Le groupe
Biographie :

Anachronism est un groupe de death metal formé à Lausanne en 2009 par Matthieu (chant), Lisa (guitare) et Florent (batterie). Après quelques changements de line-up, un premier album ("Senseless", 2012), le groupe est complété désormais par Manu (guitare), Florent (batterie), Julien (basse), et Lisa est passée au chant. Après un EP en 2015"Reflecting The Inside", mettant en avant l'évolution du groupe tant techniquement que musicalement, le groupe enchaîne avec "Orogeny" en Juillet 2018, et "Meanders" en Janvier 2023 chez Unorthodox Emanations.

Discographie :

2012 : "Senseless"
2015 : "Reflecting The Inside" (EP)
2018 : "Orogeny"
2023 : "Meanders"


Les chroniques


"Meanders"
Note : 16/20

Si les Suisses d'Anachronism nous faisaient entendre un death metal brutal et assez technique inspiré de la scène américaine avec quelques dissonances sur son premier album "Senseless", le groupe a pris une voie bien plus technique et chaotique avec son deuxième album "Orogeny" qui allait voir du côté de chez Gorguts période "Obscura" ou Ulcerate.

C'est toujours cette voie qu'il suit avec son nouvel album "Meanders" qui garde une durée compacte comme ses prédécesseurs, à peine trente-trois minutes au compteur. Ce qui sera largement suffisant pour souffrir sous les assauts de ces fous furieux ! "Contrasts" nous fait entendre quelques mélodies dans ses premières secondes pour nous faire une petite feinte, même si les dissonances sont déjà là discrètement en embuscade. Les blasts arrivent bien vite avec les growls profonds et bien arrachés de Lisa Voisard qui, comme d'habitude, ne s'économise pas une seule seconde. On retrouve donc ce death metal brutal, technique, dissonant et chaotique qui pose des ambiances parfois sinistres et malsaines, parfois aériennes et mélodiques. Vous vous doutez bien que le dernier cas est plus rare et plus bref, Anachronism n'étant pas là pour nous bercer de douces mélodies sirupeuses. Non, le groupe veut créer des ambiances noires et tortueuses tout en vous labourant les tympans à l'aide d'une violence débridée et de riffs assassins. Certes le tout est chaotique mais contrairement à certains groupes qui jouent la même carte, Anachronism ne se perd jamais dans son propre labyrinthe, tout ce bordel est bien construit et le trio (qui est maintenant redevenu un quatuor avec le retour de Julien Waroux à la basse) sait où il va. Ce qui contribue à faire la différence avec d'autres représentants de cette scène death chaotique, c'est qu'Anachronism s'autorise quelques mélodies de temps en temps, cela suffit à fournir quelques points d'accroche et à donner un peu plus de liant et de cohérence à tout ce bordel.

"Source" nous fait d'ailleurs entendre ces mélodies aériennes proches de Cynic que l'on pouvait déjà entendre occasionnellement sur "Orogeny". La technique est elle aussi intelligemment utilisée et le groupe ne s'en sert jamais pour en mettre plein la vue, même si son death metal part dans tous les sens, on ne sombre jamais dans la démonstration ou la complexité inutile. "Meanders" ne pousse jamais le bouchon trop loin et garde une approche relativement efficace, ce qui n'enlève rien à sa profondeur ou à son intensité. Comme dit plus haut, ces trente-trois minutes passeront vite mais vous laisseront sur les rotules et pour peu que vous ne soyez pas familiarisé avec ce type de death metal, cela suffira à vous refroidir. Entre le chaos volontaire et la brutalité tout de même très soutenue, il y a de quoi s'en prendre plein les dents sur "Meanders" et les quelques mélodies et ambiances plus aériennes ne suffiront pas à atténuer la violence du choc. "Macrocosm" en fin d'album apporte encore une ambiance différente avec des mélodies dissonantes qui donnent l'impression de dériver dans l'espace ou un monde inconnu. C'est tout aussi inquiétant et sombre que le reste de l'album mais cela apporte une sorte d'onirisme malsain qui apporte une dimension intéressante à la musique d'Anachronism. Soulignons que tout ça est plutôt bien produit est que le son est assez clair et laisse pas mal de place à la basse, ce qui est toujours agréable. On entend tout le monde clairement sans avoir besoin de tendre l'oreille et avec une musique aussi complexe et chaotique ce n'est vraiment pas du luxe !

