritable chef d’œuvre dont les maîtres-mots sont franchise, émotion, authenticité et austérité...


Thomas
Avril 2015




"Jötunheima Dolgferð"
Note : 17/20

Si le genre du black metal compte beaucoup de groupes qui reprennent les mêmes clichés, certains savent se démarquer. C'est le cas d'Árstíðir Lífsins, un groupe récemment formé qui ne manque pas d'ambition. En effet, Stefán et sa troupe nous livrent un premier album riche et varié assez surprenant. C'est un album qui s'écoute intégralement, bien que chaque morceau puisse être écouté indépendamment, et qui nous transporte dans l'Islande médiévale pendant 70 minutes.

L'album s'ouvre sur une intro mélancolique avec un violon plaintif. Puis, dès le premier morceau, "Morgunn í grárri vindhjálmars þoku við Berufjörð", la couleur est annoncée : une musique très épique avec une puissance black metal qui sait rester très mélodique et des changements de rythme qui évitent toute monotonie. L'intensité du début du morceau est saisissante et très prometteuse. Et elle ne faiblira pas tout au long des 9 titres. Toutefois, des passages de répit sont glissés dans la plupart des morceaux, histoire de ne pas lasser l'auditeur. C'est le cas par exemple de "Velkomin í lífið, ávarpar maðr sjálfan sig" qui alterne son metal et morceau de piano très lent, et qui est ponctué d'un superbe chant féminin d'une grande douceur contrastant avec le chant guttural assez criard. Mais si tout l'album est composé dans cet esprit, le groupe ne se contente pas de ressasser systématiquement la même formule. En effet, si "Haka kleifir berja ok brjóta við enda langrar ferðar sinnar" adopte d'entrée un ton résolument black metal, "Lifðu með öðrum, með þínum eigin" commence par un rythme lent avec un morceau de guitare sèche (suivi bien sûr par un passage à l'ambiance plus épique) et s'achève par des chuchotements au rythme quasi envoûtant, comme une invocation, sur fond de violon larmoyant. Mais c'est certainement la piste suivante, "Eigi hefr á augu, unnskíðs komit síðan", qui est la plus surprenante de toutes : point de guitares ou de chant guttural, c'est un chant entièrement a capella que le groupe reprend en choeur, avec en fond sonore des bruits domestiques (crépitements du feu, rires...). Certains trouveront que presque 8 minutes de chant a capella, c'est trop long, surtout quand on ne peut pas suivre le récit faute de comprendre l'Islandais ; d'autres apprécieront l'originalité de l'idée et l'aspect authentique de cette reconstitution sonore du quotidien médiéval en Islande. Enfin, l'épopée prend fin sur un morceau de plus de 11 minutes qui réussit encore à surprendre, notamment grâce aux cris déchirants de Stefán sur lesquels s'achève l'album.

C'est donc un premier opus ambitieux, maîtrisé et abouti que nous proposent les Árstíðir Lífsins, présageant une suite des plus intéressantes. Certes, l'album n'est pas parfait ; la langue peut destabiliser et la longueur des titres pourra en rebuter certains. Mais il a plus d'un atout non négligeable : un chanteur pouvant passer du hurlement guttural à un chant bas et profond, des rythmes très variés, l'utilisation d'instruments folk comme le bodhrán et surtout une grande originalité aussi bien sur le plan musical que sur les thèmes abordés. Reste à se laisser séduire et à embarquer pour ce voyage musical.


Brünhild La Viking
Novembre 2010


Conclusion
Le site officiel : www.arstidirlifsins.net