Anachronism poursuit donc sur la voie tracée par "Orogeny" avec un death metal volontairement chaotique, technique, brutal et sombre qui laisse parfois un peu de place à des mélodies plus aériennes. Le groupe a l'intelligence de nous donner ce qu'il faut d'air pour ne pas étouffer dans ce dédale de notes aux structures tortueuses et cela fait de "Meanders" un album exigeant mais qui laisse quelques points d'accroche pour récompenser les plus persévérants.


Murderworks
Février 2023




"Reflecting The Inside"
Note : 15/20

Anachronism est de retour trois ans après son premier album "Senseless" avec non pas un full-length, mais "seulement" un EP. Bien que ne refermant que 6 morceaux, ceux de "Reflecting The Inside" sont toujours aussi travaillés et pensés dans leurs moindre détails ; Anachronism ne laisse rien au hasard et présente un professionnalisme sans faille.

Si nous nous attendions à une suite plus ou moins directe du premier opus, c'est tout le contraire auquel nous avons affaire. La transformation est totale et radicale, et ce, à tous les niveaux. Exit le death brutal d'inspiration US, enter le technical death moderne et complexe. Anachronism n'a plus rien à voir avec ce qu'il était à ses débuts, sa démarche est 100% renouvelée. Que ce soit dans le style, le son, les structures des chansons ou le visuel (très beau cela dit, signé Headsplit Design), tout à changé. Il s'agit pourtant bel et bien du même groupe : Mathieu au chant, Lisa à la guitare, Florent aux percus et Nicolas (qui a ici switché à la guitare), renforcé par Julien à la basse. Alors comment expliquer cette révolution à 180° ? Evolution des goûts ? Envie d'explorer de nouveaux sons ? Un premier album considéré comme un faux-pas, une erreur de jeunesse par ses géniteurs ? On ne sait. On peut peut-être trouvé un début d'explication dans le fait que Nico ait composé une grosse partie de l'EP, avec un peu moins de champ d'expression pour Lisa, elle qui avait composé la quasi-intégralité de "Senseless". Dans tous les cas, ce changement stylistique n'est pas déplaisant (même si un poil regrettable vu la grande qualité et le caractère bien trempé de "Senseless") et renferme de bien belles choses.

Adieu donc la rugosité et les riffs saccadés du premier CD. Le death metal d'Anachronism version 2015 est technique et ultra puissant. Prenez une grosse louche de Hour Of Penance, une cuillérée d'Aborted et une pincée de Benighted et vous obtenez un gâteau fort gras et déconseillé pour vos artères. Les compositions sont plus classiques qu'auparavant, c'est-à-dire que l'on a affaire à de véritables titres de death moderne, construits, au riffs plus consensuels et aux enchainements plus ordinaires. La folle brutalité et la subtile mélodicité, inédits pour le groupe, forment une armature dangereuse. Le premier morceau "Memories", l'un des meilleurs de l'EP, tabasse du début à la fin. Le groupe démontre une puissance phénoménale et matraque nos sens avec ses guitares énormes et une batterie supersonique d'une technicité hors pair. Anachronism fait aussi preuve de nuance comme sur "Undefined". Doté d'un intro à l'ambiance prenante, ce titre évolue constamment et présente une face plus groovy et efficace. Autre bon moment, le dernier et court "Ephemeral Embrace", au début implacable et fort en riffs death ultra velus et se concluant par de sensibles parties acoustiques. Une bonne dizaine d'écoutes attentives sera nécessaire pour bien cerner cet EP. Si le déluge de blast beats et de rythmiques volatiles et complexes peut vite saouler, et en dépit du fait qu'on sent que le groupe veut faire dans le technique pour la technique (ce qui peut vite agacer), on reconnaît un gros travail de mise en place et une grande capacité à composer des morceaux efficaces propices au moshpit. A noter un son énorme et puissant (le mastering a été confié à Vlad Cochet, leader de Mirrorthrone, one-man band extraordinaire de death / black progressif et expérimental dont on n'a plus de nouvelles).

"Reflecting The Inside" pose les jalons d'une nouvelle existence pour Anachronism qui devra lutter de toute ses forces pour survivre dans la jungle du death technique et moderne, mais il en a les moyens. A eux maintenant de ne pas lâcher le morceau et de persévérer tout en développant leur propre personnalité.


Man Of Shadows
Mai 2015




"Skull"
Note : 15,5/20

Originaire de Suisse, plus précisément de la magnifique Lausanne, au bord du Lac Léman, Anachronism ne donne pourtant pas dans la musique pastorale, loin de là. L'air montagnard a inspiré de bien curieuses vibrations à ce jeune quartet. Ces petits jeunes, à savoir Mathieu Favre au chant, Lisa Voisard à la guitare, Nicolas Riederer à la basse et Florent Duployer aux fûts, donnent dans l'opérette de boucher-charcutier aka le brutal death. Le brutal death dégoulinant, sanglant et technique à l'américaine des Deeds Of Flesh, Suffocation ou Defeated Sanity (bien que ces derniers soit allemands...).

Court, intense et barbare, "Senseless" offre tout ce qu'on peut attendre d'un album de brutal death. 8 titres, 31 minutes, de la brutalité sans fin. Une brutalité maitrisée, attention. Si des parties ultra-dévastatrices pointent le bout de leurs nez mutilés (le puissant et schizophrénique "Neither Rage Nor Pleasure", mortel, ou encore "Repugnance"), Anachronism ne donne pas dans la gratuité. Majoritairement mid-tempo, mais aux nombreuses évolutions, les compos renferment toutes des passages briseurs de nuques. Rythmiques concassées, riffs saccadés, guitare crunchy, batterie complexe et épileptique (Florent Duployer est vraiment talentueux), basse au son de moissonneuse batteuse géante (pour utiliser une image qui parlera au plus grand monde), ce premier effort est une réussite. Une mention particulière est a donner à la basse de l'album. Il n'a rien de spécial, car très naturel et pourtant, il se démarque fortement: doté d'une sorte d'effet doublé, il sort de l'ordinaire. Le grain métallique donne de la couleur aux morceaux tandis que les basses fréquences de chacune des notes sont très distinctes. On peut suivre parfaitement ce que joue le bassiste rien qu'avec le grondements sortant le l'ampli. Un truc de fou.

Le groupe fait preuve d'une cohésion rythmique sans faille : guitare, basse et batterie fusionnent en un énorme bloc de marbre. "Senseless" est dénué de solo de guitare ou même d'instants mélodiques. Il ne contient pas de riff véritablement mémorable. Il s'agit plutôt d'un inlassable déferlement rythmique tranchant comme un hachoir de boucher, concocté par Lisa, principale compositrice. C'est dans cette approche atypique et dans sa capacité à arranger ces amalgames rythmiques que le groupe tire sa force; il tient en haleine du début à la fin (sa relative courte durée, dans les canons du genre, n'est pas un défaut), les morceaux-dédales, sans être complexes à outrance, proposent assez de rebondissements, variations de vitesse et autres cassures rythmiques, pour maintenir l'attention éveillée.

Dans un ordre d'esprit similaire, le chant, varié et sérieux, aux paroles (intelligibles, ce qui est un bon point) bien écrites évitant l'écueil trop prévisible du gore et abordant des thèmes plus personnels (relations humaines, introspection et, plus original, un rapport plutôt agnostique sur la question religieuse), se fond dans ce bloc sonore et développe le côté brutal du groupe. La production est très bonne, sèche mais qui respire. Le rendu global est très naturel et appréciable. Seule la guitare, quelque peu maigrelette, aurait mérité un peu plus de punch (l'absence d'une seconde guitare se fait sentir mais ne constitue pas une insuffisance en soi). En conclusion, Anachronism nous livre avec "Senseless" un premier album de death metal brutal et technique d'une redoutable efficacité, recommandable pour tous les carnivores qui nous lisent.


Man Of Shadows
Mai 2015


Conclusion
Le site officiel : www.anachronism.ch